11 février 2019
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LES APPORTS DE LA LOI ÉLAN EN MATIÈRE D'URBANISME COMMERCIAL
De nombreuses dispositions de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi "Élan", sont consacrées à l'urbanisme commercial. Le législateur a souhaité poursuivre les objectifs d'intégration cohérente des équipements commerciaux dans l'espace urbain et de revitalisation des centre villes.
LES OPÉRATIONS DE REVITALISATION DE TERRITOIRE (ORT), NOUVEAUX OUTILS DE REVITALISATION DES CENTRE VILLES
Des conventions d'opération de revitalisation de territoire (ORT) peuvent être conclues entre les collectivités publiques et tout acteur privé susceptible de prendre part à la réalisation des opérations prévues par la convention, afin de mettre en œuvre "un projet global de territoire destiné à adapter et moderniser le parc de logements et de locaux commerciaux et artisanaux ainsi que le tissu urbain de ce territoire pour améliorer son attractivité, lutter contre la vacance des logements et des locaux commerciaux et artisanaux ainsi que contre l'habitat indigne, réhabiliter l'immobilier de loisir, valoriser le patrimoine bâti et réhabiliter les friches urbaines, dans une perspective de mixité sociale, d'innovation et de développement durable1".
Les projets commerciaux réalisés dans un secteur d'intervention d'une ORT sont alors dispensés d'autorisation d'exploitation commerciale (AEC), sauf si la convention fixe un seuil d'autorisation2. Les projets mixtes commerces/logements, situés dans un secteur d'intervention d'une ORT, bénéficient également d'une dispense d'AEC, "dès lors que la surface de vente du commerce est inférieure au quart de la surface de plancher à destination d'habitation3".
A l'inverse, le préfet peut suspendre, par arrêté et pour une durée de trois ans, renouvelable un an, toute demande d'AEC portant sur un projet situé :
Enfin, le document d’aménagement artisanal et commercial (DAAC) redevient obligatoire au sein du SCOT, dans le document d’orientation et d’objectifs (DOO). Il devra prévoir le type d’activité et la surface de vente maximale des équipements commerciaux spécifiques aux différents secteurs identifiés par ce document5.
NOUVEAU RÉGIME DES AEC
Évolutions de la procédure d’AEC
La composition des commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC) évolue pour intégrer trois nouvelles personnalités qualifiées représentant le tissu économique, désignées par la chambre de commerce et d’industrie (CCI), la chambre des métiers et de l’artisanat (CMA) et la chambre d’agriculture, mais sans pouvoir délibérant pour les deux premières6. Le but est d'éclairer les commissions sur la situation du tissu économique dans la zone de chalandise ainsi que l'impact du projet. Les préfets pourront également leur demander, un mois avant l'analyse du dossier de demande d'AEC par la CDAC, la réalisation d'études spécifiques d'organisation du tissu économique et commercial7.
Pour la délivrance d'une AEC, les CDAC doivent dorénavant prendre en considération la contribution du projet commercial prévu "à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'EPCI à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre", ainsi que "les coûts indirects supportés par la collectivité en matière notamment d'infrastructures de transports et la qualité environnementale du projet8".
Les CDAC devront également auditionner la "personne chargée d'animer le commerce de centre-ville au nom de la commune ou de l’EPCI à fiscalité propre, l'agence du commerce et les associations de commerçants de la commune d'implantation et des communes limitrophes lorsqu'elles existent9".
Elles devront enfin informer les communes limitrophes à la commune d’implantation des demandes d’AEC enregistrées10.
Par ailleurs, à sa demande, la CDAC désigne en son sein un membre qui expose sa position préalablement à la décision de la CNAC11.
Le porteur d’un projet commercial devra, quant à lui, joindre à son dossier une "analyse d’impact", réalisée par un organisme indépendant habilité par le préfet, destinée à évaluer les effets du projet sur le développement économique du centre-ville, l'emploi, le taux de vacance commerciale et l'offre de mètres carrés commerciaux déjà existants dans la zone. L'analyse devra aussi démontrer qu'aucune friche existante en centre-ville ne permet l'accueil du projet envisagé12.
En outre, la loi prévoit que si le projet subit, en cours d'instruction ou lors de sa réalisation, du fait du pétitionnaire, des modifications substantielles, une nouvelle demande d'AEC est nécessaire. Cette nouvelle AEC se substituera à la précédente, lorsqu'elle acquiert un caractère définitif13.
Enfin, lorsqu’un projet est rejeté pour un motif de fond par la CNAC, le pétitionnaire peut redéposer directement devant celle-ci une nouvelle demande sur le même terrain, en prenant en compte les motivations de la CNAC14.
Consolidation des mesures de contrôle et de sanction
Le bénéficiaire de l’AEC doit communiquer au préfet, au maire et au président de l’EPCI compétent, un mois avant la date d’ouverture au public du projet autorisé, un certificat établi à ses frais par un organisme habilité par le préfet et attestant que le projet respecte l’AEC délivrée. En l'absence de délivrance de ce certificat, l'exploitation des surfaces sera réputée illicite. En cas d’exploitation illicite, le préfet a l’obligation de mettre en demeure l’exploitant de surfaces de vente irrégulières de les fermer au public15.
Trois ans après la fin de l’exploitation d'un site commercial et en l’absence de réouverture, son propriétaire est responsable de son démantèlement et de sa remise en état. En cas de carence du propriétaire, le préfet le met en demeure de prendre les mesures appropriées. A ce titre, le préfet peut obliger le propriétaire à consigner, entre les mains d'un comptable public, une somme couvrant le montant des travaux à réaliser, restituée au fur et à mesure de l'exécution des mesures prescrites. Si la mise en demeure reste sans effet, le préfet peut faire procéder d’office, aux frais du propriétaire concerné, au démantèlement et à la remise en état du site16.
La plupart des dispositions introduites par la loi ELAN sont d’application immédiate et sont donc entrées en vigueur le 25 novembre 2018, à l’exception de l’article L. 752-6 du code de commerce comprenant l'exposé des nouveaux critères d’appréciation des projets et l’obligation de procéder à l’analyse d’impact, qui n’est entré en vigueur que le 1er janvier 201917.
1 Le régime des conventions ORT est codifié à l'article L.303-2 du code de la construction et de l'habitation.
2 Article L. 752-1-1 du code de commerce. Cette disposition prévoit que le seuil fixé par les signataires ne peut être inférieur à 5.000 m² ou, pour les commerces alimentaires, à 2.500 m².
3 Article. L. 752-2 du code de commerce.
4 Cette possibilité de suspendre une demande d'AEC est prévue à l'article L. 752-1-2 du code de commerce.
5 Article L. 141-17 du code de l’urbanisme.
6 Article L. 751-2-II, 3° du code de commerce, prévoyant l'intégration de « trois personnalités qualifiées représentant le tissu économique : une désignée par la chambre de commerce et d'industrie, une désignée par la chambre de métiers et de l'artisanat et une désignée par la chambre d'agriculture ».
7 Article L. 751-2 du code de commerce.
8 Article L. 752-6 du code de commerce.
9 Article L. 751-2-I du code de commerce.
10 Même article.
11 Article L. 752-19 du code de commerce.
12 Article L. 752-6 du code de commerce.
13 Article L. 752-15 du code de commerce.
14 Article L. 752-21 du code de commerce.
15 Article L. 752-23 du code de commerce qui prévoit que l’exploitant dispose d’un délai de trois mois à compter de la transmission au pétitionnaire du constat d’infraction pour fermer son exploitation illicite.
16 Article L. 752-1 du code de commerce.
17 Article 166 de la loi ELAN.