5 juin 2014
France | Le Magazine des Affaires | Juin 2014
Article de Thomas Courtel
Lors de la conférence Infrastructures 2014 organisée le 30 avril dernier par Le Magazine des Affaires, les orateurs, Anne-Christine Champion, Mathias Burghardt et Daniel Benquis, ont évoqué le "risque réglementaire" qui entoure les projets d’infrastructures. En France, cette notion recouvre des réalités différentes.
Ce qui ne constitue pas un risque réglementaire, c’est le risque de recours contre la décision de l’administration d’attribuer un projet. Ce risque, inhérent à tout Etat de droit, occupe l’essentiel d’un closing. Pourquoi ? Car les personnes publiques exigent que les travaux soient lancés sans attendre, alors que les règles jurisprudentielles de remboursement des sommes engagées si le projet est annulé manquent de précision.
Résultat : à partir de 2008, il a fallu contractualiser ce remboursement par différents dispositifs. Le juge a confirmé la validité de ces dispositifs mais, compte tenu des garanties qui y sont demandées aux sponsors, de leur sophistication et parfois de leur mise en place tardive, le remède peut être pire que le mal.
Ce qui ne constitue pas non plus un risque réglementaire, c’est l’absence de bonne foi dans l’exécution des conventions, comme dit le code civil, ou de loyauté dans les relations contractuelles, comme dit le Conseil d’Etat. Tout acteur des PPP a été confronté à une personne publique refusant d’appliquer telle clause de faits nouveaux, retardant la mise à disposition d’un ouvrage et ainsi le versement des loyers ou les compensant, parfois intégralement, avec des pénalités.
Le comportement des collectivités est ici dicté par des considérations au moins autant budgétaires qu’opérationnelles. La crise est passée par là. Le juge pourra sans doute finir par donner raison aux sponsors. Mais avant qu’il rappelle que les prérogatives de l’administration ne justifient pas tout, le temps pourra avoir été fatal à un projet sans possibilité d’upside. A terme, le vrai risque, c’est l’érosion du crédit attaché à la signature de l’Etat.
Ce qui constitue un risque réglementaire, c’est l’évolution des normes impactant les cash-flow. Un projet d’infrastructure se caractérise par la perspective de recettes d’exploitation stables à long terme. Pour les actifs régulés, les pouvoirs publics peuvent souhaiter reconsidérer périodiquement le niveau de ces recettes, par exemple pour éviter de supposées rentes de situation. A tort ou à raison, on pense aux modifications fréquentes des règles d’obligation d’achat des énergies renouvelables.
Comment faire face à ce risque ? En soulignant que ces évolutions doivent demeurer raisonnables ou trouver des compensations, afin de préserver une rémunération du capital ou une marge bénéficiaire conforme aux conditions du marché. Les théories classiques du fait du prince et de l’imprévision ne disent rien d’autre, comme l’a rappelé le Conseil d’Etat à l’initiative des sociétés d’autoroutes.
Autre forme de risque réglementaire : les évolutions institutionnelles entraînant un changement de contrepartie publique. Ici aussi, il est possible de conclure des accords s’efforçant de prévoir les conséquences financières de ces évolutions. A la différence du risque de recours, il ne s’agit toutefois plus d’anticiper sur la décision d’un juge, mais sur celle du législateur.
Le Gouvernement veut fusionner les régions et supprimer les départements : on verra dans quelle mesure de tels accords résistent à l’épreuve du feu.