Le secteur des industries culturelles et créatives (les « ICC ») est un levier stratégique pour le développement économique et culturel de l'Afrique. Le cinéma, la télévision, la musique, la littérature, les arts visuels, les arts du spectacle, le design et la mode contribuent à préserver, enrichir et promouvoir les divers patrimoines culturels du continent tout en créant des emplois et en répondant aux aspirations d’une population jeune et dynamique. Les ICC constituent un véritable marché aux opportunités d’investissement significatives pour les acteurs privés mais encore peu exploitées.

Le développement des ICC soulève des questions, notamment celle des moyens à mettre en œuvre par les Etats et les autorités publiques compétentes pour protéger les œuvres et les artistes, encourager, soutenir et financer ces industries afin d’en assurer la pérennisation. Ces défis appellent à la mise en place de cadres juridiques et institutionnels robustes, qui garantissent la protection et la valorisation des œuvres, encouragent les investissements et facilitent la mise en œuvre de mécanismes de financement et de soutien adaptés. Développer le marché des ICC en Afrique, c’est aussi positionner le continent comme un pôle créatif mondial, au service d’un rayonnement international où chaque pays aura l’opportunité de faire rayonner son patrimoine culturel.

Quels sont les enjeux juridiques liés aux ICC en Afrique francophone ?

Le secteur des ICC implique de nombreux acteurs, qui ont des droits et des obligations spécifiques à respecter, et qui sont soumis à des règles particulières. Le droit de la propriété intellectuelle et de la concurrence ainsi que la fiscalité revêtent une importance particulière. Pour garantir la sécurité juridique et la confiance des parties prenantes, notamment des investisseurs, ces règles doivent être claires, cohérentes et efficaces de manière à limiter le risque de litiges. Elles doivent aussi être adaptées aux spécificités des ICC, qui sont des secteurs innovants, dynamiques et diversifiés qui nécessitent une approche transversale et flexible.

La propriété intellectuelle est un élément essentiel pour les ICC. Elle reconnaît et protège les droits des créateurs et des producteurs sur leurs œuvres leur permettant de tirer des revenus de leur exploitation. Elle encourage par ailleurs la création, la diffusion et la diversité des œuvres et constitue un outil de lutte contre le piratage, une menace majeure pour les productions audiovisuelles, en particulier en Afrique. Il est donc indispensable de renforcer le cadre juridique de la propriété intellectuelle en Afrique : harmoniser les législations nationales, mettre en place des systèmes de gestion collective efficaces, et sensibiliser les acteurs et le public à l'importance du respect des droits d'auteur.

La concurrence est également un aspect juridique à considérer pour les ICC. Un espace concurrentiel sain peut stimuler la qualité, la diversité et l'innovation des œuvres, offrant ainsi un choix plus large aux consommateurs. A l’inverse, l’absence de concurrence peut entraîner des distorsions, des abus ou des déséquilibres, qui peuvent nuire à la viabilité ou à la diversité des acteurs du secteur. Il est donc essentiel de réguler cet environnement en veillant à prévenir et sanctionner les pratiques anticoncurrentielles, en assurant un accès équitable aux marchés et aux ressources, et en favorisant la coopération et la complémentarité entre les acteurs.

La fiscalité est un autre enjeu juridique important pour les ICC.  Elle peut stimuler ou, au contraire, freiner le développement du secteur. En effet, lorsque les États créent des avantages fiscaux dont peuvent bénéficier les investisseurs privés et les mécènes (ex. : réductions, crédits ou déductions d'impôts), elles peuvent être un outil de soutien aux ICC. En revanche, elle peut être un obstacle si elle impose des charges excessives ou inadaptées aux acteurs du secteur affectant leur compétitivité ou leur rentabilité. Il est donc nécessaire d’analyser et de réformer lorsque nécessaire le cadre fiscal applicable aux ICC, en tenant compte des spécificités du secteur et, dans la mesure du possible, en harmonisant les régimes fiscaux entre les pays, et en favorisant la transparence et la coopération fiscale.

Quelles sont les stratégies de développement des ICC en Afrique francophone ?

Le développement des ICC et notamment des productions audiovisuelles nécessitent la mise en place de stratégies efficaces impliquant les acteurs publics et privés et reposant sur des mécanismes de soutien adaptés. Ces mécanismes de soutien peuvent prendre différentes formes, selon les besoins et les objectifs du secteur des pays concernés. Ils peuvent notamment inclure les éléments suivants.

1. La création de fonds souverains, qui pourraient financer les politiques publiques dans le secteur des ICC, et accompagner par le biais de prêts, de subventions ou de garanties, des projets spécifiques, répondant à des critères de qualité, de diversité, d'impact social ou culturel ou sélectionnés par le biais d’appels à projets lancés par les autorités publiques compétentes.
2. Le recours à la commande publique, qui consiste à passer des marchés avec des producteurs pour réaliser des œuvres locales. Cela pourrait permettre aux producteurs d’accéder plus facilement à des financements.
3. Le développement des infrastructures, qui sont nécessaires pour la production / post-production, la diffusion et la distribution des œuvres audiovisuelles, tels que les studios de tournage et de production, les salles de cinéma et les plateformes de streaming. Ces infrastructures peuvent être financées, développées et exploitées dans le cadre de partenariats public-privés qui permettraient non seulement de partager les coûts et les risques entre les secteurs public et privé, mais également de renforcer les capacités des acteurs locaux, en termes de formation, de conseil ou de transfert de technologies et savoir-faire.
4. Le renforcement des capacités, dans le but d’améliorer les compétences, les connaissances et les réseaux des acteurs du secteur, en leur offrant des formations, des conseils, des accompagnements, des bourses, des résidences, des échanges, etc. Ces actions peuvent être menées par des acteurs publics, privés ou associatifs, et peuvent bénéficier de la coopération régionale ou internationale.

En conclusion, les ICC et notamment la production d’œuvres audiovisuelles sont des secteurs clés pour le développement de l'Afrique, qui offrent des opportunités économiques, sociales et culturelles. Pour les valoriser et les protéger, il est indispensable de mettre en place des cadres juridiques et institutionnels solides clarifiant les rôles et pouvoirs des autorités publiques concernées, garantissant la sécurité juridique des acteurs impliqués et incitatif pour les investisseurs.