6 février 2019
Alerte Client | UE | Banque & Finance | Brexit
Alors que l’issue des négociations politiques entre l’Union européenne (UE) et le Royaume-Uni demeure incertaine, des solutions pragmatiques se mettent en place, en matière de régulation financière, afin de limiter les perturbations de marché dans le cas d’une sortie du Royaume-Uni de l’UE sans accord au 29 mars 2019.
C’est dans cette dynamique que s’inscrivent les dernières annonces et publications de l’ESMA (European Securities and Markets Authority) qui résultent de longs mois de travail et de négociations entre les 27 autorités nationales compétentes et avec la FCA1 britannique. Nécessaires pour assurer le fonctionnement du marché unique en cas de "hard Brexit", ces annonces visent également à rassurer le marché sur l’état de préparation des superviseurs européens.
GARANTIR LE FONCTIONNEMENT EFFICACE DU MARCHÉ UNIQUE ET LA STABILITÉ DE LA ZONE EURO : LA QUESTION DE L’ACCÈS AUX CHAMBRES DE COMPENSATION BRITANNIQUES
Pièce maîtresse des négociations entre l’UE et le Royaume-Uni en matière de régulation financière, la question de l’accès aux chambres de compensation (ou CCP2) situées à Londres a été réglée unilatéralement par la Commission européenne via la publication d’un acte d’exécution en décembre 20183. Cette décision prévoit en effet une reconnaissance d’équivalence temporaire au cadre européen durant une période de 12 mois du cadre réglementaire applicable aux CCP britanniques.
Afin de rendre cette décision politique effective sur le plan opérationnel, il convenait toutefois, en vertu de l’article 25(2)(c) du règlement EMIR4, que l’ESMA conclue, avec le superviseur britannique (en l’espèce la Banque d’Angleterre) un accord de coopération (MoU5) afin de permettre la supervision coordonnée des activités transfrontières conduites par les acteurs britanniques. C’est chose faite depuis le 4 février 2019. Sans révéler les termes de l’accord, qui ne rentrera en vigueur qu’en cas de "hard Brexit", l’ESMA a annoncé qu’elle avait finalisé, avec la Banque d’Angleterre, un accord de coopération6. L’ESMA a également précisé que les décisions relatives à la reconnaissance7 des acteurs britanniques seraient prises avant la date couperet du 29 mars 2019, mais ne prendraient effet qu’en l’absence d’un accord de sortie entre l’UE et le Royaume-Uni.
ORGANISER LA COOPÉRATION AVEC LA FCA ET GARANTIR LA CONVERGENCE DES PRATIQUES DE SUPERVISION AU SEIN DE L’UE27
Le 1er février 2019, l’ESMA a également annoncé la conclusion d’un accord multilatéral de coopération (MMoU8) entre la FCA d’une part et les 27 autorités nationales compétentes, d’autre part9. Afin de ne pas multiplier les accords de coopération bilatéraux entre la FCA et chacune des 27 autorités nationales compétentes et ainsi limiter les éventuelles divergences et les possibilités d'arbitrages règlementaires entre autorités, l’ESMA a milité pour la mise en place d’un accord unique multilatéral. Cet accord-type vise à permettre aux parties d’échanger des informations, notamment, dans le cadre de la surveillance des marchés. La conclusion de cet accord permettra, en particulier, dans le secteur de la gestion d’actifs, le maintien des schémas de délégation et d’externalisation existants mis en place entre des entités européennes délégantes et des entités britanniques délégataires10.
APPORTER DE LA CLARTÉ AUX ACTEURS SUR LA MISE EN ŒUVRE DE CERTAINES DISPOSITIONS DU DROIT EUROPÉEN EN CAS DE "HARD BREXIT"
Le 5 février 2019, l’ESMA a publié une déclaration publique11 concernant l’impact d’un "hard Brexit" sur les bases de données de l’ESMA et le calcul des seuils de transparence prévus dans MiFID II/MiFIR12. Dans le cas d’un "hard Brexit", à compter du 30 mars 2019, l’ESMA cessera de recevoir, dans ses systèmes, toute donnée en provenance des entités britanniques (notamment de la part des plateformes de négociation et des internalisateurs systématiques). C’est sur la base de ces données collectées que l’ESMA procède au calcul des seuils applicables en fonction de l’activité observée sur le marché (données de référence). Afin de permettre aux acteurs de marché d’anticiper les exigences qui leur seront applicables en cas de "hard Brexit", l’ESMA détaille, dans cette déclaration, les modalités et les fréquences de calcul de ces différents seuils. Essentiellement en raison de l’incertitude relative à la qualité des données qui seront collectées post-Brexit, l’ESMA entend différer la publication de certains de ces seuils ou évaluations, en particulier : les seuils qui permettent d’opérer la qualification en tant qu’internalisateur systématique pour les actions et les obligations, l’évaluation trimestrielle de la liquidité pour les obligations, et la publication mensuelle du "double volume cap". Les seuils ou évaluations pré-Brexit (intégrant des données britanniques) continueront donc à s’appliquer pendant plusieurs mois en cas de "hard brexit".
Dans le même souci de clarté, l’ESMA a également publié, le 1er février 2019, une autre déclaration publique concernant les exigences de déclaration applicables en vertu d’EMIR13. Enfin, l’ESMA a précisé dans une série de Questions and Answers (Q&A)14 la manière dont certaines dispositions du droit européen seront appelées à s’appliquer dans le cas d’une sortie sans accord du Royaume-Uni de l’UE. Ces clarifications concernent en particulier les exigences applicables en vertu de la directive transparence15 et de la directive prospectus16.
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1 Financial Conduct Authority (FCA).
2 Central counterparties (CCP).
3 Commission Implementing Decision (EU) determining, for a limited period of time, that the regulatory framework applicable to central counterparties in the United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland is equivalent, in accordance with Regulation (EU) No. 648/2012 of the European Parliament and of the Council(C(2018)9139).
4 Règlement (UE) n ° 648/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 sur les produits dérivés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux. Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE.
5 Memorandum of Understanding (MoU).
6 ESMA, Communiqué de presse en date du 4 février 2019, “ESMA agrees no-deal Brexit MOUs with the Bank of England for recognition of UK CCPs and the UK CSD”.
7 En vertu de l’article 25(2) d’EMIR, l’ESMA est compétente pour la reconnaissance des chambres de compensation de pays tiers, sous réserve (notamment), de la publication, par la Commission européenne d’une décision d’équivalence (article 25(2)(a)) et de la conclusion d’un accord de coopération entre l’ESMA et l’autorité compétente du pays tiers (article 25(2)(c)).
8 Multilateral Memorandum of Understanding (MMoU).
9 ESMA, Communiqué de presse en date du 1er février 2019 Brexit MoUs with FCA, “ESMA and EU securities regulators agree no-deal Brexit MoUs with FCA”.
10 Pour mémoire, l’article 13(1)(d) de la directive européenne n°2009/65/CE ("Directive OPCVM") et l’article 20(1)(d) de la directive n° 2011/61/UE ("Directive AIFM") imposent que la coopération entre l’autorité compétente de la société de gestion délégante située au sein de l’UE et l’autorité compétente du délégataire situé en dehors de l’UE, soit assurée.
11 ESMA, Déclaration publique en date du 5 février 2019, “Use of UK data in ESMA databases and performance of MiFID II calculations in case of a no-deal Brexit”.
12 La directive 2014/65/UE du 15 mai 2014 (MiFID II) et le règlement 600/2014 du 15 mai 2014 (MiFIR).
13 ESMA, Déclaration publique en date du 1er février 2019, “Public statement on issues affecting reporting, recordkeeping, reconciliation, data access, portability and aggregation of derivatives under Article 9 EMIR in the case of UK withdrawal from the EU without a transitional agreement”.
14 ESMA, “Questions and Answers, Prospectuses, 29th updated version -January 2019” et “Questions and answers, Transparency Directive (2004/109/EC)”.
15 Directive 2004/109/CE.
16 Directive 2003/71/CE.