Si on comprend bien l’intérêt d’une telle suppression au regard de la volonté politique de densification de la ville et de limitation de l’étalement urbain, reste à apprécier si cette suppression constitue une véritable révolution en droit de l’urbanisme et va effectivement permettre la libération de réserves substantielles de constructibilité en zone urbaine.
Car la très médiatique suppression du COS occulte d’une certaine manière l’importance de la réécriture de l’article L. 123-1-5 du Code de l’urbanisme qui encadre la rédaction des PLU. Ainsi, au-delà de la suppression du COS, c’est le "manuel" de rédaction des documents d’urbanisme qui est révisé, témoignant de l’ampleur de la réforme en la matière.
Il ne faut pas s’y tromper, la suppression du COS ne signifie pas que les constructions immobilières sont désormais libres de toutes règles. La densité des constructions reste encadrée par les autres règles des PLU, c’est-à-dire, par les règles de gabarit, d’emprise au sol et d’implantation des constructions. Mais l’effet recherché, à savoir la densification, sera d'autant plus facilement atteint.
Signe de la volonté du législateur de faire évoluer sans attendre le droit positif en faveur de la densification, l’article 157 de la loi ALUR prévoit l’application immédiate de la suppression du COS indépendamment de toute révision des dispositions des Plans Locaux d’Urbanisme. En effet, le texte précise, implicitement mais nécessairement, que les nouvelles dispositions de l’article L. 123-1-5 du Code de l’urbanisme sont d’application immédiate pour les demandes d’autorisation de construire déposées à compter de l’entrée en vigueur de la loi ALUR. Même si on peut s’interroger sur le caractère constitutionnel de cette disposition au regard du principe de libre administration des collectivités territoriales, cette critique ayant été toutefois implicitement écartée par le Conseil Constitutionnel, il reste que les autorités compétentes en matière d’autorisations de construire ne pourront plus s’opposer à une demande de permis de construire sur le fondement de la méconnaissance des règles relatives au COS.
Mais la suppression des COS dans les Plans Locaux d’Urbanisme et son application d’effet immédiat n’est pas sans poser de multiples questions.
Au-delà de la limitation de la constructibilité d’une parcelle de terrain, le COS était en effet un outil utilisé dans certains Plans Locaux d’Urbanisme pour contrôler d’autres objectifs comme les divisions parcellaires, les bonus de constructibilité, l’équilibre des destinations, etc. En attendant l’adaptation des documents d’urbanisme par les collectivités territoriales pour reprendre le contrôle de ces objectifs, voici quelques exemples d’interrogations :
- Les dispositifs dits de "bonus de COS" pourront-ils continuer à produire leurs effets ? Selon la fiche du ministère de l’égalité des territoires et du logement relative à la loi ALUR et portant sur la suppression du COS et de la superficie minimale de terrains constructibles, "les bonus de constructibilité respectivement accordés par les articles, L. 123-11 pour les bâtiments à usage d’habitation, L. 127-1 pour les logements locatifs sociaux et L. 128-1 pour les constructions satisfaisant à ces critères de performance énergétique élevée ne peuvent plus se baser sur le COS".
Pour autant, les bonus de constructibilité ne semblent pas totalement supprimés. En effet, si le bonus de constructibilité se base non pas sur le COS mais sur les règles de gabarit par exemple, il pourrait continuer à s’appliquer. Auquel cas il faut comprendre que les constructions pourront excéder, dans la limite du bonus bien entendu, la simple application des règles relatives au gabarit des constructions prévues par le document d’urbanisme. C’est ce qu’il semble ressortir des dispositions du nouvel article L.128-1 du Code de l’urbanisme ;
- La libre répartition de la constructibilité dans les lotissements suscitera également des questions. En effet, jusqu’à la loi ALUR, le lotisseur était libre, sous certaines conditions, de répartir la constructibilité entre les lots créés, en application du COS à l’ensemble de l’unité foncière divisée.
Ici, cette règle a sans doute perdu de son intérêt, le COS ayant disparu et les règles de constructibilité ne répondant plus désormais, et principalement, qu’aux règles de gabarit et d’emprise au sol. Cependant, la fiche précitée du ministère de l’égalité des territoires et du logement relative à la loi ALUR jette un trouble en affirmant, à propos de la répartition de la surface maximale de plancher autorisée sur le périmètre d’un lotissement, que "quant à la superficie de plancher attribuée à chaque lot, elle sera répartie librement par le lotisseur lors du permis d’aménager ou lors de la vente ou de la location des lots".
Cela signifie-t-il qu’un lot pourrait excéder, de manière "gabaritaire" par exemple, la constructibilité applicable au seul lot (et donc par exemple excéder la hauteur autorisée) si un autre lot du lotissement lui en laisse la réserve, lui-même accueillant une constructibilité inférieure à celle permise par le PLU (hors règle de COS bien entendu) ?
Une telle solution serait, à notre sens, paradoxale (notamment au regard de la nécessaire cohérence urbaine) mais elle rejoindrait, d’une certaine manière, la logique même du bonus de constructibilité assis sur les règles de gabarit.
- Il était possible de fixer dans les Plans Locaux d’Urbanisme un COS différencié selon la destination des constructions prévues. Le COS était alors utilisé comme un outil de contrôle de l’équilibre entre les destinations. La suppression pure et simple des COS dans les documents d’urbanisme signifie-t-elle que les collectivités territoriales perdent définitivement cette possibilité ? On peut le penser même si d’autres moyens d’encadrement peuvent exister.
- La disparition du COS signifie-t-elle que le COS de fait a également disparu ? Ce serait la conséquence logique. Il s’agira alors de s’interroger sur :
- Les dispositions relatives au COS de fait qui renvoient à la densité et à la surface des constructions (et non au COS à proprement parler). En effet, dans une telle hypothèse, la suppression du COS n’empêcherait pas l’application d’une telle règle, ni ne périmerait la notion de constructions "sur-densitaire".
- Les modalités de restructuration des immeubles qui étaient dits en "COS de fait". En l’absence en l’état d’une reconnaissance d’un "gabarit de fait" en remplacement du "COS de fait", tout projet concernant ce type d’immeuble nécessitera une forme de régularisation si, en termes de gabarit notamment, ils excèdent la constructibilité autorisée.
- Le contrôle des changements de destination : certains PLU, à l’instar de celui de la ville de Paris, avaient institué un contrôle des changements de destination des immeubles à usage d’habitation et de ceux relevant de la catégorie des CINASPIC (Constructions et Installations Nécessaires Aux Services Publics et d’Intérêts Collectifs) à travers l’application de la règle du COS. Or, en supprimant le COS de fait, on supprime nécessairement ce moyen de contrôle. S’agissant des immeubles à usage d’habitation, l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation, dans les villes où il est applicable, devient le dernier rempart pour contrôler leur changement de destination.
Il fait peu de doute que les collectivités compétentes en matière d’élaboration de document d'urbanisme procéderont aux ajustements nécessaires pour conserver la maîtrise de ces éléments et surmonter les éventuelles difficultés qui auraient pu apparaître du fait de la suppression du COS.
Mais pour cela il serait souhaitable que la réforme s'accompagne d'actes réglementaires et de circulaires qui harmonisent a minima l'encadrement des espaces de liberté et de créativité qui sont apparus avec ce volet de la loi ALUR.
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par Nicolas Planchot (Opérations & Financements Immobiliers) et Alexandre Gauthier (Droit Public)