14 septembre 2017
Alerte Client | Royaume-Uni | UE | Brexit
L’acquis communautaire est l’ensemble des droits et obligations provenant de l’Union européenne UE). Il est composé des règles, principes et objectifs politiques des traités européens, de la législation européenne, de la jurisprudence de la Cour de Justice de l’UE, des déclarations et résolutions adoptées par l’UE, des instruments relevant de la politique étrangère et de sécurité commune, des traités internationaux signés par l’UE, ainsi que ceux signés entre Etats membres dans les champs de compétence de l’UE.
Depuis l'adhésion du Royaume-Uni à l’Union en 1973 l’influence du droit européen sur le droit britannique est devenue de plus en plus importante, rendant son abrogation soudaine problématique. L’approche privilégiée par le Premier Ministre Theresa May, révélée lors de son discours à la conférence du parti conservateur en octobre dernier, consiste à internaliser l’ensemble du droit européen en vigueur au Royaume-Uni le jour de sa sortie de l’Union. Le Projet de loi pour le retrait de l’UE (European Union (Withdrawal) Bill), en débat au Parlement, contient plus d’informations sur l’aspect pratique de cette approche. Les lois liées à l’UE seront conservées ou traduites en droit interne, selon la nature de leur lien avec l’UE.
L'abrogation du « European Communities Act 1972 » (ECA)
Le Projet de loi vise à abroger l’ECA le jour du retrait du Royaume-Uni de l’UE. L’ECA est la loi qui transposait le droit européen dans le britannique et garantissait la primauté du droit communautaire. Abolir l’ECA supprimera donc le mécanisme par lequel le droit communautaire est intégré au droit britannique.
Droit dérivé de l'UE
La majorité de l’acquis a été incorporé en droit britannique par le biais de législations secondaires (lois créées par une instance publique). Toute législation secondaire expire lorsque la loi primaire (ici, l’ECA) qui confère à l’instance publique l’autorité de légiférer, est abrogé. Cette législation secondaire est explicitement maintenue par le Projet de loi.
La législation européenne
La législation européenne ne fait pas partie du droit britannique. L’effet direct des règlements de l’UE sur le droit britannique découle de l’ECA qui énonce que ces règlements prendront effet « en accord avec les Traités européens ». Ce système sera abrogé avec l’ECA, donc le Projet de loi vise à internaliser ces législations européennes telle qu’elles existent avant la date de retrait du Royaume-Uni. En conséquence, toute législation entrant en vigueur par étape ne verra que les aspects déjà entrés en vigueur à la date du retrait transposés en droit anglais.
La primauté du droit européen
Le principe de la primauté du droit européen lui confère un statut supérieur aux lois des Etats Membres. Le droit interne, même si entré en vigueur après une loi européenne, doit laisser place à la loi européenne et être rendu inapplicable par les juridictions internes s’il n’est pas en ligne avec celle-ci. Le Projet de loi abroge ce principe pour toute loi britannique adoptée à partir du Brexit. En conséquence, toute loi nouvelle du Parlement britannique, passé après le Brexit, incompatible avec le droit européen traduit en droit britannique par le Projet de loi la remplacera comme nouvelle loi en vigueur. Toutefois, tout conflit entre loi interne passé avant la date de sortie et le droit européen sera résolu conformément au principe de primauté.
Interprétation du droit européen
La relation entre les cours et tribunaux britanniques et la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) suite à la sortie du Royaume-Uni de l’UE est envisagée par le Projet de loi de la façon suivante :
• toutes décisions de la CJUE ne seront pas contraignantes ;
• les appels devant la CJUE ne seront plus possibles ; et
• les cours n’auront plus à prendre en compte les actes de la CJUE, l’UE ou autre instance européenne mais pourront le faire si elles considèrent que c’est approprié.
Toute question quant à la validité, l’interprétation ou l’effet du droit européen internalisé sera résolue par les juridictions britanniques conformément à la jurisprudence de la CJUE et des principes généraux antérieurs au Brexit. Ce principe ne s’appliquera pas à la Cour suprême du Royaume-Uni (CSRU) dont la jurisprudence aura le même statut devant les cours britanniques que la jurisprudence de la CJUE antérieure au Brexit. La CSRU devra appliquer les mêmes tests que ceux utilisé pour s’écarter d’une jurisprudence (précédents), c’est-à-dire s’il semble juste de le faire, quand elle décidera de s’écarter d’une jurisprudence de la CJUE. En pratique, la CSRU ne s’écarte que peu souvent de sa jurisprudence.
Conclusion
Le Projet de loi soulève de nombreux problèmes. Le droit britannique évolue lentement - dans le jugement Miller, les juges ont cité des lois et des arrêts datant de plus d’un siècle. Il paraît inévitable que les avocats britanniques se référeront au droit européen bien après la sortie du Royaume-Uni de l’UE prévue le 29 mars 2019. De nouvelles divergences entre le droit britannique et le droit européen apparaîtront immédiatement - le 30 mars 2019, certains textes de droit européen transposés en droit britannique ne s’appliqueront plus dans le reste de l’UE alors que de nouvelles réformes européennes s’appliqueront dans l’UE et non dans le Royaume-Uni. Les nouveaux arrêts de la CJUE n’auront plus d’impact sur les citoyens britanniques menant à une dichotomie des voies de recours accessibles aux citoyens européens résidant au Royaume-Uni et aux britanniques pour une même action. Toutefois, le projet de loi offre des précisions rassurantes quant au paysage juridique britannique post-Brexit.