30 janvier 2020
Conformité & Investigations Internes | France
A l'heure où la compliance devient un véritable enjeu stratégique dans les opérations de croissance externe, l'Agence Française Anticorruption (« AFA ») vient de publier la version définitive de son Guide pratique sur « les vérifications anticorruption dans le cadre des fusions-acquisitions ».
Il convient de saluer non seulement cette initiative, mais surtout, le fait que l'AFA ait tenu compte des critiques des professionnels qui reprochaient aux recommandations initiales leur manque de réalisme au vu des contraintes opérationnelles. En effet, cette nouvelle version du Guide est plus adaptée à la réalité des opérations de fusion-acquisition.
L'AFA, qui a été créée par la loi Sapin II du 9 décembre 2016, est un service à compétence nationale qui n'a pas de pouvoir judiciaire. Elle est en charge d'aider les entreprises à prévenir et à lutter contre les atteintes à la probité, mais surtout, de contrôler que les entités assujetties respectent les obligations qui leur incombent en application de l'article 17 de la loi Sapin II, et le cas échéant, de les sanctionner.
L’AFA rappelle que la loi Sapin II n'impose pas « l'évaluation d'une société dont l'acquisition ou la fusion est envisagée » et que ses recommandations ne sont pas juridiquement contraignantes.
Elle souligne que ces vérifications peuvent influer sur le prix d'acquisition compte tenu des conséquences que pourraient entraîner, pour l'acquéreur, l'acquisition ou la fusion d'une société ayant commis des actes de corruption.
En effet, si une opération de fusion ou d'absorption fait disparaître la responsabilité pénale de la société cible absorbée ou fusionnée, la société absorbante ou issue de la fusion demeura responsable administrativement et civilement des actes commis par la société cible absorbée ou fusionnée. En outre, l’acquéreur s’expose à un risque réputationnel important.
L'AFA détaille chronologiquement les vérifications qu'il convient d’effectuer aux différents stades de l'opération, sous le contrôle du responsable des vérifications anticorruption désigné par l'acquéreur.
L'AFA reconnait que les mesures doivent être adaptées et proportionnées aux enjeux de l'opération ainsi qu’au degré d'exposition de la cible au risque de corruption. Elle précise que chaque entreprise peut définir sa propre procédure de vérification.
L'AFA reconnait que la possibilité d'effectuer des vérifications puisse être restreinte en raison de la réticence du vendeur à communiquer certaines informations sensibles à l'acquéreur potentiel alors que l'opération n'est pas certaine.
L'AFA recommande toutefois, de solliciter la communication de documents ou d'effectuer les recherches nécessaires permettant notamment de :
Au cours de cette seconde phase de l'opération, l'AFA recommande d'approfondir l'analyse de la cible en obtenant des informations complémentaires relatives :
Ces vérifications complémentaires ont pour but de s'assurer que le dispositif anticorruption de la société acquéreuse / absorbante puisse être plus facilement appliqué à la société cible.
Si l'AFA préconise de terminer les vérifications anticorruption avant le terme de l'opération de fusion-acquisition, elle recommande de réaliser un audit après la finalisation de l'opération, ayant notamment pour objectifs d'effectuer :
A l'issue de l'opération, la société acquéreuse devra étendre son dispositif anticorruption à la cible. Pour rappel, une société cible qui ne serait pas originellement soumise à la loi Sapin II, peut le devenir en raison de l'opération de fusion-acquisition.
En outre, l’AFA incite les entreprises qui détectent des soupçons de corruption lors de ces vérifications à procéder à une enquête interne approfondie afin de pouvoir, le cas échéant, conclure une Convention Judiciaire d'Intérêt Public (« CJIP ») pour éviter une condamnation sur le fondement d'actes commis par la société cible. Sur ce sujet, voir SCEMLA Sophie, Les lignes directrices du PRF et de l’AFA sur la mise en œuvre de la convention judiciaire d’intérêt public en matière de corruption, Revue Internationale de la compliance et de l’éthique des affaires, août 2019, n°4, p. 44.