2 March 2017
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Le projet de loi nécessaire pour autoriser le Gouvernement à notifier l’intention du Royaume-Uni de sortir de l’Union Européenne, le "Projet de retrait (Notification de retrait) de l’Union Européenne", a fait son chemin au sein du Parlement depuis son introduction le 26 janvier dernier. Il est passé devant la Chambre des Communes sans qu’aucun des amendements (140 pages d’amendements) ne soit voté, et a été approuvé à une majorité de 372 voix. Il a ensuite été présenté à la Chambre des Lords cette semaine pour y être débattu pendant deux jours.
Le Gouvernement britannique n’a pas la majorité au sein de la chambre des Lords et une large majorité de Lords a soutenu le Remain plutôt que le Leave au cours de la campagne précédant le référendum sur le Brexit. Il semblait néanmoins peu probable que les Lords cherchent à amender un Projet approuvé à une majorité aussi large par la Chambre des Communes.
Pour autant, les Lords ont voté un amendement au projet de loi afin de protéger la situation des citoyens de l’Union Européenne résidant au Royaume-Uni. L’amendement en question prévoit que :
Dans les trois mois qui suivront la mise en œuvre du pouvoir prévu par la sous-section (1), les Ministres de la Couronne devront présenter des mesures pour assurer aux citoyens des pays membres de l’Union Européenne ou de l’Espace Economique Européen, ainsi qu’aux membres de leur famille, résidant en situation régulière sur le territoire du Royaume-Uni au jour où cet Acte sera adopté, que leur situation continuera à être régie par les droits qu’ils ont acquis du droit de l’Union Européenne et dans le cas où ils auraient leur résidence au Royaume-Uni, qu’ils auront la possibilité d’acquérir ces droits dans le futur.
Les droits des citoyens de l’Union Européenne résidant au Royaume-Uni, dont le nombre est estimé à 3 millions, ont fait l’objet de nombreux débats dans les médias. Alors qu’en privé la plupart des commentateurs conservateurs admettent qu’il est presque impensable que ne soit pas accordé aux personnes concernées le droit de rester au Royaume-Uni à la suite du Brexit, la position du Gouvernement a plutôt consisté jusqu’ici à affirmer que ce droit ne serait accordé aux citoyens de l’UE qu’à condition que l’UE accorde les mêmes droits aux citoyens britanniques résidant dans l’UE, estimés eux à 1 million, dont 300 000 retraités habitant en Espagne.
Le Gouvernement a fait savoir dans son Livre Blanc que "garantir la sécurité et donner de la certitude aux citoyens de l’UE résidant au Royaume-Uni et aux citoyens britanniques résidant dans l’UE quant à leur statut est l’une de [ses] premières priorités dans le cadre des futures négociations", et s’est efforcé d’expliquer qu'il préférait résoudre cette question avant les négociations. C’était là sans compter sur la résistance de l’UE.
Pourtant, le Gouvernement britannique a été accusé d’utiliser les droits de 3 millions de personnes comme "objet de marchandage". En réalité, les citoyens des états tiers à l’UE ne bénéficient pas de droits particuliers et il est fort à parier que l’UE n’accordera aucun régime dérogatoire aux citoyens britanniques résidant dans l’UE dans l’ère post-Brexit.
Nombreux sont les commentateurs au Royaume-Uni qui estiment qu’il serait mieux pour le Royaume-Uni de reconnaître les droits des citoyens de l’UE de manière unilatérale afin de s’assurer de la bienveillance de ces citoyens ainsi que de leurs pays d’origine.
Théoriquement, la protection des droits des citoyens de l’UE dans le Projet semble cohérente avec le raisonnement mis en œuvre dans la décision Miller de la Cour Suprême, par laquelle la Cour a jugé que le Gouvernement n’était pas compétent pour priver les citoyens de certains droits (ce qui sera nécessairement la conséquence du Brexit) sans en avoir obtenu l’accord par le Parlement. Cependant, le Gouvernement voit dans le Projet un dispositif purement mécanique lui permettant de satisfaire aux conditions légales posées par la Cour Suprême, d’où la brièveté du Projet de loi (qui tient en 7 lignes seulement sans l’amendement).
Le Projet de loi sera débattu devant la Chambre des Lords le 7 mars. Il est à prévoir qu’un nouvel amendement sera proposé et voté afin de demander au Gouvernement d’une part d’accorder au Parlement un pouvoir de contrôle élargi sur le déroulement des négociations et d’autre part d’entériner sa promesse selon laquelle les deux chambres du Parlement voteraient l’accord final sur le Brexit.
Le Projet de loi, ainsi que l’amendement déjà adopté et les éventuels amendements à venir, reviendront ensuite de nouveau devant la Chambre des Communes pour un nouveau vote. Cela pourrait marquer le début d’un processus connu sous le nom de "ping-pong" (navette parlementaire) dès lors que les deux Chambres engageraient une phase de va-et-vient jusqu’à ce qu’elles trouvent un accord ou que le processus législatif arrive à terme. Dans le cas présent, le chef du parti Travailliste à la Chambre des Lords a exclu toute tentative de faire "avorter" le Projet de loi. Par conséquent, il appartiendra à la Chambre des Communes d’accepter ou non les amendements proposés par les Lords. Etonnamment, un amendement visant à protéger les droits des citoyens de l’UE présents sur le territoire britannique a été rejeté à seulement 42 voix près en commission à la Chambre des Communes ; il faut désormais attendre de voir si la provocation de la Chambre des Lords donnera du courage aux parlementaires de la Chambre des Communes pour le prochain vote.
En toute hypothèse, il semble que Theresa May soit toujours sur la bonne voie pour respecter la date limite du 31 mars qu’elle s’est elle-même imposée pour déclencher l’article 50.