9 July 2020
Banque & Finance | FinTech | France
En date du 7 juillet 2020, le Groupe d’Action Financières (« GAFI »), chargé d’établir des normes internationales en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (« LCB-FT »), a publié deux nouveaux rapports[1] en lien avec les actifs virtuels. Ces deux publications marquent un point d’étape important dans la sensibilisation des juridictions et des acteurs aux risques de LCB-FT spécifiques aux actifs virtuels et aux prestataires qui fournissent des services en liens avec ces actifs. Ils annoncent également de nouvelles étapes de travail pour le GAFI d'ici juin 2021.
En octobre 2018, le GAFI avait en effet a mis à jour ses recommandations en visant explicitement les acteurs fournissant des services en lien avec les « actifs virtuels ». En juin 2019, elles ont été utilement complétées par une note interprétative[2] ainsi qu’un guide[3] précisant la manière selon laquelle ces nouvelles recommandations devaient être mises en œuvre par les juridictions membres.
Le bienfondé des recommandations du GAFI tout comme leur mise en œuvre par ses juridictions membres sont soumises à des évaluations dont les conclusions et les recommandations associées font l’objet de rapports publics. C’est précisément dans ce cadre que le premier rapport publié le 7 juillet 2020 s’inscrit. Un an après la publication de cette note interprétative, le GAFI partage ici les résultats de son examen sur la mise en œuvre par les juridictions et le secteur privé des nouvelles recommandations.
Bien qu’il souligne surveiller tout changement dans les typologies d’actifs virtuels à l’œuvre dans un marché qui évolue très rapidement, le GAFI constate que la plupart des acteurs des secteurs public et privé ont progressé dans la mise en œuvre des nouvelles recommandations. Notons à cet égard que cette appréciation pour le secteur public résulte d'une auto-évaluation par les juridictions.
A ce jour, le GAFI n’identifie pas de problèmes fondamentaux qui nécessiteraient une nouvelle modification desdites recommandations. Il précise cependant que dans l’ensemble les juridictions demandent davantage de précisions concernant les modalités de mise en œuvre de certains recommandations, notamment sur le point sensible de la « travel rule »[4]. A l'égard de cette dernière, le GAFI souligne que des solutions technologiques ont été développées par le marché pour répondre aux enjeux de mise en œuvre de cette exigence. Même si le GAFI reconnaît que ces solutions ne permettent pas toujours de répondre aux interrogations pratiques que la travel rule soulève, il insiste néanmoins sur le besoin de respecter cette disposition.
Dans son second rapport paru en date du 7 juillet 2020, le GAFI s’intéresse plus particulièrement au cas des stablecoins, cette typologie d’actifs virtuels dont la finalité est de réaliser un paiement ou un échange et dont l’objectif est d’arriver à ce que leur valeur soit relativement stable.
Là encore, le contexte est particulièrement bouillonnant puisque ce rapport intervient quelques mois après la déclaration conjointe de la Commission européenne et du Conseil européen sur le sujet[5] et que des travaux aient été menés au sein du Comité de stabilité financière (« CSF ») à l’égard des global stablecoins[6]. L’une des questions débattue est notamment celle de la qualification juridique de ce type d’actifs, tantôt considérés comme des actifs numériques, tantôt comme de la monnaie électronique ou des instruments financiers.
La question importe finalement que peu pour le GAFI qui considère que ces actifs entrent bien dans le champ de ses recommandations, qu’elle qu’en soit la porte d’entrée. Dans son rapport, il considère en effet que ces stablecoins partagent bon nombre des risques potentiels de LCB-FT déjà identifiés pour les actifs virtuels en raison de leur potentiel anonymat et de l'échelle à laquelle ils pourraient être échangés. Selon la manière dont les stablecoins sont structurés, les entités soumises à la LCB-FT peuvent ainsi varier.
Bien que le GAFI n’estime pas nécessaire que ses nouvelles recommandations soient à ce stade modifiées pour tenir compte de cette nouvelle typologie d’actifs, il reconnaît que leur évolution doit être surveillée de près notamment si leur adoption tendait à se généraliser.
Le GAFI précise par le biais de ces deux rapports qu’à ce stade il n’était pas nécessaire de procéder à une nouvelle modification de ses recommandations. Il prévoit cependant un prochain examen du respect de son dispositif pour juin 2021. Il annonce également la publication de nouvelles orientations pour clarifier les conditions de mise en œuvre des textes existants. Des précisions seront spécifiques au sujet des stablecoins et notamment sur la manière dont les obligations en matière de LCB-FT devraient être appréhendées à leur égard.
Ces rapports, et la suite des travaux qu'ils annoncent, sont ainsi déterminants au regard des travaux actuellement conduits par la Commission européenne sur l'introduction d'un cadre réglementaire pour les crypto-actifs et la révision des textes européens existants en matière de LCB-FT[7].
Ils doivent également être lus à la lumière de l’évaluation du dispositif français prévue à l’automne 2020 durant laquelle le GAFI examinera notamment la conformité du cadre juridique français avec les nouvelles recommandations du GAFI en matière d’actifs virtuels. Ils pourraient ainsi avoir une influence directe sur le rapport que le Gouvernement français doit remettre au Parlement d'ici la fin de l'année sur le besoin de réformer le cadre actuel sur la LCB-FT applicable aux prestataires de services sur actifs numériques (PSAN) (article 86 de la loi PACTE n° 2019-486 du 22 mai 2019).
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[1] GAFI, 12-Month review of the revised FATF standards on virtual assets and virtual asset service providers, June 2020 ; GAFI, Report to the G20 Finance Ministers and Central Bank Governors, June 2020.
[2] « Recommandations du GAFI », mises à jour en juin 2019.
[3] « Guidance for a risk-based approach to virtual assets and virtual asset service providers », juin 2019.
[4] Dans le contexte d’un transfert d’actifs virtuels, il est exigé que le prestataire donneur d’ordre et le prestataire bénéficiaire disposent tous les deux d’informations exactes sur le donneur d’ordre et le bénéficiaire du transfert d’actifs.
[5] Commission européenne et Conseil européen, « Joint statement by the Council and the Commission on "stablecoins" », 5 décembre 2019.
[6] CSF, « Addressing the regulatory, supervisory and oversight challenges raised by “global stablecoin” arrangements: Consultative document », avril 2020 ; CSF, « Regulatory issues on stablecoins », octobre 2019.
[7] V. notamment : Commission européenne, « Communication from the Commission on an Action Plan for a comprehensive Union policy on preventing money laundering and terrorist financing », 7 mai 2020 ; Commission européenne, « Public consultation on an action plan for a comprehensive Union policy on preventing money laundering and terrorist financing », 7 mai 2020 ; Commission européenne, « Towards a new comprehensive approach to preventing and combating money laundering and terrorism financing », 12 février 2020.