19 juillet 2022
La réglementation des clauses abusives n’est pas nouvelle. Elle remonte à une loi du 10 janvier 1978 et est actuellement localisée dans le Code de la consommation dont les dispositions ont été réécrites sous l’influence de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993.
Cette réglementation est générale, et n’est donc pas spécifique aux contrats bancaires, notamment aux contrats de crédit. Étant rappelé :
Le Code de la consommation présume, de manière irréfragable (R 212-1) ou non (R 212-2), abusives toute une série de clauses. Il n’envisage cependant que partiellement les clauses qui peuvent être ainsi qualifiées de sorte que la jurisprudence judiciaire joue un rôle essentiel. Mais, en raison de l’origine de cette législation, il y a lieu également de tenir compte des décisions de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Étant rappelé que la mise en œuvre du dispositif repose aussi sur une autorité administrative – la commission des clauses abusives – qui publie régulièrement des recommandations et que celle-ci peut être consultée par le juge judiciaire.
L’année 2021 et les premiers mois de 2022 ont été riches. Ils ont été marqués par la recommandation n°21-01 du 10 mai 2021 (publiée au BOCCRF du 17 mai 2021), ainsi que par un certain nombre de décisions, notamment celle prenant position sur l’articulation des textes en vigueur, le Code de la consommation n’étant pas le seul Code à faire référence au déséquilibre contractuel, ou celles concernant les prêts libellés en francs suisses.
Recommandation n° 21-01 du 10 mai 2021
La recommandation concerne 45 clauses considérées comme abusives. Elles sont réparties en quatre groupes : les clauses communes à tous les types de contrats de crédit, les clauses propres aux contrats de crédit renouvelables par fractions, les clauses propres aux contrats de crédit accessoires à une vente et les clauses propres aux contrats de locations avec option d’achat. Les clauses sont elles-mêmes assez variées. Elles concernent notamment le droit de rétractation, la solidarité, la preuve, les obligations précontractuelles d’explications, la déchéance du terme et la résiliation et les pénalités.
Articulation des textes internes
Le déséquilibre contractuel caractérise la clause abusive telle qu’elle est définie à l’article L 212-1, du Code de la consommation. Il est toutefois également pris en compte par l’article 1171 du code civil issu de l’ordonnance n° 201-131 du 10 février 2016 – « dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite » – et par l’article L 442-1, I, du code de commerce selon lequel « engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, dans le cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l'exécution d'un contrat, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services : 1° D'obtenir ou de tenter d'obtenir de l'autre partie un avantage ne correspondant à aucune contrepartie ou manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie … ». D’où la question de savoir comment on article les textes.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 26 janvier 2022 (pourvoi n° 20-16.782), a pris position : « il ressort des travaux parlementaires de la loi du 20 avril 2018 ratifiant » l’ordonnance du 10 février 2016, « que l'intention du législateur était que l'article 1171 du code civil, qui régit le droit commun des contrats, sanctionne les clauses abusives dans les contrats ne relevant pas des dispositions spéciales des articles L. 442-6 du code de commerce et L. 212-1 du code de la consommation » (point 5).
Les prêts libellés en francs suisses
Le prêt « Helvet-immo » a suscité un contentieux important. En 2021, la CJUE a considéré que sont abusives les clauses d’un contrat de prêt libellé en devise étrangère qui stipulent que les paiements à échéances fixes sont imputés prioritairement sur les intérêts et qui prévoient, afin de payer le solde du compte, l’allongement de la durée dudit contrat et l’augmentation du montant des mensualités (CJUE, 10 juin 2021, aff. C-609/19). Elle a par ailleurs jugé que la demande faite en vue de déclarer les clauses comme abusives ne peut être soumise à la prescription (CJUE, 10 juin 2021, aff. C-776/19 à C-782/19).
La Cour de cassation, dans un arrêt du 30 mars 2022 (pourvoi n° 19-17.996), a tenu compte de la jurisprudence européenne sur le terrain de la prescription. Et dans un arrêt du 20 avril 2022 (pourvoi n° 19-11.599), la Cour juge que la clause de monnaie de compte faisant référence à un taux de change dont les variations peuvent avoir pour conséquence d’allonger ou de réduire la durée du crédit doivent être appréciées au regard des critères posées par la CJUE. Ces solutions sont complétées sur le terrain de la responsabilité du banquier, la Cour de cassation ayant mis à la charge du banquier une obligation d’information afin que les emprunteurs comprennent le fonctionnement des clauses et le risque de conséquences négatives pour en cas d’évolution qui leur est défavorable.
Autres décisions de la Cour de cassation et de la CJUE
La CJUE a également pris position sur les actions en restitution des sommes versées indûment sur le fondement des clauses abusives (CJUE, 22 avril 2021, aff. C-485/19). Par ailleurs, la Cour de cassation a notamment jugé que la clause qui permet au prêteur de résilier le contrat non souscrit de bonne foi, ce qui est le cas en cas de fourniture de renseignements inexacts portant sur des éléments déterminants du consentement du prêteur lors de l’octroi de prêt, ne crée pas, au détriment du consommateur, nonobstant l’absence de préavis et de défaillance dans le remboursement du prêt, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, et n’est donc pas abusive (Cass. Civ. 1, 20 janvier 2021, pourvoi n° H 18-24.297).
Conclusion
Les décisions génèrent une certaine casuistique. Si elles peuvent paraître en défaveur des banquiers, cette opinion doit être nuancée. La jurisprudence n’est pas systématiquement défavorable aux banquiers. Tout dépend de la formulation de clause.