Un paquet de mesures relatif à la finance numérique en Europe ("digital finance package") avait été publié par la Commission européenne le 24 septembre 2020. Il comportait plusieurs propositions de textes, dont celle qui est à l'origine du Règlement MICA du 31 mai 2023. Il participe, avec le Règlement du 30 mai 2022 qui concerne les infrastructures de marché DLT dit « Régime Pilote », à la législation applicable au marché (émetteurs et fournisseurs de services) des crypto-actifs qui ne sont pas constitutifs d'instruments financiers, lesquels sont couverts par le règlement MIF 2.
Les crypto-actifs sont caractérisés par la cryptographie et la technologie des registres distribués, couramment appelée « blockchain ». Le règlement MICA en distingue 3 catégories : les jetons utilitaires (utility tokens), les jetons se référant à un ou des actifs et les jetons de monnaie électronique. Les premiers sont conçus pour donner accès à un bien ou à un service. Les deux autres catégories ont une finalité financière, comportent des catégories particulières - les jetons se référant à un ou des actifs d'importance significative et les jetons de monnaie électronique d'importance significative - et évoquent les « jetons à valeur stable » (stablecoins) puisque, comme eux, ils sont adossés à des actifs.
Cette classification tripartite ne doit pas induire en erreur. Les catégories identifiées ne sont pas les seuls crypto-actifs couverts par le règlement MICA qui concerne également les monnaies virtuelles (ex : Bitcoin). Étant observé que les monnaies digitales créées par les banques centrales sont d’une nature différente et sortent quant à elle du périmètre d’application du règlement.
D'autres exclusions invitent à la nuance. En particulier sont exclus certains crypto-actifs qui sont uniques et non fongibles avec d'autres crypto-actifs. Cela vise donc certains « NFT » (non fongible tokens) dont les caractéristiques ne seraient pas celles, par exemple, des jetons utilitaires. Sont ainsi exclus, par exemple, des NFT représentant un visuel numérique de collection.
Le règlement MICA distingue selon que les offres et admissions portent sur les jetons se référant à un ou des actifs, les jetons de monnaie électronique ou les crypto-actifs autres que ces deux catégories.
Un élément de régime juridique leur est commun. L'offre comme l'admission sont subordonnées à l'établissement d'un livre blanc (white paper). Il s'agit d'un document d'information qui n'est pas sans évoquer le prospectus à établir en cas d'offre au public de valeurs mobilières ou de l'admission de ces titres aux négociations sur un marché réglementé. Il doit contenir toute une série d'informations et comprend un résumé.
L'établissement du white paper constitue la condition essentielle pour les opérations portant sur les crypto-actifs autres que les jetons se référant à un ou des actifs et les jetons électroniques. Le livre blanc ne fait l'objet d'aucune approbation préalable de la part des autorités compétentes.
Il en va différemment pour les opérations portant sur les jetons se référant à un ou des actifs. Étant observé que cette règle ne concerne pas tous les émetteurs. En particulier les établissements de crédit en sont exemptés. Étant observé qu'ils sont également exclus de certaines dispositions normalement applicables aux émetteurs de jetons se référant à un ou des actifs, telle que les exigences de fonds propres. Ils sont en revanche soumis, comme tout émetteur de tels crypto-actifs, à des règles de conduite et à l'obligation de constituer et de maintenir des avoirs de réserve.
Le régime applicable aux offres et à l'admission des jetons de monnaie électronique se caractérise par l'application partielle de la Directive Monnaie Électronique du 16 septembre 2009. Il se caractérise également par le fait que le white paper à établir lors des opérations sur lesdits jetons n'a pas à être approuvé par les autorités compétentes.
Notons que les jetons se référant à un ou des actifs d'importance significative et les jetons de monnaie électronique d'importance significative suivent un régime particulier qui est caractérisé par la supervision de l'Autorité Bancaire Européenne (ABE).
Les prestataires de services de crypto-actifs (PSCA) sont des entités réglementées, et donc des professionnels qui ne peuvent fournir un service sur crypto-actifs que s’ils ont obtenu l’agrément d’une autorité compétente nationale. Le règlement MICA mentionne 10 services, tel que l’échange de crypto-actifs contre des fonds et la fourniture de conseils en crypto-actifs. L’ensemble des crypto-actifs sont concernés par la règlementation, y compris les monnaies virtuelles.
Le règlement MICA impose aux professionnels deux catégories d’obligations : des obligations générales et des obligations spécifiques, et donc des obligations dépendant du service fourni. Ces obligations ne sont pas sans évoquer celles imposées par la règlementation MIF2. Il en est ainsi de l’obligation d’agir de manière honnête, équitable et professionnelle qui serve au mieux les intérêts des clients et de fournir une information loyale, claire et non trompeuse.
Une fois agréés par leur autorité compétente de référence, les PSCA pourront alors fournir leurs services au sein de l’Union européenne et bénéficier ainsi d’un mécanisme de passeport intra-européen.
Le règlement MICA organise tant la prévention que la répression des abus de marché. Il s'applique aux crypto-actifs admis aux négociations sur un plateforme de négociation ou faisant l’objet d’une demande d’admission ainsi qu'aux transactions portant sur ces actifs même si elles ne sont pas effectuées sur une plateforme de négociation. Il repose, comme la réglementation des abus de marché relatifs aux instruments financiers, sur la prohibition des opérations d’initié et des manipulations de marché. Les dispositions du règlement MICA sont assez similaires à celles du règlement abus de marché du 16 avril 2014.
Les autorités nationales ont un rôle essentiel car elles sont chargées de la supervision du marché des crypto-actifs. Celle-ci se traduit en particulier par le contrôle exercé sur les prestataires de services de crypto-actifs. Le rôle des autorités nationales n’est cependant pas exclusif du rôle des autorités européennes de surveillance. D’une part, l’autorité européenne des marchés financiers doit tenir un registre où sont enregistrés certains livres blancs, certains émetteurs et les prestataires de services sur crypto-actifs. D’autre part, l’autorité bancaire européenne est investie du pouvoir de supervision des émetteurs de jetons se référant à un ou des actifs d'importance significative et de jetons de monnaie électronique d'importance significative. Ce pouvoir est notable car c’est la première fois que cette autorité est investie d’un pouvoir de supervision vis-à-vis de certains acteurs du secteur financier.
Enfin, les autorités nationales devront travailler avec les autorités européennes de supervision (Autorité bancaire européenne et Autorité européenne des marchés financiers) compte tenu des enjeux qui se dressent dans les travaux européens qui s’ouvrent, mais également en ce qui concerne les périodes de transition dont certains acteurs, soumis à des régimes nationaux, pourront bénéficier.