28 juin 2018
Les offres de jetons (Initial Coin Offerings - ICO) pourraient bénéficier d'un régime réglementaire ad hoc en France
Le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, dite « loi Pacte », a été publié le 19 juin 2018. Il contient une proposition de régime réglementaire ad hoc sur les offres au public de jetons.
La réforme propose un régime de visa optionnel permettant à l’AMF de délivrer un visa aux acteurs qui souhaiteraient, via une ICO, émettre des jetons destinés notamment au marché français pour le financement d’un projet ou d’une activité, sous réserve qu’ils respectent certaines règles de nature à éviter des abus manifestes et à informer et protéger les investisseurs.
Le jeton serait défini comme « tout bien incorporel représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits, pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant d’identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien. »
Le régime s'appliquerait à l'offre au public de jetons, soit l'offre proposant au public, sous quelque forme que ce soit, de souscrire à ces jetons.
Le régime s'appliquerait par défaut, notamment si l'ICO n'est pas régie par les dispositions du code monétaire et financier sur la monnaie (livre I), les produits (livre II), les services (livre III), ou les marchés (livre IV). Ainsi, les jetons présentant les caractéristiques d’un titre financier resteraient soumis au régime de l’offre au public de titres financiers.
Une offre au public de jetons faite à un nombre limité d'investisseurs (tel que défini dans la version à venir du règlement général de l'AMF (« RGAMF »)) ne constituerait pas une ICO.
La demande d'un visa à l'AMF pour une offre au public de jetons devrait être faite « préalablement à toute offre de jetons » et sur initiative de l'émetteur, qui n'y serait cependant pas contraint. Les modalités de l'octroi de visa sont à définir dans le RGAMF. Selon l'étude d'impact publiée sur le projet de loi, ce visa devrait être délivré avant la phase de « pré-vente » des jetons (première phase de vente, à un prix avantageux) mais pourra intervenir à l’issue de la vente « privée » (souscription restreinte).
L'AMF vérifierait le contenu du document d'information (« white paper ») et des autres communications de l'émetteur, ainsi que « les pièces justificatives des garanties apportées », selon des modalités à détailler dans le RGAMF.
L'émetteur des jetons devrait être constitué sous la forme d’une personne morale établie ou immatriculée en France. L'émetteur de jetons devrait mettre en place un dispositif de séquestre permettant le suivi et la sauvegarde des actifs recueillis dans le cadre de l’offre.
Si l'exposé des motifs mentionne une possible condition à l'obtention du visa liée à la mise en place d'un dispositif d’identification et de connaissance du client, les projets d'articles L. 552-1 et suivants du code monétaire et financier n'y font pas référence explicite à ce stade. Cette exigence pourrait être introduite en droit français dans le règlement général de l'AMF.
Le white paper devrait contenir toute information utile au public sur l’offre proposée et sur l’émetteur. Ce document d’information et les communications à caractère promotionnel relatives à l’offre au public devraient présenter un contenu exact, clair et non trompeur, et permettre de comprendre les risques afférents à l’offre. Les souscripteurs de l'offre devraient être informés du résultat de l'offre et des conditions d'organisation du marché secondaire selon les modalités à venir dans le RGAMF.
L'AMF publierait une liste blanche des émetteurs d'offres de jetons qu'elle a visées.
L'AMF pourrait ordonner qu’il soit mis fin à toute nouvelle souscription ou émission, ainsi qu’à toute communication à caractère promotionnel concernant l’offre, et retirer son visa dans les conditions précisées par son règlement général.
Le pouvoir d'ordonner qu'il soit mis fin à toute nouvelle souscription ou émission ne pourrait ainsi viser que les offres pour lesquelles un visa a été octroyé. Il ne pourrait viser un émetteur étranger.
Le projet doit être discuté en septembre 2018 au sein de l'Assemblée Nationale et du Sénat pour une adoption définitive attendue fin d'année 2018.
L'introduction dans la loi Pacte d'un régime ad hoc pour l'offre au public de jetons pourrait contribuer significativement à l'attractivité de la France pour ces opérations. Elle offrirait un cadre dédié à ces modes de financement complémentaires qui figurent parmi les nombreuses innovations dans le domaine de la transition numérique.
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