26 novembre 2024
CONTENTIEUX PENAL ET COMMERCIAL | ARBITRAGE
Jean-Sébastien Bazille (Associé), Sacha Willaume (Counsel), Vincent Carriou (Collaborateur)1
Deux décisions récentes rendues respectivement les 3 mars et 11 juin 2024 par la Superior Court du Central District de l’Etat de Californie et par la High Court of Justice d’Angleterre et du Pays de Galles apportent un nouvel éclairage sur la réception par ces deux juridictions de la loi n° 68-678 du 26 juillet 1968, communément et imprécisément qualifiée de « Loi de Blocage2», dans le contexte de procédures de discovery aux Etats-Unis ou de disclosure en Angleterre3.
S’interroger sur la réception de la Loi de Blocage dans d’autres juridictions, et donc sur l’efficacité de son dispositif, implique notamment d’apprécier dans quelle mesure le juge étranger sera sensible au risque de poursuites pénales auquel il expose un litigant français lorsqu’il lui ordonne de communiquer certains documents en dehors des canaux de coopération internationale.
A titre liminaire, on rappellera que la Loi de Blocage a été adoptée en 1968 afin de protéger les armateurs français contre les demandes abusives émanant d’autorités publiques étrangères.
Reconnaissant la fragilité du dispositif et la nécessité de l’adapter aux « menaces que font peser sur les entreprises françaises les débordements extra-territoriaux de la législation américaine »4, le législateur l’a renforcé douze ans plus tard avec l’adoption de la loi n°80-538 du 16 juillet 1980.
Celle-ci a étendu le dispositif à tous les secteurs économiques, de sorte que la Loi de Blocage interdit désormais la communication, hors des canaux de coopération internationale, de toute information d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique :
La violation de ces dispositions est sanctionnée pénalement5.
Dans un souci de modernisation du dispositif, et tenant compte des préconisations du rapport Gauvain de 20196, le décret n° 2022-207 du 18 février 2022 a clarifié la procédure à suivre pour déclarer à l’administration française toute demande susceptible d’entrer dans le champ d’application de la Loi de Blocage.
C’est désormais le Service de l’Information Stratégique et de la Sécurité Economique (le « SISSE ») rattaché à la Direction générale des entreprises du Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie qui assure le rôle de guichet unique7. Les sociétés françaises doivent informer le SISSE sans délai des demandes de communication d'informations sensibles et stratégiques dont elles font l'objet.
Le SISSE dispose ensuite d’un délai d’un mois pour procéder à l’instruction du dossier et rendre un avis portant sur l’applicabilité de la Loi de Blocage. Cet avis, quoique non-contraignant8, pourra être communiqué à l’appui d’un éventuel refus de communication.
C’est dans ce contexte que les deux décisions étrangères ici commentées nous intéressent, dès lors qu’elles donnent une première mesure de l’influence à l’étranger de la Loi de Blocage telle que réformée. Or, sur ce point, on constate une divergence d’appréciation entre le juge anglais et le juge américain.
En effet, la décision rendue par le juge californien le 3 mars 2024 dans le cadre du divorce entre Brad Pitt et Angelina Jolie, donne à penser que le juge américain semble désormais prêt à accorder une importance nouvelle à la Loi de Blocage et notamment à l’intervention du SISSE (1).
De ce côté-ci de l'Atlantique, en revanche, le juge anglais ne semble pas disposé à écarter une demande de disclosure au seul motif qu’une telle mesure exposerait une partie résidant en France à la sanction pénale prévue à l’article 3 de la Loi de Blocage, et ce malgré la réforme intervenue en 2022. C’est du moins ce que suggère la décision rendue par la High Court le 11 juin 2024 (2).
1. La réception de la Loi de Blocage par les juridictions américaines
1.1 Principes généraux applicables en droit américain
On recense pas moins d’une trentaine de décisions rendues entre 1982 et 2024 par des juridictions américaines invitées à déterminer si la Loi de Blocage pouvait constituer un obstacle à ce qu’elles ordonnent la communication d’informations par un litigant français en dehors des canaux de coopération internationale, soit en l’occurrence ceux prévus dans la Convention de La Haye du 18 mars 1970 (la "Convention de la Haye")9.
A cet égard, contrairement à la France qui reconnaît un caractère obligatoire à la Convention de la Haye pour l’obtention de preuves dans un autre Etat contractant10, la Cour Suprême des Etats-Unis estime que celle-ci n’a pas un caractère exclusif.
Selon elle, le juge américain peut toujours ordonner la communication d’informations situées à l’étranger selon les procédures de son droit interne, y compris selon la procédure de pre-trial discovery11.
Au titre des décisions de principe, on mentionnera l’arrêt de la Cour Suprême rendu en 1987 dans l’affaire Aérospatiale12, qui fixe les critères de l’analyse de courtoisie internationale (« comity analysis ») que le juge américain doit mener en cas de conflit entre une loi pénale étrangère et ses procédures civiles internes, à savoir :
Ce test, toujours d’actualité, comprend aujourd’hui deux critères supplémentaires :
Dans cette affaire, la Cour Suprême a notamment conclu que l’éventuelle violation de la Loi de Blocage par l’entité française requise ne privait pas un tribunal américain de la possibilité de lui ordonner de produire les documents concernés dans le cadre d’une demande de discovery.
C’est ensuite essentiellement dans le cadre de l’étude des critères tenant à l’existence d’autres voies procédurales, à la balance des intérêts nationaux et à l’ampleur du préjudice que subirait la partie française requise, que plusieurs tribunaux ont refusé de reconnaître la Loi de Blocage comme un obstacle légitime à la communication.
Un argument largement repris dans la jurisprudence américaine concerne le caractère très hypothétique des poursuites pénales auxquelles la partie française s’exposerait dans le cas où elle accepterait de communiquer les informations dont la communication est ordonnée par le juge américain.
Dans une décision de 2006, un juge de première instance de l’Etat de New York relève ainsi que la simple possibilité de poursuites pénales en France ne justifie pas d’écarter l’application des règles internes de procédure civile13.
Si un avocat français a été condamné en 2007 à payer une amende de 10.000 € pour une violation de la Loi de Blocage14, ce qui constitue la toute première condamnation rapportée sur le fondement de cette Loi et, à ce jour, la seule, les juridictions américaines ont persisté dans leur approche jusqu’en 201815.
1.2 L’inflexion récente de la jurisprudence américaine
Même si, dans certaines décisions récentes, l’analyse de courtoisie internationale à laquelle procède le juge américain le conduit encore à ordonner la communication de documents selon les procédures américaines internes16, on observe néanmoins une légère inflexion de sa part depuis l’entrée en vigueur du Règlement européen dit « RGPD »17 en 2018 puis du décret du 18 février 2022.
Ainsi, dans trois décisions rendues par des tribunaux de première instance dans les Etats d’Arizona18, de Pennsylvanie19 et de New York20 entre 2018 et 2022, la Loi de Blocage semble avoir été l’un des arguments principaux ayant conduit ces juridictions à ordonner que la communication des documents soit recherchée selon les canaux prévus dans la Convention de La Haye21.
C’est dans le prolongement de ce courant jurisprudentiel - encore minoritaire - que s’inscrit la décision de la Superior Court de Californie le 3 mars 202422.
Dans cette affaire, le juge californien rappelle que toute partie française qui est confrontée à une demande entrant dans le champ d’application de la Loi de Blocage peut faire l’objet de poursuites pénales bien qu’il note au passage que le risque de condamnation reste faible.
Il relève ensuite que le SISSE a directement informé le défendeur français des sanctions pénales qu’il encourrait dans le cas où il produirait les documents demandés, ce qu’il qualifie d’ « avertissement direct du gouvernement français » (« direct warning from the French government »). Aux yeux du juge californien, il s’agit d’une différence importante avec les faits de l’affaire Aérospatiale, dans le cadre de laquelle aucune autorité française n’avait averti le défendeur français d’un quelconque risque de condamnation au titre de la Loi de Blocage.
Il semble donc que la sanction pénale prévue dans la Loi de Blocage et l’intervention du SISSE aient joué ici un rôle important dans la décision du juge californien de considérer que la demande de communication devait se poursuivre selon les procédures prévues dans la Convention de La Haye.
Il reste désormais à voir si d’autres juridictions américaines seront sensibles à cet argument et propageront ce nouveau courant jurisprudentiel plus respectueux des intérêts des litigants français.
2. La réception de la Loi de Blocage par les juridictions anglaises
2.1 Principes généraux applicables en droit anglais
Depuis la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, le Règlement (CE) n°1206/2001 du 28 mai 2001 relatif à la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l'obtention des preuves en matière civile ou commerciale23 n’est plus applicable entre le Royaume-Uni et les Etats membres de l’Union européenne.
Ce Règlement prévalait sur la Convention de La Haye du 18 mars 1970 dans les rapports entre Etats membres24.
Cette dernière est désormais applicable dans les relations entre le Royaume-Uni et les Etats membres de l’Union européenne parties à la Convention de la Haye, notamment la France25.
Toutefois, le juge anglais a régulièrement considéré, indépendamment de l’instrument de coopération internationale applicable, qu’il était en son pouvoir d’ordonner la communication de documents situés à l’étranger selon les procédures de son droit interne, y compris la procédure de pre-action disclosure26.
La question s’est néanmoins posée de savoir si le juge anglais refuserait d’ordonner la communication de documents en dehors des canaux de coopération internationale lorsqu’une telle injonction exposerait un litigant basé à l’étranger à un risque de poursuites pénales.
La position du droit anglais a été synthétisée dans un arrêt de principe rendu par la Court of Appeal le 15 mars 2019 dans une affaire Bank Mellat v HM Treasury27 impliquant la violation potentielle de dispositions pénales iraniennes. En substance :
Dans d’autres affaires, le juge anglais a été invité à se pencher spécifiquement sur la question de savoir s’il convenait d’ordonner la communication de documents en vertu des procédures prévues dans la Convention de La Haye ou dans le Règlement (CE) n°1206/2001 pour éviter à la partie requise, située en France, le risque de poursuites pénales sur le fondement de la Loi de Blocage.
Les auteurs de la présente alerte n’ont identifié aucune décision dans laquelle un tel risque aurait conduit le juge anglais à écarter les procédures internes anglaises28.
L’arrêt Joshua v. Renault du 11 juin 2024 rendu par la High Court dans le cadre de l’affaire du « Dieselgate » a, quant à lui, donné au juge anglais l’occasion de revisiter son approche à la lumière de la réforme de la Loi de Blocage intervenue en 2022.
2.2 La réaffirmation d’une jurisprudence classique par le juge anglais
La question posée dans cette affaire portait justement sur la méthode appropriée – Convention de la Haye ou procédure interne anglaise – pour ordonner la communication de certains documents détenus par les défenderesses, basées en France29.
En particulier, les défenderesses faisaient valoir que la réforme de 2022 avait accru le risque de poursuites pénales, en se prévalant notamment des échanges intervenus avec le SISSE, de telle sorte que le juge anglais devait privilégier les procédures prévues dans la Convention de La Haye.
Si le juge anglais fait directement référence à la décision américaine précitée30, force est de constater qu’il s’en éloigne en se fondant sur une interprétation différente des conséquences de cette réforme.
Il observe d’abord que le contenu de la Loi de Blocage n’a pas changé et que le nombre de poursuites engagées sur le fondement de celle-ci n’a pas augmenté.
Il constate ensuite que le seul élément susceptible de modifier son appréciation du risque réel de poursuites pénales est l'introduction du SISSE. Sur ce point, à la lecture des opinions offertes par les experts mandatés par les parties, il conclut que le seul changement notable depuis 2022 concerne l'attitude de l'administration française. Cela ne suffit néanmoins pas à le convaincre que le risque réel de poursuites pénales serait différent de ce qu’il était avant 2022.
Enfin, le juge anglais considère que les actions prises par le SISSE ou le Procureur Général de la République dans le cas d'espèce (avis et citations à comparaître) ne sont pas suffisantes à caractériser un risque accru de poursuites pénales.
Le juge anglais conclut donc à une absence de risque réel de poursuites pénales.
Il procède malgré tout à la mise en balance des intérêts en présence et ajoute que, même à supposer que ce risque accru soit caractérisé, il privilégierait tout de même la voie procédurale interne anglaise au vu notamment des délais et des difficultés qui résulteraient de l’application de la procédure prévue par la Convention de la Haye.
En somme, bien que le ton employé par le juge anglais ne soit pas aussi péremptoire que dans certaines décisions passées31, sa réponse est claire : rien ne prouve que la réforme adoptée en 2022 constitue un changement notable à même d'accroitre le risque réel de poursuites pénales. Partant, il ne voit pas l’intérêt de modifier la position déjà exprimée à plusieurs reprises.
Conclusion
L’utilité de la réforme intervenue en 2022 est incontestable.
Sur la seule année 2023, le SISSE a instruit pas moins de soixante saisines, ce qui témoigne de l’importance du dispositif. Le délai moyen de réponse inférieur à un mois témoigne pour sa part de l’efficacité du service.
En outre, les interactions entre les opérateurs français et le SISSE paraissent désormais susceptibles d’inciter le juge américain à ordonner la communication de documents pour les besoins d’une procédure introduite devant ce même juge selon les procédures prévues dans la Convention de La Haye et non plus selon les procédures de son droit interne, jugées particulièrement invasives par le justiciable français.
Une telle solution évite aux opérateurs français de se retrouver confrontés à un dilemme en pratique fréquent : refuser de se conformer à une décision américaine ordonnant la communication d’informations (au risque d’une sanction pénale pour contempt of court) ou s’exposer à un risque de poursuites pénales en France en s’y conformant.
Néanmoins, la solution de l’arrêt rendu par la Superior Court du Central District de l’Etat de Californie s’inscrit dans un courant jurisprudentiel américain encore minoritaire. Sa portée reste donc, pour l’heure, incertaine.
Quoi qu'il en soit, ce courant jurisprudentiel ne semble pas encore avoir traversé l'Atlantique, où le juge anglais ne semble pas prêt à considérer que la réforme intervenue en 2022 soit suffisante pour justifier un renversement de sa jurisprudence, selon laquelle ce juge reste libre d’ordonner la production de documents situés en France selon ses procédures internes, en l’absence de réel risque de poursuites pénales en France.
Pour l’avenir, on sera attentif à l’influence que ces courants jurisprudentiels exerceront l’un sur l’autre, le juge anglais ayant jugé utile, dans l’arrêt rapporté, de marquer sa distance avec la solution adoptée par le juge californien.
En tout état de cause, ces différences d’approche suggèrent que la réforme de 2022 n’a pas levé toutes les difficultés auxquelles les justiciables français sont confrontés lorsqu’il s’agit de communiquer des pièces à l’étranger, de telle sorte que ces situations requièrent un accompagnement adapté.
1 Les auteurs tiennent également à remercier Matteo Dabaghian et Alice Dupouy, stagiaires au sein de l’équipe arbitrage du bureau de Londres du cabinet, pour leur aide précieuse à l’élaboration de la présente alerte.
2 Loi n°68-678 du 26 juillet 1968 relative à la communication de documents et renseignements d'ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères. L’esprit de la loi justifierait plutôt de la qualifier de loi d’aiguillage, dès lors qu’elle vise à rediriger les entités requérantes étrangères vers les canaux de coopération internationale.
3 Par commodité, les auteurs se référeront à l’Angleterre bien que les développements qui suivent s’appliquent en réalité à l’Angleterre et au Pays de Galles qui forment une seule et même juridiction.
4 Rapport n° 1814 de M. Alain MAYOUD du 19 juin 1980.
5 Six mois d’emprisonnement et une amende pouvant atteindre 18.000 € pour les personnes physiques ou une amende pouvant atteindre 90.000 € pour les personnes morales (article 3).
6 Rapport à l’Assemblée Nationale du député Raphaël Gauvain intitulé "Rétablir la souveraineté de la France et de l'Europe et protéger nos entreprises des lois et mesures à portée extraterritoriale" (26 juin 2019), v. en particulier les développements en pp. 67 et s.
7 Pour plus d’informations sur le rôle du SISSE et la procédure applicable auprès de ce dernier, nous invitons le lecteur à se référer à notre précédente alerte client du 13 avril 2022 : « La réforme de la loi de blocage, une opportune clarification des obligations des entreprises destinataires de demandes d'informations émanant d'autorités étrangères ».
8 En ce sens qu’il ne lie pas le juge pénal, seul habilité à constater une violation de la Loi de Blocage et à en tirer des conséquences, le cas échéant, au plan pénal.
9 Convention du 18 mars 1970 sur l'obtention des preuves à l'étranger en matière civile ou commerciale.
10 V. Déclaration française au Bureau permanent de la Conférence de La Haye en 2008, disponible sur le site internet de la Convention de la Haye. En outre, en tant que convention internationale, la Convention de la Haye, lorsqu’elle est applicable, prévaut sur le droit interne en vertu de l’article 55 de la Constitution.
11Société Nationale Industrielle Aérospatiale v. U.S. District Cout for Southern District of Iowa, 482 U.S. 522 (1987), Rev. crit. DIP, 1988.559, obs. A. Dyer.
12 Id.
13 In Re Universal , S.A. Sec. Litig., 02 Civ. 5571 (RJH) (HBP), 2006 WL 3378115 (S.D.N.Y. Nov. 16, 2006).
14 Cass. crim., 12 déc. 2007, n° 07-83.228, affaire « Christopher X ».
15 Pour un exemple, voir : In re Global Power Equipment Group Inc., 418 B.R. 833 (Bankr. D. Del. 2009).
16 Pour un exemple de décision refusant de renvoyer vers les canaux prévus dans la Convention de La Haye, voir : Marine Transport Logistics, Inc. v. CMA CGM S.A., Federal Maritime Commission, Docket No. 22-23 (Oct. 2023).
17 Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.
18 Salt River Project Agric. Improvement & Power Dist. v. Trench Fr. SAS, 303 F. Supp. 3d 1004 (D. Ariz. 2018).
19 Behrens v. Arconic, Inc., Civil Action No. 19-2664 (D. Penn. 2020).
20 Kashef v. BNP Paribas S.A., 16-CV-3228 (AKH) (JW) (S.D.N.Y. 2022).
21 Dans la troisième décision citée (Kashef v. BNP Paribas S.A., 16-CV-3228 (AKH) (JW) (S.D.N.Y. 2022)), la prise en compte du RGPD a également conduit le juge américain à ordonner la communication des documents sollicités via les outils prévus dans la Convention de La Haye.
En particulier, le juge américain a constaté une tension entre les conditions tirées des règles de discovery américaines, plus souples que celles tirées du RGPD, qui prévoit par exception la possibilité de transmettre des données personnes, lorsqu’un tel transfert est « nécessaire à la constatation, à l’exercice ou à la défense de droits en justice » (art. 49(e)).
22 William B. Pitt and Mondo Bongo LLC v. Angelina Jolie, et. Al., Case No. 22STCV06081, Superior Court of the State of California (3 March 2024)
23 Ce Règlement a depuis été abrogé et remplacé par le nouveau Règlement (UE) n°2020/1783 du 25 novembre 2020 relatif à la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l’obtention des preuves en matière civile ou commerciale (obtention des preuves).
24 Règlement (CE) n° 1206/2001 du Conseil du 28 mai 2001 relatif à la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l'obtention des preuves en matière civile ou commerciale, Article 21.
25 A ce jour, tous les Etats-membres de l’Union européenne à l’exception de l’Autriche, la Belgique et l’Irlande sont parties à la Convention de La Haye du 18 mars 1970.
26 Questionnaire relatif à la Convention du 18 mars 1970, rempli par le Royaume-Uni au mois de décembre 2022, disponible sur le site internet de la Convention de la Haye.
27 Bank Mellat v HM Treasury [2019] EWCA Civ 449, para. 63.
28 Voir par exemple : Partenreederei M/s 'Heidberg' and Another v Grosvenor Grain and Feed Company Limited and Others [1993] EWHC I.L.Pr. 718 ; Morris v Banque Arabe et Internationale d'investissement SA [2001] IL Pr. 37; Secretary of State for Health Servier Laboratories Ltd [2013] EWCA Civ 1234; [2014] 1 WLR 4383 ; Joshua and others v Renault S.A. and others [2024] EWHC 1424 (KB), para. 9 ("In previous cases, reliance upon that enactment has not been successful").
29 Joshua v Renault S.A., [2024] EWHC 1424 (KB).
30 Joshua v Renault S.A., [2024] EWHC 1424 (KB), para. 83 ("Finally, I note that the Californian Court has very recently been prepared to order disclosure through the Hague Convention … because of the risk of a breach of the FBS [French Blocking Status] through the normal discovery route. The Court was particularly influenced by the fact that the French authorities had warned that disclosure other than through the Hague Convention would be a breach of the FBS") (nous surlignons).
31 Par le passé, le juge anglais a pu écrire que le refus de prise en compte de la Loi de Blocage était "manifestly correct" (Servier, [2013] EWCA Civ 1234, para. 104), qu'il concluait sans aucune hésitation ("unhesitantly") à l’absence de réel risque de poursuites pénales (Servier, [2013] EWCA Civ 1234, para. 99) ou encore, plus récemment que : "I am of the firm view that there remains no real risk of a prosecution" (Qatar Airways v Airbus, [2022] EWHC 3678 (TCC), para. 58) (nous surlignons).