15 mai 2018
Alerte Client | France | IP-TMT
L'ordonnance n° 2018-341 du 9 mai 2018 relative au brevet européen à effet unitaire et à la juridiction unifiée des brevets ("JUB") a été publiée au Journal Officiel du 10 mai 2018.
Ce texte, tant attendu, poursuit un double objectif : assurer la compatibilité de la législation, notamment du Code de la propriété intellectuelle, avec les deux règlements de l’Union européenne formant le "paquet brevet" (les règlements (UE) n° 1257/2012 et n° 1260/2012) et mettre en œuvre l’accord relatif à une juridiction unifiée du brevet, signé à Bruxelles le 19 février 2013 et ratifié par la France par la loi n° 2014-199 du 24 février 2014 ("l'Accord").
Parmi les modifications substantielles apportées par ce texte, figurent celles qui touchent à la prescription des actions portant sur un brevet européen ou français : prescription des actions en nullité d'une part, et prescription des actions en contrefaçon d'autre part. Elles permettent de garantir une égalité de traitement devant le tribunal de grande instance de Paris et la JUB et d'assurer une meilleure sécurité juridique.
L'article 13 de l'ordonnance, qui figure au sein d'un titre II "dispositions relatives aux actions en justice portant sur les brevets européens et les brevets français", insère un nouvel article L. 615-8-1 au Code de la propriété intellectuelle selon lequel : "L'action en nullité du brevet est imprescriptible."
Cette disposition a pour objet de mettre un terme à l'application par les juridictions françaises du délai quinquennal de droit commun de l'article 2224 du Code civil (issu de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 réformant les règles de prescription civile) aux demandes en nullité de brevet et à la détermination délicate du point de départ de ce délai de 5 ans. Cette question avait donné lieu, ces dernières années, à d'abondants débats jurisprudentiels.
Il faut se réjouir de ce texte qui évite une distorsion entre le régime français et celui de la JUB, ainsi qu'entre le régime français et celui de nos voisins européens qui ne connaissent pas la prescription des demandes en nullité de brevets.
Quelques nuances doivent cependant être apportées :
La prescription des actions en contrefaçon est quant à elle toujours quinquennale. Cependant l'article 12 de l'ordonnance en modifie le point de départ. L'article L. 615-8 du Code de la propriété intellectuelle, tel que remplacé, prévoit ainsi que les actions en contrefaçon seront prescrites par cinq ans, non plus "à compter des faits qui en sont la cause" (c'est-à-dire le jour de réalisation des actes de contrefaçon), mais "à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaitre le dernier fait lui permettant de l'exercer".
Cette modification, qui fait écho à l'article 72 de l'Accord et à l'article 2224 du Code civil, est indéniablement plus favorable aux titulaires de droits.
Son entrée en vigueur reste cependant, elle aussi, soumise à l'entrée en vigueur de l'Accord et la détermination du fameux "jour où le titulaire [du brevet] a connu ou aurait dû connaitre le dernier fait lui permettant [d'] exercer" son action en contrefaçon risque, en bousculant quelques solides habitudes, de donner lieu à d'intéressants débats.
On pourrait par ailleurs regretter que pareille harmonisation n'ait pas touché les autres droits de propriété intellectuelle mais, en statuant par ordonnance, le Gouvernement ne pouvait qu'agir dans le strict cadre d'une loi d'habilitation qui ne portait pas sur ces autres droits (loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, Article 109 I 3° et 4°). Il est donc possible que législateur intervienne à nouveau sur ce point, peut-être à l'occasion de la transposition en droit français du « paquet marques ».
Enfin, cette ordonnance doit être accompagnée d'un décret qui en fixera les conditions d'application.
Cliquez ici pour consulter l'Ordonnance n° 2018-341 du 9 mai 2018.
par Julie Pailhès, counsel
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