2 août 2023
Newsletter Gide | Droit des Assurances
1. Actualites législatives et réglementaires
Arrêté du 17 avril 2023 fixant les seuils d'application de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 prenant en compte l'avis 2021/C 423/12 de la Commission européenne
L'arrêté du 17 avril 2023 révise les trois seuils prévus par les articles L. 310-3-1 du Code des assurances, L. 211‑10 du Code de la mutualité et L. 931-6 du Code de la sécurité sociale relatifs aux critères d'application du régime dit "Solvabilité II" aux entreprises d'assurance, aux mutuelles et aux institutions de prévoyance, afin de prendre en compte l'inflation.
En conséquence, les entreprises, les mutuelles et les institutions de prévoyance relèvent du régime dit "Solvabilité II" lorsqu'elles remplissent, pendant trois exercices annuels consécutifs, notamment l'une des conditions suivantes :
Ces montants révisés ont été définis par la Commission européenne en s'appuyant sur les données Eurostat.
Loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat
L'article 17 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat a introduit la possibilité pour l'assuré de résilier son contrat d'assurance en ligne.
Cette résiliation par voie électronique est limitée aux contrats d'assurance, couvrant les personnes physiques en dehors de leurs activités professionnelles, ayant été conclus :
En outre, l'article 18 de la loi modifie la faculté de renonciation pour les contrats dits "affinitaires" :
Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (Corporate Sustainability Due Diligence, CSDD)
Le 1er juin dernier, le Parlement européen a rendu son avis sur la proposition de directive de la Commission européene, dite CSDD.
Pour mémoire, cette proposition de directive vise à encourager les entreprises opérant au sein de l’Union européenne à contribuer au respect des droits de l’homme et de l’environnement en recensant, en prévenant, en atténuant et en prenant en considération leurs incidences négatives sur les droits de l’homme et l’environnement, et en mettant en place à cette fin des systèmes et des mesures de gestion et de gouvernance appropriés2.
L'avis du Parlement européen traduit sa volonté d'étendre le champ d'application de la proposition en ce qu'il a notamment prévu un abaissement du seuil minimum de salariés des entreprises concernées, ce dernier passant de 500 à 250 salariés.
Le texte adopté par le Parlement européen doit à présent faire l'objet d'échanges entre les Etats membres, la Commission européenne et le Parlement Européen en vue de l'adoption de la directive.
La RIS "Retail Investment Strategy" adoptée par la Commission européenne le 24 mai 2023
Le 24 mai 2023, la Commission européenne a adopté la "Retail Investment Strategy". Ce texte fît l'objet d'une grand attente dans la mesure où la Commissaire européenne aux services financiers avait pris position en faveur de l'interdiction pure et simple de la rémunération des intermédiaires via commissionnement. Certains Etats membres de l'Union européenne s'étaient opposés à une telle interdiction, en ce compris la France par l'intermédiaire du Directeur général du Trésor3.
En définitive, si le texte publié par la Commission européenne interdit effectivement les incitations dans le cadre des ventes réalisées sans fourniture d'aucun conseil (dites "execution only"), ce dernier maintient néanmoins la possibilité de prévoir des incitations mais les soumet néanmoins à des conditions plus strictes. Il est notamment envisagé que tout nouveau produit d'assurance fera l'objet d'une analyse au regard d'un référentiel (à définir par le législateur européen) afin de déterminer si ce produit répond bien à une logique dite de "value for money".
En outre, le texte prévoit l'utilisation d'une présentation et d'une terminologie normalisées, ainsi que la remise au client, au moins une fois par an, d'un relevé clair de la performance de son portefeuille d'investissement.
Cette réflexion européenne autour de la rémunération des intermédiaires en assurance s'inscrit dans le cadre de la révision prochaine des directives DDA et MIF 2 afin de renforcer la confiance des investisseurs particuliers dans les marchés financiers. Le texte va entamer un long parcours législatif devant lequel la portée de certaines dispositions pourront encore être atténuées. Il sera examiné par le Parlement européen avant la tenue d'un trilogue avec la Commission et le Conseil4.
2. Procédures - communications des autorités
Publication de l'ACPR – Les obligations de vigilance des professionnels du secteur assurantiel animant un réseau de distribution dans le suivi de la commercialisation des contrats
Par une publication du mois d'avril 2023, l'ACPR rappelle que, dès lors qu'ils animent un réseau, les distributeurs sont soumis aux obligations prévues en matière de gouvernance et de surveillance des produits. A cet égard, l'ACPR a précisé les attentes en matière d'obligations de vigilance.
(i) La sélection des partenaires distributeurs
Les distributeurs sont tenus de mettre en place un dispositif permettant de vérifier, en fonction des canaux de distribution employés, la capacité des sous-distributeurs à commercialiser les produits d’assurance conformément à la réglementation, notamment en mettant en place des moyens humains et organisationnels suffisants.
L'ACPR insiste également sur la nécessité de collecter des informations précises auprès des potentiels sous‑distributeurs, et de définir des critères de sélection tant qualitatifs que quantitatifs.
(ii) Les outils de souscription adaptés
L'ACPR rappelle également aux distributeurs animant un réseau qu'ils sont tenus de s’assurer de la qualité des outils de souscription de leurs sous-distributeurs en étant particulièrement vigilants à leur bonne utilisation et appropriation.
En outre, les distributeurs doivent prévenir les éventuels dérives et mésusages susceptibles de nuire aux intérêts des clients, ou lorsqu'ils sont identifiés, les distributeurs doivent mettre en place des mesures correctrices.
(iii) Un dispositif de contrôle efficace
Enfin, l'ACPR réaffirme la nécessité pour les distributeurs animant un réseau de mettre en place un dispositif de suivi périodique des sous-distributeurs, lequel requiert notamment de suivre de manière régulière et rigoureuse des indicateurs d’alerte tant qualitatifs que quantitatifs (taux de chute, taux de réclamation par partenaire, motifs des réclamations, etc.).
Le cas échéant, les distributeurs doivent également instaurer des actions de contrôle et des mesures correctives, allant, si nécessaire jusqu’à la rupture du partenariat.
Recommandation du médiateur : en cas de fusion-absorption de l’employeur initial par une nouvelle société, se rapprocher de son employeur
Dans une étude de cas du 4 avril 2023, le médiateur de l'assurance recommande aux assurés, adhérant à un contrat collectif de type "article 83", de se rapprocher de leur employeur en cas de fusion-absorption de l'entreprise dans laquelle ils sont employés afin de connaître le sort réservé audit contrat.
Le médiateur attire l'attention sur le fait qu'en vertu du principe de transmission universelle du patrimoine, le contrat ne peut être résilié par l'assureur ou l'entreprise que par l'envoi d'une lettre recommandée au moins deux mois avant la date d'échéance.
Par conséquent, en cas de fusion-absorption, le contrat est transféré de l'entreprise souscriptrice initiale (l'absorbée) vers la nouvelle entreprise (l'absorbante) de sorte que l'assuré reste tenu d'adhérer à ce contrat et ne peut donc en demander le transfert vers un PERP en application de l'article L. 132-23 du Code des assurances.
Publication de l'ACPR – Rapport annuel relatif à son activité au cours de l'année 2022
Le 31 mai 2023, l'ACPR a publié son rapport annuel 2022 dans lequel elle attache notamment une attention particulière (i) à la protection de la clientèle ainsi qu'à (ii) l'élaboration de nouveaux plans de résolution.
(i) Protection de la clientèle
En 2022, l'ACPR a eu à se prononcer majoritairement sur des manquements en matière de protection de la clientèle, 4 des 7 décisions de sanction portant sur des manquements dans ce domaine.
Le rapport souligne notamment que les 101 contrôles sur place réalisés ont permis d'identifier des manquements importants en matière de sélection et de suivi de la qualité des ventes ainsi que des pratiques préjudiciables aux intérêts des clients.
En conséquence, l'ACPR annonce vouloir poursuivre ses actions en 2023 afin de vérifier que les courtiers grossistes, en leur qualité d’animateurs de réseaux de distribution, renforcent leur dispositif de sélection et de suivi de la qualité des ventes de leurs partenaires.
(ii) Plans de résolution
Le Collège de résolution de l’ACPR dispose de pouvoirs accrus à l’égard d’un organisme d’assurance en situation de défaillance et peut prendre des mesures de résolution afin de maintenir la continuité des fonctions considérées comme critiques pour l’économie réelle ou la stabilité financière.
Il ressort de son rapport annuel de 2022 que les premiers plans préventifs de résolution ont été adoptés par le Collège de résolution. Ces premiers plans présentent notamment une analyse détaillée des activités des différents organismes et, pour ceux exerçant des fonctions critiques, une analyse de ces dernières ainsi qu’une première étude de leur "séparabilité" du reste du groupe.
En particulier, s’agissant des organismes exerçant des fonctions critiques, les plans ont été l’occasion pour le Collège de résolution d’identifier les stratégies de résolution envisagées à ce stade en cas de défaillance de l’organisme en mobilisant les outils de résolution appropriés.
3. Actualités jurisprudentielles
A. La consécration de l'autonomie de la faute dolosive
o Cass. Civ. 3ème, 30 mars 2023, n° 21-21.084
En l'espèce, la responsabilité civile professionnelle d’un architecte chargé par une chaîne de restauration rapide de la décoration de certains de ses restaurants est mise en cause par les ayants droits d’un designer dont il a utilisée l’œuvre protégée par le droit d’auteur. L’assureur de responsabilité civile professionnelle de l’architecte oppose la faute dolosive de ce dernier pour refuser sa garantie.
Aux termes de cet arrêt, la Cour de cassation, au visa de l’article L. 113-1 du Code des assurances, énonce que la faute dolosive s'entend d'un acte délibéré de l'assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables.
En conséquence, la Cour de cassation confirme le refus de garantie opposé par l’assureur de responsabilité civile de l’architecte en jugeant que l’utilisation délibérée par celui-ci d’une œuvre protégée a pour effet de rendre inéluctable la réalisation du dommage et de faire disparaître l'aléa attaché à la couverture du risque.
B. Le plafond de garantie comme ultime frontière du contrat d'assurance
o Cass. Civ. 2ème, 30 mars 2023, n° 21-18.488
En l’espèce, l’assureur de responsabilité civile d’un groupement d’exploitation agricole condamné à raison de la pollution d’un cours d’eau a effectué, sur exécution forcée de la décision intervenue, des paiements excédant le montant du plafond de garantie. Suite à la réformation du jugement aux termes duquel l’assureur s’est exécuté, ce dernier a assigné les bénéficiaires de ces paiements en répétition de l’indu.
La cour d’appel a fait droit à l’action en répétition de l’indu de l’assureur jugeant que le fait pour l'assureur d'avoir effectué sur exécution forcée des paiements excédant le plafond de garantie, alors que des condamnations étaient intervenues à son encontre, n'établit pas sa renonciation non équivoque à opposer ce plafond de garantie.
Aux termes de cet arrêt, si la Cour de cassation confirme la décision de la cour d’appel en ce qu’elle a jugé que l’assureur n’a pas renoncé au bénéfice des plafonds de garantie, elle casse et annule l’arrêt intervenu au motif que celui qui reçoit d'un assureur le paiement d'une indemnité à laquelle il a droit ne bénéficie pas d'un paiement indu, seul l’assuré dont la dette a été acquittée est le bénéficiaire de ce paiement indu.
C. Le courtier n’est pas responsable d’une fausse déclaration intentionnelle de l’assuré
o Cass. Civ. 2ème, 20 avril 2023, n° 21-17.672
En l’espèce, un assuré ayant omis de déclarer à son assureur une partie des maladies dont il était ou avait été atteint dans le cadre d’un questionnaire de santé a mis en cause la responsabilité civile professionnelle du courtier par l’intermédiaire duquel il a souscrit son contrat, estimant le courtier responsable de ses omissions.
Aux termes de cet arrêt, la Cour de cassation rappelle que le courtier qui remplit le questionnaire de santé de l’assuré agit comme mandataire de celui-ci dont il se borne à reproduire les déclarations. En conséquence, il appartient à l’assuré à qui est opposée la nullité du contrat pour fausse déclaration intentionnelle de prouver que le courtier ne lui a pas communiqué les éléments nécessaires à sa compréhension du questionnaire.
D. Le courtier est le mandataire général de l’assuré, sauf mandat spécial prouvé de l’assureur
o Cass. Civ. 2ème, 30 mars 2023, n° 21-17.641
En l’espèce, un assuré ayant déclaré son sinistre à son courtier par courrier recommandé avec avis de réception s’est vu opposer la prescription biennale par son assureur.
La cour d'appel a jugé que l'envoi de lettres recommandées avec avis de réception au courtier interrompait la prescription dès lors que le sinistre avait été porté à la connaissance l’assureur.
Aux termes de cet arrêt, la Cour de cassation casse et annule de la cour d'appel jugeant que les déclarations de sinistre faites au courtier par lettre recommandée avec demande d’avis de réception n’ont pas un effet interruptif de prescription en l’absence de mandat donné par l’assureur à ce dernier.