2 novembre 2020
Publication | France | Droit Public, Energie & Environnement
L'article 1er du décret du 16 octobre 2020 définissant de nouvelles mesures pour faire face à l'épidémie de Covid-19 nous fait obligation notamment de nous laver les mains. Le texte est ainsi rédigé : "Afin de ralentir la propagation du virus, les mesures d'hygiène définies en annexe 1 au présent décret (…) doivent être observées en tout lieu et en toute circonstance". Ces mesures définies à l'annexe 1 sont, entre autres, de (i)"se laver régulièrement les mains à l'eau et au savon (dont l'accès doit être facilité avec mise à disposition de serviettes à usage unique) ou par une friction hydro-alcoolique", (ii) "se couvrir systématiquement le nez et la bouche en toussant ou éternuant dans son coude", ou encore (iii) "éviter de se toucher le visage, en particulier le nez, la bouche et les yeux".
Il faut dire que le législateur a confié de (trop) vastes pouvoirs au chef du Gouvernement en adaptant l'article L. 3131-15 du code de la santé publique qui octroie ainsi explicitement à ce dernier des prérogatives exceptionnelles telles que celles de réglementer ou d’interdire la circulation des personnes et des véhicules, d’interdire aux personnes de sortir de leur domicile, d’ordonner la fermeture ou de réglementer l’ouverture des lieux de réunions et des établissements recevant du public, comme d’ordonner des réquisitions.
Fort de cette délégation, le Premier Ministre régit donc notre sphère intime et nous impose désormais de nous laver les mains et d'éternuer proprement !
Si on veut se résumer :
Et, nous avons l'obligation de nous laver les mains et d'éviter de nous toucher le visage.
Sommes-nous au bon niveau d'attente ? Ne perd-on pas le sens de l'ordre des valeurs ?
Oui, il était nécessaire - et il l'est encore - d'apporter une réponse sanitaire, de protéger nos concitoyens les plus exposés au virus.
Mais cette réponse sanitaire n'est-elle pas en train de sacrifier nos libertés les plus élémentaires. La société de l'hygiénisme, l'ordre réglementaire de l'hygiénisme devrait-on dire désormais, a écrasé, au nom d'une certaine forme de quête de la santé et de longévité, nos idéaux de liberté et de bonheur.
Nos libertés les plus absolues sont en danger. Alors que nous sommes dans une période où la liberté de nous réunir et d'échanger doit être protégée, où le Parlement doit avoir la possibilité de se réunir au complet dans le respect du Serment du jeu de Paume, où nos entreprises doivent avoir la possibilité de se développer, où nos valeurs républicaines doivent être plus que jamais confortées, on nous oppose d'une manière tout à fait générale et absolue, sans recherche de proportionnalité, la distance sanitaire.
Il faut alors relire ce qui constitue le socle de notre société. Le Préambule de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen proclame en effet que "l'oubli ou le mépris des droits de l'Homme sont les seules causes des malheurs publics" et qu'il est impérieux de protéger sans cesse "les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'Homme", tels que la liberté d'aller et venir ou encore la liberté de se réunir.
Aussi, la priorité n'est pas de régir - par l'adoption de textes normatifs - notre hygiène, mais de retrouver nos valeurs essentielles : liberté, fraternité, obligation d'instruire. Ce n'est qu'à travers le respect de ces valeurs et de nos engagements républicains que les citoyens s'éduqueront, partageront et se respecteront.
Car c'est dans le respect des autres que les règles sanitaires seront le mieux appliquées et non à travers la publication d'un décret qui n'est finalement que le symbole d'une déresponsabilisation des citoyens et d'une défaillance de notre société. Retrouvons notre fraternité :
"Tout ce qui augmente la liberté augmente la responsabilité"
(Victor Hugo)
Nous ne devons pas nous laver les mains de notre éducation.
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Alexandre Gauthier est associé au sein de la ligne de métiers Droit Public, Energie et Environnement de Gide à Paris.