18 mai 2020
Dans le contexte de la crise sanitaire actuelle, le Gouvernement a pris des mesures visant à reporter pratiquement tous les délais légaux de procédure.
Cette publication a été mise à jour le 18 mai 2020
L'état d'urgence sanitaire est entré en vigueur le 24 mars 2020, initialement pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 23 mai à minuit (voir ici le débat et la position convergente sur cette date du Conseil d'Etat (ordonnance n° 439903 du 10 avril 2020) et de la Chancellerie (circulaire du 17 avril 2020). L'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020[1], modifiée par l'ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020[2] et éclairée par deux circulaires du 26 mars 2020 et du 17 avril 2020, prévoyait, en substance, que les délais arrivés à échéance entre le 12 mars 2020 et un mois après la fin de l'état d'urgence sanitaire (période dite "période juridiquement protégée") seraient reportés, autrement dit recommenceraient à courir pour la durée du délai qui était légalement impartie pour agir, dans la limite de deux mois.
Une loi du 11 mai 2020[3] est venue proroger l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 10 juillet 2020 inclus.Toutefois, le gouvernement a considéré que la reprise de l'activité économique du fait de l'allégement du confinement à compter du 11 mai, permet désormais aux opérateurs économiques de procéder aux actes et formalités prescrits par la loi. Il a donc décidé, par l'ordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020[4], de substituer à cette référence glissante fondée sur la fin de l'état d'urgence sanitaire, la date fixe du 23 juin 2020 à minuit, comme date de fin de la période juridiquement protégée.
Il résulte du mécanisme mis en place que, sous réserve de nouvelle modification, les délais censés se terminer entre le 12 mars et le 23 juin 2020 recommencent à courir à cette date pour se terminer au plus tard au 23 août 2020. Il convient à cet égard de distinguer entre les cas où le délai initial imparti était de deux mois ou plus, et ceux où il était inférieur à deux mois. Dans le premier cas, la date butoir serait bien cette date du 23 août 2020. Dans le second cas, la date butoir interviendrait plus tôt, une fois écoulée la durée du délai initialement imparti (par exemple, le 23 juillet si le délai initialement imparti était d'un mois)[5].
L'ordonnance précitée, de portée générale[6], s'applique notamment aux délais civils prévus par le droit français en matière de propriété intellectuelle[7].
En parallèle, les offices de propriété intellectuelle et les tribunaux ont adapté leurs organisations et/ou reporté les délais des procédures administratives et judiciaires.
Malgré l'allègement du confinement, l'INPI maintient la fermeture de ses sites au public au-delà du 11 mai 2020 et au moins jusqu'au 2 juin 2020. L’examen, la délivrance des titres de propriété industrielle et la diffusion du registre national du commerce et des sociétés (RNCS) par l'INPI (Institut National de la Propriété Intellectuelle) se poursuivent à distance.
Les services en ligne restent à disposition pour l'ensemble des démarches suivantes : dépôts de brevets, marques, dessins et modèles, e-Soleau ; renouvellement de marques ; paiement des annuités brevets ; inscription aux registres ; indications géographiques ; etc. Grâce à la dématérialisation des procédures, l'INPI poursuit en télétravail l'examen et la délivrance des titres de propriété industrielle. Jusqu'au 2 juin 2020 au moins, les copies officielles de documents sont fournies uniquement au format pdf avec une authentification par signature électronique. Par ailleurs,malgré la crise sanitaire, l'INPI a pu déployer dans le calendrier prévu, les réformes entrées en vigueur le 1er avril 2020 - l'instauration d'une procédure administrative en nullité et déchéance de marque et d'une procédure d'opposition en matière de brevet.
Par décision du 16 mars 2020, l'INPI avait décidé que les délais relevant de son autorité, et non échus à la date du 16 mars 2020, étaient tous (à l'exception des procédures d'opposition en matière de marque) portés à 4 mois. La décision n° 2020-33 du 26 mars 2020 est toutefois venue rapporter ces premières dispositions, en raison de l'intervention de l'ordonnance du 25 mars 2020, laquelle s'applique donc, avec ses modifications ultérieures, également aux délais impartis par l'INPI. Selon un communiqué de ce dernier, le report concerne ainsi les délais pour faire opposition à une marque, renouveler une marque, proroger un dessin ou modèle et bénéficier du délai de grâce correspondant, introduire un recours administratif ou juridictionnel, répondre à une notification de l'INPI, payer une annuité de brevet, etc.
En revanche, ne sont pas concernés les délais de priorité pour une extension internationale, les délais de paiement pour le dépôt de brevet ni les délais pour déposer un certificat complémentaire de protection (qui relèvent de dispositions supranationales).
L’EUIPO (Office de l’Union Européenne pour la Propriété Intellectuelle) assure que, dans la mesure du possible, ses activités se poursuivent comme d’habitude.
Autrement dit, les demandes de marques et de dessins ou modèles continuent d’être reçues, examinées et publiées, et l'EUIPO continue d'envoyer des communications et de fixer des délais. Les bulletins sont toujours publiés.
Par décision du directeur exécutif de l'EUIPO n° EX-20-3 du 16 mars, tous les délais expirant entre le 9 mars 2020 et le 30 avril 2020 affectant toutes les parties devant l’Office, ont été prorogés jusqu‘au 1er mai 2020 (soit, en pratique, jusqu’au lundi 4 mai 2020, le 1er mai étant un jour férié). Une nouvelle décision (n° EX-20-4) publiée le 29 avril 2020 a prorogé jusqu'au 18 mai 2020 tous les délais expirant entre le 1er mai 2020 et le 17 mai 2020. Le 15 mai 2020, l'Office a indiqué qu'il n'y aurait pas de prorogation supplémentaire. Afin d'aider les usagers qui sont confrontés à des difficultés persistantes liées à la pandémie de Covid-19, l'Office a publié une note synthétisant les dispositions procédurales pertinentes en matière de délais : prorogation des délais dans les procédures contradictoires et non contradictoires, suspension des procédures, poursuite des procédures, restitutio in integrum.
L'OEB (Office Européen des Brevets) indique que ses divisions de la recherche, d'examen et d'opposition poursuivent leurs activités.
Les chambres continuent de rendre des décisions écrites, d'émettre des notifications et des citations aux procédures orales.
S'agissant de la procédure d'examen, une décision du Président de l'OEB, en date du 1er avril 2020, a instauré le principe selon lequel les procédures orales sont désormais tenues sous forme de visioconférence devant les divisions d'examen. Cette règle s'applique à toutes les procédures orales pour lesquelles la citation est signifiée à compter du 2 avril 2020, ainsi qu'à celles signifiées avant cette date et qui doivent se tenir après le 17 avril 2020 ou dont le demandeur a accepté qu'elles soient tenues par visioconférence.
S'agissant des procédures devant les divisions d'opposition, un projet pilote permet également, sur la base du volontariat, la tenue de procédures orales par visioconférence. A l'exception des procédures par visioconférence déjà confirmées, l'OEB reporte jusqu'à nouvel ordre,les procédures orales prévues jusqu'au 2 juin 2020. A cette heure,il envisage de maintenir après le 2 juin 2020 les procédures orales dont la tenue est prévue dans les locaux de l'OEB.
Les chambres de recours reprennent à partir du 18 mai 2020,dans une mesure limitée, la tenue des procédures orales dans leurs locaux. Des procédures orales devant les chambres de recours pourront également être conduites par visioconférence, avec l'accord des parties concernées.
Enfin, les délais expirant le 15 mars 2020 ou après cette date ont, dans un premier temps, été prorogés jusqu’au 17 avril 2020, puis jusqu'au 4 mai 2020. Ces délais font actuellement l’objet d’une nouvelle prorogation jusqu'au 2 juin 2020.
Par deux communiqués des 16 et 17 mars 2020, l'OMPI (Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle) a indiqué qu’elle continue :
Par ailleurs, l'OMPI a indiqué dans un communiqué du 9 avril 2020 relatif aux demandes de brevets PCT, qu'il considérait la pandémie actuelle comme un cas de force majeure susceptible d'être invoqué en cas de non-respect d'un délai devant l'office. Dans un communiqué du 21 avril 2020 relatif aux demandes de marques internationales, il a indiqué qu'il traiterait favorablement toute requête soumise en vertu de la règle 5 du règlement d'exécution (requête en restauration en cas d'inobservation d'un délai) faisant état de difficultés liées au Covid-19, sans exiger que les déposants, les titulaires ou les offices,en apportent la preuve. De façon générale, l'OMPI a compilé des informations pertinentes sur les recours disponibles en cas de perturbation ou de non-respect d'un délai pour le PCT et les systèmes de Madrid et de La Haye.
L'INPI tient à jour un tableau[8] des dispositions liées au Covid-19 prises par différents offices nationaux étrangers de propriété intellectuelle / industrielle (la dernière version mise en ligne date du 29 mai 2020). Ce tableau couvre une trentaine de pays ainsi que l'Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI) et l'African Regional Intellectual Property Organization (ARIPO).
A partir du lundi 16 mars 2020, toutes les affaires civiles ou commerciales ont été reportées jusqu'à nouvel ordre, sauf les contentieux considérés comme essentiels (audiences pénales notamment) dont ne fait pas partie le contentieux de la propriété intellectuelle.
Ont ainsi été reportées jusqu’à nouvel ordre les audiences des affaires pendantes devant les chambres spécialisées du Tribunal judiciaire de Paris (la 3ème), ou de la Cour d’appel de Paris (Pôle 5), les requêtes aux fins de saisie-contrefaçon, les assignations en référé, etc.
Les dossiers qui devaient être examinés à ces audiences ont fait ou feront l'objet d'un renvoi sur un rôle d'attente. Les parties seront informées dès le retour à la normale de la date de ce renvoi.
L'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020[9] prévoit que dans la plupart des affaires civiles, les tribunaux peuvent décider que la procédure se déroulera sans audience de plaidoirie. A l'exception de certaines procédures (notamment de référé), les parties disposent d'un délai de 15 jours pour s'opposer à une telle décision. Le 27 avril 2020, le Président du Tribunal Judiciaire de Paris a rendu une ordonnance précisant que dans la plupart des procédures au fond clôturées où les plaidoiries étaient ou sont prévues entre le 16 mars et le 24 juin, le jugement sera rendu sans audience de plaidoirie, à défaut d'opposition d'une partie entraînant de ce fait le renvoi de l'audience à une date ultérieure. Une nouvelle ordonnance du Président du Tribunal Judiciaire de Paris, en date du 7 mai 2020, a précisé que les procédures de référé en matière de propriété intellectuelle, appelées à des audiences fixées entre le 17 mars et le 1er juin, seront jugées sans plaidoiries. Depuis le 11 mai 2020, il est possible de déposer au tribunal des requêtes à fin de saisie-contrefaçon. Ces dernières sont traitées sans audience,le magistrat contactant l'avocat par courrier ou téléphone s'il estime nécessaire de disposer d'informations complémentaires. De son côté, le premier président de la Cour d'appel de Paris a rendu le 23 avril 2020 une ordonnance indiquant que les dossiers dont les plaidoiries étaient ou sont prévues pour la période du 16 mars au 24 mai 2020 seraient traités selon la procédure sans audience, sous réserve de l'opposition d'une partie.
Les délibérés prévus au cours de cette période sont prorogés à une date qui sera communiquée ultérieurement.
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[1] Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période.
[2] Ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l'épidémie de covid-19
[3] Loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions.
[4] Ordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020 fixant les délais applicables à diverses procédures pendant la période d'urgence sanitaire
[5] En raison de la complexité des règles de computation des délais, il pourrait exister une marge d'incertitude d'un jour, liée au fait que le délai supplémentaire pourrait commencer à courir le lendemain de la cessation de la période juridiquement protégée.
[6] L'Ordonnance exclut toutefois du champ de ses dispositions, les délais et mesures résultant de l'application de règles de droit pénal et de procédure pénale, ainsi que quelques autres délais spécifiques n'intéressant pas la matière de la propriété intellectuelle.
[7] A l'exception de ceux résultant d'accords internationaux ou de textes européens.
[8] Accessible à cette adresse
[9] Ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété.
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