24 février 2023
Vers un renforcement de l'attractivité des captives de réassurance en France
Issu de la volonté du législateur de rapatrier les captives de réassurance d'entreprises françaises en France et, plus largement, d'inciter ces dernières à les constituer à l'avenir sur le territoire national, l'article 6 de la loi de finances pour 2023 vise à offrir un cadre réglementaire plus favorable aux captives de réassurance.
Si cette réforme semble prometteuse, le décret d'application à paraître devra lui donner les moyens de ses ambitions.
Le législateur est parti du constat que les entreprises françaises doivent faire face, depuis plusieurs années, à une dégradation de leur couverture assurantielle1, liée notamment :
Dès avant cette réforme, les entreprises françaises pouvaient prendre en charge une partie de leurs risques au moyen d'une entreprise captive de réassurance. Néanmoins, l'absence en France de cadre fiscal adapté à ce mécanisme conduisait largement les entreprises françaises à domicilier leurs captives à l'étranger, privilégiant ainsi des Etats proposant une fiscalité considérée comme favorable pour les captives, tels que Guernesey, le Luxembourg ou encore l'Irlande.
Ainsi, à date, seules 9 des 120 captives d'entreprises françaises sont domiciliées en France.
L'objectif clairement affiché par le rapporteur général de la loi, M. Jean-René Cazeneuve, est donc de "rapatrier les captives de nos entreprises nationales situées à l’étranger. La localisation sur le territoire national de la couverture des risques de nos entreprises apparaît comme un élément de souveraineté à saluer"2.
L'article 6 de la loi de finances pour 2023 ajoute un II à l'article 39 quinquies G du Code général des impôts3, lequel permet désormais aux entreprises captives de réassurance de constituer, en franchise d'impôt, une provision destinée à faire face aux charges afférentes aux opérations de réassurance acceptée portant sur certains risques spécifiques.
Autrement dit, cette mesure permet de capitaliser les bénéfices réalisés lors d’un exercice afin d'être en capacité de régler les sinistres qui surviendraient lors des exercices suivants.
En effet, dans la mesure où les captives sont dédiées à la réassurance des risques d'un groupe, elles ne peuvent pas procéder à une diversification de leurs risques entre leurs assurés. La nouvelle provision devra ainsi leur permettre de procéder à une diversification de leurs risques dans le temps.
Cette nouvelle provision pourra être constituée par une entreprise captive de réassurance4, sous réserve de satisfaire aux deux conditions cumulatives suivantes :
La provision pourra être constituée pour certains risques visés à l'article A. 344-2 du Code des assurances, à savoir les dommages aux biens professionnels, les dommages aux biens agricoles, les catastrophes naturelles, la responsabilité civile générale, les pertes pécuniaires diverses ou encore les transports5.
La provision sera affectée à la compensation globale du solde négatif du compte de résultat technique de l'exercice pour l'ensemble des risques correspondants, et ce, selon l'ordre d'ancienneté des dotations annuelles. Les dotations qui n'auraient pas été utilisées à l'expiration d'un délai de quinze ans à compter de leur comptabilisation devront être rapportées au bénéfice imposable l'année suivante.
Ces nouvelles dispositions, entrées en vigueur au 1er janvier dernier, devront néanmoins être précisées par un décret d'application, lequel devra prévoir les conditions de comptabilisation et de déclaration de ces provisions, et notamment (i) la limite de dotation annuelle de la provision en fonction des bénéfices techniques6 et (ii) la limite du montant global de la provision en fonction de la moyenne du minimum de capital requis (MCR) sur les trois dernières années.
Si la parution du décret d'application devrait permettre d'y voir plus clair sur les ambitions de cette réforme, il faudra sûrement attendre le rapport du Gouvernement au Parlement, au plus tard le 30 septembre 2025, s'agissant notamment des caractéristiques des bénéficiaires, ainsi que du coût et de l'efficacité de la réforme, pour en mesurer les conséquences réelles.
Article 39 quinquies G II du Code général des impôts
II. - Les entreprises captives de réassurance mentionnées au 3° de l'article L. 350-2 du code des assurances détenues par une entreprise autre qu'une entreprise financière au sens du 12° de l'article L. 310-3 du même code et qui ont pour objet la fourniture d'une couverture de réassurance portant exclusivement sur les risques d'entreprises autres que des entreprises financières mentionnées au même article L. 310-3 peuvent constituer, en franchise d'impôt, une provision destinée à faire face aux charges afférentes aux opérations de réassurance acceptée dont les risques d'assurance relèvent des catégories des dommages aux biens professionnels et agricoles, des catastrophes naturelles, de la responsabilité civile générale, des pertes pécuniaires ainsi que des dommages et des pertes pécuniaires consécutifs aux atteintes aux systèmes d'information et de communication et des transports mentionnées à l'article A. 344-2 dudit code, dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2022.
La limite dans laquelle les dotations annuelles à cette provision peuvent être retranchées des bénéfices et celle du montant global de la provision sont fixées par décret, respectivement en fonction de l'importance des bénéfices techniques et de la moyenne sur les trois dernières années du minimum de capital requis au sens de l'article L. 352-5 du même code.
Cette provision est affectée, dans l'ordre d'ancienneté des dotations annuelles, à la compensation globale du solde négatif du compte de résultat technique de l'exercice pour l'ensemble des risques correspondants. Les dotations annuelles qui, dans un délai de quinze ans, n'ont pu être utilisées conformément à cet objet sont rapportées au bénéfice imposable de la seizième année suivant celle de leur comptabilisation.
Les risques ayant donné lieu à la constitution d'une provision dans les conditions prévues au premier alinéa du présent II ne peuvent pas donner lieu à la constatation d'une provision en application du I du présent article.
Les conditions de comptabilisation et de déclaration de ces provisions sont fixées par décret.
1 Amendements n° I-1292 rect. et n° I-3519.
2 Rapport fait au nom de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, en nouvelle lecture, sur le projet de loi de finances pour 2023 (n° 598), M. Jean-René Cazeneuve, page 43.
3 Reproduit in extenso ci-dessous.
4 Au sens de l'article L. 350-2 3° du Code des assurances.
5 Dans sa version applicable au 31 décembre 2022 – en effet, les dommages aux biens et les pertes pécuniaires consécutifs aux atteintes aux systèmes d'information et de communication ayant été ajoutés par arrêté du 13 décembre 2022, ils ne sont applicables qu'aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2023.
6 Le sous-amendement à l'amendement n° I-1292 rect., qui visait à limiter le plafond de déductibilité des dotations annuelles à un tiers des bénéfices techniques, n'a pas été adopté par le Parlement.