13 octobre 2021
Publication | Droit public, Energie & Environnement
Aux termes d’un arrêt du 15 septembre 20211, le Tribunal de l’Union européenne a rejeté les recours de pêcheurs à l’encontre de la décision de la Commission européenne du 26 juillet 20192, qui avait refusé d’ouvrir une procédure formelle d’examen des aides d’Etat bénéficiant aux six projets lauréats des appels d’offres offshore de 2011 (Saint-Nazaire, Fécamp, Courseulles-sur-Mer et Saint-Brieuc) et 2013 (îles d’Yeu et de Noirmoutier et Dieppe/Le Tréport).
Alors que la construction de ces premiers parcs éoliens offshore français est entamée, et que les candidats présélectionnés pour l’AO5 Bretagne Sud ont été annoncés le même jour, cet arrêt inédit rappelle l'enjeu de ces projets en matière d'aides d'Etat.
Les pêcheurs sont-ils des parties intéressées dans les contentieux relatifs à l’éolien offshore ?
Le Tribunal de l’Union européenne, saisi de recours de pêcheurs, juge que ces derniers ne peuvent pas être des parties intéressées parce qu’ils ne sont pas en situation de concurrence avec les exploitants de parcs éoliens offshore.
Quand bien même l’activité des pêcheurs en pleine mer pourrait être impactée par de tels projets, le Tribunal a jugé que « l’autorisation conférée auxdits bénéficiaires d’exploiter ces parcs sur lesdites zones n’exclut pas d’autres usagers de celles-ci, et en particulier la pêche, les autorités compétentes appliquant un principe de coexistence de ces différents usages » (point 80). En effet, les impacts de tels projets sur l’activité de pêche ne sont pas dus aux aides elles-mêmes.
Cet arrêt rappelle, s'il en était besoin, que le développement de tels projets offshore nécessite de concilier de nombreux intérêts, notamment ceux des pêcheurs et des acteurs locaux, lesquels ont d'ailleurs été particulièrement actifs lors des différentes phases de débat public.
Le Tribunal reconnait d'ailleurs que « les pêcheurs requérants peuvent avoir un intérêt à contester devant les juridictions nationales les décisions et les choix des autorités françaises s’agissant de l’exploitation de l’énergie éolienne en mer, en raison des incidences potentielles de cette exploitation sur leur situation » (point 102). C’est ainsi que les six projets en cause ont fait l’objet de plusieurs recours, ce qui a pu expliquer en partie les retards dans leur construction.
Il faut d’ailleurs rappeler que depuis 2021, le Conseil d’Etat est compétent en premier et dernier ressort dans les contentieux relatifs aux projets de parcs éoliens en mer3. Cette compétence nouvelle conférée au Conseil d’Etat a précisément pour but de réduire les délais de recours propres aux litiges concernant ces projets.
Une première décision européenne relative aux aides d’Etat en matière d'éolien offshore en France
Rappelons que selon la décision contestée de la Commission, les mécanismes de soutien prévus sont bien des aides d’Etat au sens de l’article 107, paragraphe 1, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
Même si ces aides étaient illégales car non notifiée par l’Etat français, la Commission a apprécié leur compatibilité avec le marché intérieur au regard de l'article 107, paragraphe 3, sous c) du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Dès lors que les effets positifs sur l'environnement l'emportaient sur d'éventuels effets négatifs de distorsion de concurrence, la Commission a conclu que ces aides étaient compatibles et a donc décidé de ne pas soulever d'objections. La Commission précise par ailleurs que cette aide n’emporte aucune conséquence dès lors qu’aucune somme n’a été versée avant la date de la décision de compatibilité.
Cette décision est inédite à l’échelle de l’Union européenne. Rappelons que le Conseil d’Etat a déjà eu l’occasion de se prononcer sur cette question.
En premier lieu, le Conseil d’Etat s’est prononcé dans deux arrêts sur les aides d’Etat en faveur des mêmes projets lauréats offshore4. Il était saisi dans le premier par des associations et dans le second par des candidats évincés. Pour le Conseil d’Etat, les requérants ne pouvaient invoquer un argument tiré de la méconnaissance du droit des aides d’Etat puisque ni l’arrêté d’autorisation d’exploitation du parc éolien au large de Saint-Brieuc ni la décision de désignation du lauréat et de notification des candidats évincés pour le projet de parc éolien des îles d’Yeu et de Noirmoutier ne constituent une décision d’attribution d’une aide d’Etat.
En deuxième lieu, en matière d'éolien onshore, le Conseil d’Etat, dans sa décision Vent de colère ! du 15 avril 20165 avait précisé que la sanction de l’illégalité d’une aide impliquait la récupération de l’aide versée. Quant au photovoltaïque, la Cour de cassation, par six arrêts du 18 septembre 20196, a jugé que le mécanisme d’obligation d’achat fixé par l’arrêté du 12 janvier 2010 constituait une aide d’Etat illégale faute de notification.
Espérons que les appels d'offres éoliens offshore en cours, notamment aux larges des côtes bretonnes et normandes, feront l'objet de moins de recours et qu'ils pourront ainsi être mis en service dans des délais plus courts suivant leur attribution.
1TUE, 15 septembre 2019, aff. T-777/19.
2C(2019) 5498 final.
3Articles L. 311-13 et R. 311-1-1 du code de justice administrative.
4CE 24 juillet 2019, Association Gardez-les-Caps, n°418846 et CE 21 août 2019, Sociétés WPD Offshore GmbH et WPD Offshore France, n°418918.
5CE 15 avril 2016, Vent de colère !, n° 393721.
6Voir par exemple Cass. Com., 18 septembre 2019, RG n° 18-16521.