6 décembre 2016
UE | France | Aide d'Etat | Gide, conseil d'Orange
Dans son arrêt du 30 novembre 2016, la Cour de justice de l'Union européenne rejette dans son intégralité le pourvoi introduit par la Commission contre l'arrêt du Tribunal du 2 juillet 2015 qui avait annulé, pour cause d'application manifestement erronée du critère de l'investisseur privé avisé, la décision de la Commission du 2 août 2004 qualifiant d'aide d'État incompatible l'avance d'actionnaire octroyée par la France à France Télécom (Orange) sous forme d'une ligne de crédit de 9 milliards d'euros.
On rappellera que le Tribunal avait annulé une première fois la décision de la Commission en 2010. La Cour avait infirmé cet arrêt du Tribunal en 2013, considérant que l’avance promise, bien que n’ayant pas été exécutée, avait conféré un avantage au moyen de ressources d’État.
Statuant sur renvoi, le Tribunal avait annulé une seconde fois la décision de la Commission par un arrêt du 2 juillet 2015, cette fois-ci au motif que la Commission n’avait pas correctement appliqué le critère de l’investisseur privé avisé. Insatisfaite de l’arrêt du Tribunal, la Commission demandait à la Cour son annulation.
L’arrêt de la Cour apporte des clarifications particulièrement intéressantes en ce qui concerne la nature du contrôle juridictionnel dans le domaine des aides d’Etat et l’application du critère de l’investisseur privé avisé.
La Cour a tout d'abord considéré que le Tribunal n'avait pas excédé les limites du contrôle juridictionnel qu'il lui incombe d'exercer. La Cour confirme à cet égard que le juge doit contrôler la qualification juridique effectuée par la Commission des données de nature économique. En particulier, le juge doit "vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence". Il doit également "contrôler si ces éléments constituaient l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées".
En ce qui concerne ensuite la question de la date à laquelle il convenait de se placer pour appliquer le critère de l’investisseur privé avisé, la Cour confirme que cette appréciation doit être effectuée au moment où la décision de procéder à l’investissement a été prise.
En l'espèce, le Tribunal a considéré que la décision de soutenir financièrement l'entreprise au moyen de l’offre d’avance d’actionnaire a été prise au début du mois de décembre 2002 et non en juillet 2002. A cet égard, les déclarations depuis le mois de juillet 2002 ne pouvaient être interprétées comme comportant un engagement concret et ferme de l’État français en raison de leur caractère ouvert, imprécis et conditionnel, en particulier en ce qui concerne la nature, la portée et les conditions d’une éventuelle intervention étatique. Partant, les déclarations de juillet 2002 ne sauraient avoir fait naître à la charge de l’État une quelconque obligation juridique, en particulier celle de soutenir financièrement l’entreprise depuis le 12 juillet 2002.
A supposer que l'on puisse considérer que les déclarations depuis juillet 2002 présentaient un lien indissoluble avec la mesure d'aide, anticiper au mois de juillet 2002 le moment où le critère de l'investisseur avisé devait être apprécié conduirait à exclure de l'appréciation les autres éléments pertinents intervenus entre les mois de juillet et décembre 2002, ce qui n'est pas conciliable avec la jurisprudence de la Cour selon laquelle il incombe à la Commission de prendre en compte l'ensemble des éléments pertinents qui forment le contexte de la mesure examinée.
Dans ces conditions, le Tribunal pouvait valablement considérer que la Commission avait fait une application erronée du critère de l'investisseur privé avisé.
Dans le cadre des différentes procédures devant le Tribunal et la Cour de Justice, Orange était représentée par Stéphane Hautbourg, avocat associé du cabinet Gide.