27 février 2018
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Le cabinet Gide est heureux d'annoncer la création des chambres internationales de commerce devant le Tribunal de commerce et la Cour d'appel de Paris, qui contribueront au rayonnement de Paris en tant qu'acteur de premier plan du contentieux international des affaires.
Le 7 février 2018, les protocoles organisant la création d'une chambre internationale de commerce devant le Tribunal de commerce et la Cour d'appel de Paris ont en effet été signés en présence notamment de la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, sur préconisation du Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris, présidé par Guy Canivet, ancien Premier Président de la Cour de cassation. Ils ont été rendus publics le 21 février 2018.
Ces protocoles ont pour objectif de préciser les modalités selon lesquelles la chambre internationale du Tribunal de commerce de Paris (créée en 1995) et la chambre internationale de la Cour d'appel de Paris (CICAP) nouvellement créée, instruiront et jugeront les affaires qui leur seront soumises.
La signature de ces protocoles place la France devant les autres Etats européens, notamment l'Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas, qui envisagent également la création de juridictions spécialisées dans le traitement du contentieux commercial international.
Leur création présente des opportunités mais également des défis de taille pour l'ensemble des acteurs concernés, à savoir les sociétés commerciales qui seront les futures parties à ces procédures, les avocats qui les assisteront et les juges chargés de l'instruction de la cause.
Cet évènement est une des conséquences du Brexit. En effet, en sa qualité de place financière, Londres a eu à connaître de l'immense majorité des litiges transnationaux de droit des affaires. Parmi les conséquences de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, sous réserve des négociations à venir, les décisions rendues par les juridictions anglaises ne bénéficieront plus de la reconnaissance et de l'exécution automatique au sein de l'Union européenne et devront se soumettre aux procédures d'exequatur plus longues et plus coûteuses en vigueur dans chacun des Etats membres afin de pouvoir y être reconnues et exécutées.
Plusieurs innovations reflètent la volonté de la France de faciliter l'accès aux juridictions françaises et d'atténuer les réticences - justifiées ou non - des sociétés étrangères, notamment en :
Ces chambres ont vocation à connaître des litiges relatifs aux contrats du commerce international, qu'ils soient soumis au droit français ou qu'ils relèvent d'un droit étranger, conclus entre deux sociétés de nationalités différentes. Les protocoles précisent que leur seront soumis "les litiges de nature économique et commerciale de dimension internationale et notamment ceux dans lesquels s'appliquent ou sont susceptibles de s'appliquer, des dispositions de droit européen ou de droit étranger" (Article 1). La CICAP sera également chargée des recours exercés contre les décisions prononcées en matière d'arbitrage international, ainsi que l'ensemble des décisions prononcées en première instance par la chambre internationale du Tribunal de commerce de Paris.
Ces chambres pourront être saisies par l'insertion par les parties d'une clause leur attribuant spécifiquement compétence dans leurs contrats. En l'absence d'une telle clause, la chambre de placement du Tribunal de commerce de Paris orientera également vers cette chambre l'ensemble des litiges économiques et commerciaux à caractère international.
La principale innovation réside dans la possibilité pour les parties de choisir la langue de la procédure. Les parties pourront produire des pièces dans la langue choisie et les témoins, experts, parties et avocats pourront intervenir oralement dans cette langue. Néanmoins, l'ordonnance de Villers-Cotterêts imposant l'usage de la langue française pour tous les actes de justice, le juge, représentant de l'Etat, ne pourra s'exprimer qu'en français et les actes de procédure (et notamment sa décision) seront en français.
Une place de choix est accordée à la langue anglaise : en effet, les parties pourront verser leurs pièces sans traduction, sauf désaccord de l'une des parties, et les débats (plaidoiries, auditions de témoins, etc.) pourront se dérouler en langue anglaise. En revanche, s'agissant des autres langues étrangères, l'ensemble des pièces devra être traduit et les échanges oraux devront faire l'objet d'une traduction simultanée dont les coûts seront supportés par les parties.
La procédure devant ces chambres est volontairement souple et permet notamment aux parties de s'impliquer dans son organisation et sa conduite. En effet, les parties et les juges se rencontreront à plusieurs reprises (après la saisine de la juridiction, après le dépôt des premières conclusions des parties, avant l'ouverture de la phase orale) et détermineront ensemble le calendrier de la procédure et les mesures d'administration judiciaire de la preuve, notamment l'éventuelle audition de témoins et experts.
Ces juridictions spécialisées bénéficient également de règles probatoires proches de celles applicables à l'arbitrage international (demande de production forcée de documents détenus par la partie adverse ou un tiers, recours aux auditions et contre-auditions d'experts, etc.) particulièrement prisées des sociétés étrangères, notamment pour sa souplesse.
Les Protocoles d'accord entreront en vigueur le 1er mars 2018 et ces juridictions devraient entrer en fonction sous deux à trois mois.
Les protocoles d'accord peuvent être consultés ici et ici.