5 January 2021
Alerte Client | France | Arbitrage International
Une nouvelle version du Règlement d'Arbitrage de la CCI est entrée en vigueur le 1er janvier 2021 et s'applique à tous les arbitrages enregistrés à partir de cette date. Bien que les modifications apportées s'inscrivent dans la continuité du Règlement d'Arbitrage de la CCI de 2017, la version de 2021 apporte des changements attendus. Tout d'abord, ces changements clarifient certaines dispositions qui ont donné lieu à des débats au cours de ces dernières années, et accordent au tribunal arbitral ou à la Cour de la CCI des pouvoirs afin d'éviter une perturbation de la procédure et de protéger le caractère exécutoire de la sentence. De plus, les modifications visent à promouvoir un déroulement efficace des procédures. Enfin, les changements reflètent l'utilisation accrue de la technologie et plus particulièrement dans le contexte de la pandémie du Covid et des confinements associés.
Certains changements sont introduits afin de clarifier diverses dispositions du Règlement d'Arbitrage de la CCI de 2017, ayant suscité des débats ou soulevé des difficultés dans plusieurs d'affaires.
Spécificité de l'arbitrage d'investissement. Deux nouvelles dispositions affirment la spécificité de l'arbitrage d'investissement. Dorénavant, dans un différend entre un investisseur et un État dont la convention d'arbitrage découle d'un traité, aucun des arbitres ne peut avoir la même nationalité que l'une des parties (article 13(6)) et il n'est pas possible d'avoir recours à l'arbitrage d'urgence (article 29(6)(c)).
Élargissement du pouvoir du tribunal arbitral afin d'éviter les contestations sur son indépendance et son impartialité. En vertu du nouvel article 17(2), le tribunal arbitral a le pouvoir de prendre "toute mesure nécessaire"[1] - y compris l'exclusion d'un conseil ajouté tardivement - afin d'éviter un éventuel conflit d'intérêts d'un arbitre. Cette nouvelle disposition vise à dissuader les parties d'utiliser le changement de conseil comme tactique dilatoire. De même, l'article 11(7) introduit une nouvelle obligation pour les parties de révéler l'existence et l'identité d'un tiers financeur afin d'éviter toute demande de récusation d'un arbitre fondée sur un conflit d'intérêts avec ledit tiers financeur.
Élargissement du pouvoir de la Cour de la CCI afin de protéger le caractère exécutoire de la sentence. L'une des modifications les plus controversées semble être l'addition du nouvel article 12(9). Nonobstant l'accord des parties, la Cour de la CCI peut, dans des "circonstances exceptionnelles", nommer chaque membre du tribunal arbitral dans le but d'"éviter un risque important de traitement injuste et inéquitable pouvant affecter la validité de la sentence". Cette nouvelle disposition trouvera à s'appliquer lorsque la convention d'arbitrage donne à une partie seulement le pouvoir de nommer l'arbitre unique ou le président du tribunal arbitral, ou lorsqu'elle viole la loi du siège de l'arbitrage.
Efficacité accrue dans les litiges complexes. Un nombre important d'affaires administrées par la CCI sont des litiges complexes entre plusieurs parties en vertu de plusieurs contrats et de multiples conventions d'arbitrage. Le Règlement d'Arbitrage de 2021 facilite l'intervention d'un tiers comme partie à l'arbitrage et la jonction d'arbitrages.
En effet, le nouvel article 7(5) permet l'intervention d'un tiers après la confirmation ou la nomination du tribunal arbitral. La partie intervenante doit être partie à la convention d'arbitrage, elle doit accepter le tribunal arbitral constitué et l'acte de mission. Dans sa décision d'accepter ou non cette intervention, le tribunal arbitral tiendra compte de "toutes les circonstances pertinentes", y compris sa compétence prima facie à l'égard de la partie intervenante, le moment de la demande, les éventuels conflits d'intérêts et l'impact de cette intervention sur la procédure pendante. Il convient de noter que l'intervention d'un tiers est désormais autorisée sans le consentement du demandeur à l'arbitrage.
De même, l'article 10(b) permet désormais la jonction de procédures d'arbitrage engagées sur le fondement de conventions d'arbitrage similaires. Cette modification est bienvenue en ce qu'elle permettra notamment de joindre des procédures fondées sur des contrats adossés contenant des conventions d'arbitrage identiques.
Augmentation du seuil pour la procédure d'arbitrage accélérée. La procédure accélérée a remporté un franc succès et est considérée par un grand nombre de praticiens comme étant efficace, rapide et bon marché. En vertu du Règlement de la CCI de 2017, la procédure accélérée s'appliquait automatiquement lorsque le montant du litige était inférieur à 2 millions de dollars. Après de nombreux débats, le seuil est augmenté à 3 millions de dollars pour les conventions d'arbitrage conclues après le 1er janvier 2021 (article 1(2) de l'annexe VI). Dès lors, le nombre d'affaires soumises par défaut à la procédure accélérée devrait augmenter dans les années à venir.
Technique de gestion des affaires. Un changement de formulation très subtil reflète la volonté de la CCI de promouvoir les modes alternatifs de règlement des litiges et le règlement anticipé de tout ou partie de la demande. Alors qu'en vertu du Règlement d'Arbitrage de la CCI de 2017, le tribunal arbitral devait uniquement informer les parties de la possibilité de régler leur litige à l'amiable à tout moment de la procédure, il devra désormais les encourager à le faire (article h)(i) de l'Annexe IV). On peut toutefois se demander quelle forme cet encouragement devra prendre, en ce inclus la nécessité de décrire les initiatives prises par le tribunal dans la sentence, et quelle sanction pourra être imposée si le tribunal arbitral omet de le faire.
Sentence additionnelle. L'article 36(3)-(4) permet au tribunal arbitral de rendre une sentence additionnelle concernant une demande qui lui a été soumise, mais qui a été omise dans sa première sentence. Cet ajout est particulièrement utile lorsque la loi du siège ne permet pas de rendre des sentences supplémentaires dans la mesure où, dans le cas contraire, la partie devrait entamer une nouvelle procédure d'arbitrage concernant la demande non tranchée par le tribunal.
Utilisation accrue du format électronique. La révision des articles 3(1), 4(4)(b), et 5(3), supprime l'obligation de remettre par défaut des copies papier. En effet, l'article 3(1) ne prévoit plus que l'"envoi" des mémoires et des communications écrites à chaque partie, arbitre et secrétariat. Les parties doivent désormais décider si, en fonction de leur droit interne, elles doivent demander la transmission de la requête d'arbitrage et de la réponse par “dépôt contre accusé de réception, courrier recommandé ou courrier simple".
Lors d'une conférence du 1er décembre 2020, la CCI a annoncé qu'elle lançait une nouvelle plateforme de gestion des affaires en ligne et mettait en place un réseau d’échange pour chaque affaire, afin d'encourager le dépôt des mémoires et communications écrites ultérieures par voie électronique plutôt qu'en version papier.
Enfin, la signature électronique de l'acte de mission et de la sentence est encouragée. Toutefois, elle n'est précisée que dans la Note aux parties et aux tribunaux arbitraux sur la conduite de l’arbitrage, dans la mesure où la force exécutoire de ces signatures pourrait être remise en question en vertu de certaines lois nationales.
Absence de présomption d'audiences en présentiel. La formulation de l'article 25(2) du Règlement de la CCI de 2017 a été modifiée et un nouvel article 26(1) a été introduit. En vertu de cette nouvelle disposition, il n'existe plus de présomption selon laquelle les audiences doivent être menées "en personne". Le tribunal arbitral peut désormais décider "après avoir consulté les parties, et sur la base des faits et circonstances pertinentes de l'affaire, que toute audience sera conduite en présence physique ou à distance par vidéoconférence, téléphone ou tout autre moyen de communication approprié".
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[1] Les citations en français sont une traduction libre dans l'attente de la publication par la CCI d'une version officielle du Règlement d'Arbitrage de la CCI de 2021 en français.
Cette publication électronique n’a qu’une vocation d’information générale non exhaustive. Elle ne saurait constituer ou être interprétée comme un acte de conseil juridique du cabinet Gide.