30 mars 2022
L'équipe Assurances de Gide revient sur les grandes actualités législatives et jurisprudentielles de novembre 2021 à février 2022, et vous propose un panorama de l'essentiel de l'actualité juridique du droit des assurances : décrets d'application des réformes du démarchage téléphonique et du courtage en assurance, réforme du régime des catastrophes naturelles ou du FGAO, communications de l'ACPR ou de l'AMRAE, jurisprudences judiciaires et constitutionnelles sont à retrouver dans ce nouveau numéro.
ACTUALITES LEGISLATIVES ET REGLEMENTAIRES
Décret n° 2022-34 du 17 janvier 2022 relatif au démarchage téléphonique en assurance
Le décret n° 2022-34 du 17 janvier 2022 a précisé les modalités de mise en œuvre de l’article L. 112-2-2 du Code des assurances, créé par la loi n° 2021-402 du 8 avril 2021 relative à la réforme du courtage de l'assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement. Ce nouveau régime d’encadrement du démarchage téléphonique en assurance entrera en vigueur au 1er avril 2022[1].
Ce nouveau régime s’applique lorsqu’un distributeur contacte par téléphone un prospect en vue de la conclusion d’un contrat d’assurance n’entrant pas dans le cadre de son activité commerciale ou professionnelle.
Deux situations demeurent exclues de ce régime et restent, en conséquence, soumises au régime issu de l’article L. 112-2-1 du Code des assurances, à charge pour les distributeurs de conserver les éléments justifiant l’application du régime dérogatoire :
Ce nouveau régime met à la charge des distributeurs une obligation d’enregistrement des appels téléphoniques ayant conduit à la conclusion d’un contrat d’assurance, et de conservation de ces derniers pendant une durée de deux ans, en vue de leur contrôle par les autorités compétentes.
Dans ces circonstances, les distributeurs doivent, après avoir décliné leur identité, informer le prospect de l'enregistrement de l'appel et obtenir son accord à la poursuite de l’appel. En cas de refus du prospect, le distributeur doit mettre fin à l'appel, ne plus solliciter le prospect et procéder sans délai à la destruction de l'enregistrement.
Avant de procéder à toute proposition d’assurance, le distributeur est tenu de vérifier si le prospect dispose déjà d’un contrat au titre de la garantie proposée, et le cas échéant, de s’assurer que celui-ci pourra être résilié sans entraîner d’absence ou de cumul de couverture.
Une fois la proposition d’assurance effectuée et sous réserve de l'intérêt du prospect, l’assureur doit lui transmettre par écrit ou sur tout support durable l'ensemble de la documentation précontractuelle réglementaire. Cette remise ouvre un délai de réflexion de 24 heures, durant lequel le prospect ne doit pas être contacté.
A l’expiration de ce délai, le prospect peut procéder à la signature manuscrite ou électronique du contrat d’assurance. Le distributeur doit alors adresser au nouvel assuré « une lettre de bienvenue » lui rappelant les éléments essentiels du contrat.
Décret n° 2022-1552 du 1er décembre 2021 relatif aux modalités d'application de la réforme du courtage de l'assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement
Le décret n° 2021-1552 du 1er décembre 2021 relatif aux modalités d’application de la réforme du courtage de l’assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement, pris en application de la loi n° 2021-402 du 8 avril 2021[2] précitée, vient notamment définir les missions et le fonctionnement des associations professionnelles agréées visées par ce texte.
Aux termes de ce décret, et des articles R. 513-1 et suivants du Code des assurances qu’il institue, ces associations, auxquelles l’adhésion est obligatoire pour tout professionnel exerçant une activité de courtage en assurance, auront pour mission de :
Ces associations devront représenter au moins 10% des professionnels soumis à l’obligation d’adhésion ou au moins 5% lorsque l’association est également reconnue comme représentative pour les intermédiaires en financement participatif. Des procédures écrites doivent être rédigées afin de définir les politiques qu’elles suivront pour chacune des missions confiées. Par ailleurs, elles doivent élaborer un code de bonne conduite et adresser annuellement un rapport à l’ACPR.
L’agrément des associations est détaillé par l’arrêté du 1er décembre 2021 du ministre chargé de l’économie.
Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022
Pour faire face à la défaillance d’assureurs construction opérant en Libre prestation de service (LPS), le ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance a étendu les conditions d’intervention du Fonds de garantie des assurances obligatoires (FGAO).
La nouvelle mesure qui figure à l’article 159 de la Loi de finance pour 2022, vient notamment élargir le champ d’action du FGAO aux contrats d'assurance dommages-ouvrages, souscrits par un particulier auprès d’un assureur construction opérant en LPS, en cours de validité au 1er juillet 2018. Elle vient compléter l’ordonnance n° 2017-1609 du 27 novembre 2017 qui avait circonscrit l’intervention du FGAO à la prise en charge de ces mêmes dommages aux contrats conclus à partir du 1er juillet 2018.
«L'État répond présent pour soutenir les particuliers face aux défaillances du marché, en l’occurrence, celui de l’assurance» rappelle Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance dans un communiqué.
Loi n° 2021-1837 du 28 décembre 2021 relative à l’indemnisation des catastrophes naturelles
En substance, la loi n° 2021-1837 du 28 décembre 2021, procède d’une part à la création d’une obligation de motivation de la décision ministérielle faisant suite à la demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle formulée, ainsi qu’à l’obligation de préciser dans le corps de cette décision les voies et délais de recours à cette dernière.
La loi augmente également les délais de dépôt par les communes d’un dossier de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, réduisant à l’inverse le délai de réponse par arrêté de l’Etat et fixe à un mois le délai entre la réception de la demande d’indemnisation par l’assureur et la proposition par ce dernier d’un montant d’indemnisation ou de réalisation des travaux en réparation.
L'ACPR incite les entreprises d'assurances à améliorer leur gestion des demandes de rachat
L’ACPR a émis son rapport à la suite de l’enquête relative au traitement des demandes de rachat en assurance vie (hors retraite et capitalisation) dont il ressort d'une part, que l'information des souscripteurs doit être améliorée et d'autre part, que le traitement des demandes de rachat mériterait d'être davantage suivi.
Après avoir constaté un bilan contrasté des pratiques, l'ACPR indique que la procédure à suivre pour effectuer une demande de rachat ainsi que la liste complète des éléments à communiquer ne sont pas systématiquement mentionnées dans les contrats, les espaces clients des souscripteurs ou sur les sites internet des organismes.
Pour connaitre la procédure à suivre et les éléments à fournir, les souscripteurs n'ont parfois ainsi d’autre choix que de se rapprocher du distributeur ou du gestionnaire de leurs contrats pour les connaître, ce qui est de nature à entraver le libre exercice d’un droit. Cette situation peut conduire à un taux relativement élevé de demandes incomplètes, source de mécontentements pour la clientèle et de traitements additionnels pour les organismes.
Par ailleurs, il conviendrait que les organismes d'assurance se dotent d'un dispositif de suivi des demandes incomplètes en vue de détecter et d'améliorer l'information sur les éléments manquants fréquemment dans les demandes et pouvoir ainsi informer sans délai et en une seule fois le souscripteur des éléments restants à communiquer.
Concernant les mécanismes de choix par défaut des demandes de rachat, le souscripteur doit y être sensibilisé pour appréhender les conséquences sur sa situation personnelle et les organismes doivent, au titre du devoir de conseil, prendre contact sans délai avec le souscripteur qui demande l'exécution d'une opération selon des modalités pouvant apparaître contraire à ses intérêts.
En outre, l'ACPR estime que les organismes doivent mettre en place des dispositifs de suivi rigoureux des délais, tant légaux que contractuels, de versement des fonds, et doivent régler systématiquement les intérêts de retard. Elle invite également les assureurs à suivre plus strictement les activités déléguées à travers par exemple la transmission régulière de reporting sur les rachats et les réclamations qui y sont liées.
Enfin, le caractère précoce de nombreux rachats doit amener les organismes à s’interroger, dans le cadre de la gouvernance des produits, sur l’adéquation du produit aux besoins de la cible de clientèle et de la stratégie de distribution à cette même cible.
L’ACPR incite les entreprises d’assurances à prendre en considération les risques liés au changement climatique dans leurs règles de gouvernance
Faisant suite à sa précédente publication en la matière[3], l’ACPR publie un nouveau rapport afin de partager de manière non-exhaustive les bonnes pratiques, pouvant servir d’inspiration aux acteurs de la place.
Ce rapport s’articule autour de cinq piliers pour lesquels il convient d’intégrer des pratiques prenant en considération le risque climatique, à savoir :
L’ACPR publie la synthèse de son enquête déclarative de 2021 sur les politiques de rémunération au sein des organismes d’assurance en 2019
Au terme d'une synthèse réalisée à la suite de questions posées à 55 acteurs significatifs du marché, portant sur les politiques formalisées de rémunération, l’ACPR constate que :
Devant ce constat l’ACPR recommande que :
L’AMRAE annonce la création de la Fédération française des captives d’assurance
Par un communiqué de presse du 23 novembre 2021, l’AMRAE a annoncé la création prochaine de la « Fédération Française des Captives d’Entreprise ». Cette annonce fait suite au report par le gouvernement de l’adoption des mesures fiscales dans le Projet de Loi de Finances 2022 destinées à encourager la création de captives en France. Cette fédération aura pour objectif de porter les intérêts de ces entreprises dans le débat public et accompagnera les projets de création et de déploiement de captives en France.
En 2021, l’AMRAE a recensé plus de 50 entreprises françaises ayant des projets de création de captives, dont plusieurs ont récemment demandé un agrément à des régulateurs européens pour les domicilier hors de France.
Par un arrêt du 9 décembre 2021, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a confirmé la décision de la Cour d’appel ayant retenu le caractère intentionnel de la fausse déclaration du gérant sur son état de santé.
En l’espèce, une société adhère à un contrat d’assurance de prévoyance par l’intermédiaire d’une banque. Il est prévu que la société bénéfice du capital décès en cas de décès de son gérant. Ce dernier décède quelques mois plus tard dans un accident de la circulation. L’assureur refuse sa garantie pour fausse déclaration intentionnelle du risque.
Les juges du fond prononcent la nullité du contrat au motif que l’assuré a omis de déclarer une dépression nécessitant un traitement médicamenteux. En effet, lors de son adhésion, le gérant avait rempli un formulaire en apposant sa signature dans quatre cases en relation avec diverses affirmations : « je déclare être en bonne santé » ; « je suis indemne de toute affection (...) » ; «je n’ai pas été hospitalisé (...) » ; «je n’ai pas été en arrêt de travail (...) » alors même que l’adhérent suivait un traitement médicamenteux pour dépression.
La Cour de cassation confirme la décision de la Cour d’appel, cette dernière après avoir rappelé que le formulaire comportait la mention dépourvue d'ambiguïté « si l'assuré ne peut pas signer les quatre cases, il doit remplir la fiche de santé suivante », en déduit à bon droit que c'est intentionnellement que son assuré a contourné la nécessité de répondre au questionnaire en signant les cases concernées. C'est par une appréciation souveraine des faits et éléments de preuve débattus devant elle que la cour d'appel a ainsi retenu le caractère intentionnel de la fausse déclaration faite par son assuré sur son état de santé, ce que confirme la Cour de cassation.
Par un arrêt du 16 décembre 2021, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a constaté que la recevabilité d’une action directe n’est pas subordonnée à une déclaration de sinistre préalable.
En l’espèce, à la suite d’un accident de la circulation impliquant deux véhicules, le propriétaire du véhicule endommagé exerce une action directe auprès de l'assureur du second véhicule afin d'être indemnisé des dommages matériels subis. Le propriétaire victime des dommages matériels est débouté par le tribunal d'instance statuant en premier et dernier ressort, pour n'avoir pas préalablement saisi son propre assureur.
En effet, les juges du fond considèrent que le propriétaire aurait dû au préalable saisir son propre assureur en application de l’article L. 113-2, 5° du Code des assurances car ce texte fait obligation à l’assuré de déclarer « tout sinistre de nature à entrainer la garantie de l’assureur ». Le tribunal fait également allusion à la convention IRSA entre assureurs, bien que non opposable aux tiers, qui prévoit qu’une expertise du véhicule soit diligentée sans frais pour la victime et sans nécessité de mise en demeure pour être indemnisée.
Cette décision est cassée pour violation de l’article L. 124-3 du Code des assurances sur l’action directe. La Cour de cassation affirme que : « la recevabilité de l'action directe contre cet assureur n'est pas subordonnée à la déclaration préalable du sinistre par la victime auprès de son propre assureur ».
Par une décision du 17 décembre 2021, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur la conformité de la prescription biennale à la Constitution. Pour rappel, le premier alinéa de l'article L.114-1 du Code des assurances prévoit que « toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance ».
Les requérants reprochaient à cet article de n'accorder qu'un délai de deux ans à l'assuré non professionnel pour agir contre son assureur tandis que les autres consommateurs peuvent agir pendant cinq ans contre un professionnel alors qu'ils sont placés dans une même situation de faiblesse face à leurs cocontractants, reconnaissant ainsi le principe d'égalité devant la loi et la justice.
Le Conseil constitutionnel, rappelant que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, et que le contrat d'assurance se caractérise en particulier par la garantie d'un risque en contrepartie du versement d'une prime ou d'une cotisation, et qu'il se distingue à cet égard des autres contrats, en particulier des contrats soumis au Code de la consommation, a considéré que la prescription biennale était bien conforme à la Constitution.