28 février 2020
Le secteur de l’énergie, essentiel au bon fonctionnement de l’activité économique, est susceptible d’être affecté en cas de crise sanitaire.
Le plan national de prévention et de lutte « pandémie grippale » d’octobre 2011, édicté par le premier ministre, précisait ainsi que les « activités d’importance vitale et services essentiels ne pouvant être interrompus [sont] : défense, santé, alimentation, communications électroniques, énergie […] ».
Sans doute, l’électricité et le gaz ne seraient pas traités de la même manière. Si l’électricité est un « produit de première nécessité », en vertu de l’article L. 121-1 du code de l’énergie, « le gaz, auquel d’autres sources d’énergie sont substituables, ne constitue pas un bien de première nécessité », selon le Conseil d’Etat (CE, Ass., 19 juillet 2017, req. n° 370321).
En cas d’épidémie du COVID-19, les pouvoirs publics pourraient s’inscrire dans deux scénarii qu’il convient d’analyser successivement : d’une part, le maintien de la production afin de garantir l’approvisionnement (1.), d’autre part, la cessation de la production au nom de la sécurité des personnes (2.).
L’un des objectifs de la politique énergétique consiste à « assurer la sécurité d’approvisionnement (article L. 100-1 du code de l’énergie). S’agissant spécifiquement de l’électricité, il est précisé que « le service public de l’électricité a pour objet de garantir, dans le respect de l’intérêt général, l’approvisionnement en électricité sur l’ensemble du territoire national » (article L. 121-1 du même code). Le maintien de l’approvisionnement en énergie doit résister à tout effet de crise.
Confronté à la survenance de pénuries d’énergie, le Gouvernement pourrait tout d’abord « soumettre à contrôle et à répartition, en tout ou partie, les ressources en énergie ». Cette mesure, limitée à une période déterminée, aurait pour but « de remédier à une pénurie énergétique y compris localisée » (article L. 143-1 du code de l’énergie).
Des mesures conservatoires « en cas d’atteinte grave et immédiate à la sécurité et la sûreté » des réseaux pourraient également être prononcées par le ministre en charge de l’énergie (article L. 143-5 du code de l’énergie), sur proposition éventuelle de la Commission de régulation de l’énergie (article R. 143-1 du même code).
Le préfet pourrait, quant à lui, réquisitionner le personnel afin de maintenir en état de fonctionnement les installations de production (article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales). Ce fondement avait notamment été utilisé en période de grève (voir CE, 27 octobre 2010, Fédération nationale des industries chimiques, req. n° 343966). On pourrait imaginer que le préfet réquisitionne certains salariés pour assurer la continuité de l’approvisionnement, particulièrement si des installations de production menaçaient d’être à l’arrêt.
Par ailleurs, le Conseil d'Etat a reconnu, dans un arrêt d'Assemblée, le pouvoir propre des dirigeants d'entreprises investies d'une mission de service public et responsables du bon fonctionnement d’un service public, de requérir (dans cette espèce, en cas de grève) la présence de salariés pour leur permettre d'assurer leurs missions de service public (dans cette espèce la production et la distribution d'énergie) (CE, 12 avril 2013, Fédération Force Ouvrière Énergie et Mines, req. n° 329570).
Les mesures spécifiques, prévues pour le gaz et le pétrole, méritent également d’être relevées. Un plan national a été adopté concernant le gaz par un arrêté du 28 novembre 2013 portant adoption du plan d’urgence gaz, lequel pourrait être mis en œuvre par le ministre en charge de l’énergie en cas de dysfonctionnement sur le système gazier. Quant au pétrole, le gouvernement pourrait par voie réglementaire « réglementer ou suspendre l’importation ou l’exportation de pétrole brut ou de produits pétroliers » (article L. 143-7 du code de l’énergie). A cet égard, une réserve est apportée car ces mesures semblent concerner davantage les situations de guerre que de pandémie.
Un arsenal complexe de règles permettant d’assurer la continuité de la production d’énergie est ainsi à la disposition des pouvoirs publics en cas d’épidémie du COVID-19.
Le principe du maintien de la production d’énergie pourrait toutefois être mis en échec si les pouvoirs publics devaient cette fois agir contre la propagation du COVID-19. Plusieurs dispositions ont ainsi été introduites dans le code de la santé publique pour mettre en œuvre le Règlement sanitaire international de 2005 de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Le ministre en charge de la santé pourrait prendre toute mesure « proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population » (article L. 3131-1 du code de la santé publique). A cet égard, le préfet pourrait être habilité par le ministre à prendre des mesures notamment individuelles sous réserve d’en informer le procureur de la République. Cette disposition a été très récemment mise en œuvre dans le cas du COVID-19 par un arrêté ministériel du 30 janvier 2020 relatif à la situation des personnes ayant séjourné dans une zone atteinte par l’épidémie de virus 2019-nCov.
En cas de mise en quarantaine d’un ou plusieurs salariés d’une installation de production, la production d’énergie devrait être directement ou indirectement impactée. En effet, le ministre en charge de l’énergie pourrait prendre des mesures temporaires de sauvegarde qui consistent en l’octroi ou la suspension des autorisations de production (i) « en cas de crise grave sur le marché de l’énergie », (ii) « de menace pour la sécurité ou la sûreté des réseaux et installations électriques », ou (iii) « de risque pour la sécurité des personnes » (article L. 143-4 du code de l’énergie). Ces mesures, qui ne peuvent donner droit à indemnisation, sont donc lourdes de conséquences pour les producteurs d’électricité.
Enfin, concernant le gaz, l’octroi ou la suspension des autorisations en matière gazière pourrait être décidé par le ministre en charge de l’énergie « en cas de menace pour la sécurité d’approvisionnement du pays en gaz naturel » (article L. 143-6 du code de l’énergie). Il doit être souligné que le plan d’urgence gaz, tel que défini par l’arrêté du 28 novembre 2013 précité, prévoit en « dernier ressort » des délestages.
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Une épidémie du COVID-19 et le caractère inédit de la situation créée par une telle crise sanitaire seraient ainsi susceptibles d’entraîner des décisions des pouvoirs publics. Celles-ci ne seraient cependant pas incontestables ou illimitées.
En effet, les producteurs affectés par ces décisions pourraient en contester la proportionnalité par rapport aux risques réels devant le juge administratif. Leur contenu ne sauraient excéder ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs poursuivis.
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