8 octobre 2021
La Commission européenne a publié trois projets de règlements et une proposition de directive afin de mettre en place une nouvelle agence européenne chargée de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. L’objectif est de renforcer le dispositif européen de prévention par la mise en place d’un système de supervision intégré qui reposera sur une nouvelle agence – l’Autorité LCB/FT (Lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme) – et l’adoption d’un règlement qui se substituera à la directive du 20 mai 2015.
Proposal for a Regulation of the European Parliament and of the Council on the prevention of the use of the financial system for the purposes of money laundering or terrorist financing, Brussels, 20.7.2021 COM(2021) 420 final.
Proposal for a Regulation of the European Parliament and of the Council establishing the Authority for Anti-Money Laundering and Countering the Financing of Terrorism and amending Regulations (EU) No 1093/2010, (EU) 1094/2010, (EU) 1095/2010, Brussels, 20.7.2021, COM(2021) 421 final
Proposal for a Regulation of the European Parliament and of the Council on information accompanying transfers of funds and certain crypto-assets (recast), Brussels, 20.7.2021 COM(2021) 422 final.
Proposal for a Directive of the European Parliament and of the Council on the mechanisms to be put in place by the Member States for the prevention of the use of the financial system for the purposes of money laundering or terrorist financing and repealing Directive (EU) 2015/849, Brussels, 20.7.2021 COM(2021) 423 final.
Bien que la législation en vigueur – la directive 2015/849 du 20 mai 2015 – soit récente et ait été modifiée à plusieurs reprises (Directive 2018/843 du Conseil du 30 mai 2018 ; Directive 2019/2177 du 18 décembre 2019), la Commission européenne, suite à son plan d’action présenté le 7 mai 2020, a publié un « package » composé de quatre projets de textes, trois propositions de règlements, une proposition de directive. L’une des innovations notables est la proposition de créer une nouvelle autorité européenne en charge de la lutte contre le blanchiment d’argent. La seconde est de substituer, à la directive du 20 mai 2015, un règlement et une directive, ces textes étant dans la droite ligne de la législation antérieure. Le recours à la directive s’explique aisément puisque son contenu est de prévoir les mécanismes que les États membres doivent mettre en place afin de lutter efficacement contre le blanchiment d’argent. Le recours à un règlement est également justifié puisqu’il prévoit les obligations à mettre en œuvre pour lutter contre le blanchiment d’argent.
L’Autorité européenne LCB/FT
L’Autorité bancaire européenne (ABE) a été investie, en 2019, d’une mission de direction, de coordination et de surveillance en matière de lutte contre le blanchiment. Son mandat cessera après la mise en place de la nouvelle agence européenne, l’autorité LCB/FT qui participera, avec les autorités nationales, au système de supervision intégré Lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Une supervision intégrée est nécessaire car les situations de blanchiment ont une dimension transfrontière. L’absence de structure commune nuit à la coopération et génère des vides juridiques, les ressources et les pratiques variant selon les États. La nouvelle autorité va permettre de renforcer la lutte contre le blanchiment, en particulier en raison de son rôle vis-à-vis des entités financières les plus risquées ayant les activités transfrontières. Elle contribuera par ailleurs à la convergence des approches nationales.
La nouvelle autorité aura la personnalité morale et sera investie de la mission de protéger l’intérêt public et la stabilité du système financier. Son organisation est assez classique. Il y a une pluralité d’organes : conseil général (general board), conseil exécutif (executive board), président, (chair of the Authority), directeur exécutif (executive director) et une commission de recours (administrative board of review). Et ses missions sont précisées.
L’autorité LCB/FT devra en particulier suivre les évolutions en matière de blanchiment et établir une banque de données centralisée. Elle sera responsable du système de supervision intégré LCB/FT et devra développer une méthodologie détaillant une approche fondée sur les risques pour les entités assujetties à la législation anti-blanchiment, cette approche devant varier selon les secteurs d’activités. Elle devra également développer des instruments et outils de convergence. On doit noter que la banque de données centralisée participe du système intégré de supervision et que les autorités nationales doivent soumettre à l’autorité européenne un programme d’activités annuel le 31 octobre de chaque année. On doit encore noter que l’autorité européenne sera à l’origine de normes techniques de réglementation et de normes techniques d’exécution que la Commission européenne sera amenée à adopter et qu’elle contribuera à la soft law en publiant des lignes directrices et des recommandations ainsi que des opinions.
L’autorité a par ailleurs, ce qui est notable, un pouvoir de supervision direct vis-à-vis des entités assujetties sélectionnées (selected obliged entity). Elle pourra réaliser des contrôles et éventuellement les sanctionner si les mesures anti-blanchiment ne sont pas bien mises en œuvre. Les contrôles devront être réalisés par une équipe de supervision jointe comprenant des membres de l’autorité européenne et des membres de l’autorité nationale de supervision. Les pouvoirs de l’autorité européenne sont importants puisque notamment elle peut demander le traitement spécifique de certains clients, des changements de structure de gouvernance et le retrait d’agrément. Elle peut également prononcer des sanctions pécuniaires.
Les entités assujetties sélectionnées sont opposées aux entités assujetties non sélectionnées (« non-selected obliged entity »). A leur égard, l’autorité européenne n’aura pas de pouvoir de supervision direct. Elle pourra toutefois requérir des autorités nationales la réalisation d’un certain nombre d’actes. Elle dispose par ailleurs d’un pouvoir de supervision dit indirect en cas de circonstances exceptionnelles.
On doit encore noter que l’autorité européenne est investie de misions vis-à-vis des autorités non financières nationales, en particulier pour harmoniser et coordonner les standards et les pratiques de supervision dans le domaine de la lutte contre le blanchiment. Et toujours vis-à-vis d’elles, elle disposera de certains pouvoirs, en particulier en matière de collecte d’informations et devra analyser périodiquement leurs activités afin de renforcer l’effectivité des résultats de la supervision.
Le dispositif préventif anti-blanchiment
La proposition de règlement relatif à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme sera à la base du dispositif anti-blanchiment en raison de son objet, ce texte visant à établir les règles concernant les obligations imposées aux professionnels, le bénéficiaire effectif et les instruments au porteur.
Elle circonscrit les agissements prohibés – le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme – et détermine les professionnels assujettis, financiers et non financiers. Elle fait reposer la législation sur les mêmes points d’appui que la législation antérieure – l’approche par les risques et le concept de bénéficiaire effectif – et met à la charge des entités assujetties les obligations caractéristiques de la législation anti-blanchiment : les obligations de vigilance et les obligations déclaratives. Étant précisé que les obligations de vigilance sont plus ou moins étendues en fonction des risques de sorte que l’on distingue les diligences usuelles des diligences simplifiées et renforcées. Ce dispositif est complété par des règles concernant le contrôle interne, la protection des données personnelles et l’atténuation des risques liés à l’usage des instruments anonymes.
Les mécanismes à mettre en place par les États membres
La proposition de directive relative aux mécanismes à mettre en place par les États membres pour la prévention de l’utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme pose les règles concernant :
- les mesures applicables, au niveau national, aux secteurs exposés au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme ;
- l’identification des risques au niveau de l’Union et des États membres,
- la mise en place et l’accès au registre répertoriant les bénéficiaires effectifs,
- les responsabilités et tâches des cellules de renseignements financiers,
- les responsabilités et tâches des autorités de supervision chargées de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme,
- et la coopération entre les autorités.
La proposition de directive fait écho à la proposition de règlement relatif à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme en ce qui concerne les registres des bénéficiaires effectifs. Ceux-ci ne sont toutefois que l’un des mécanismes de prévention et de lutte contre le blanchiment. En sont d’autres l’évaluation des risques encourus par chaque État, l’établissement d’une cellule de renseignements financiers chargée de prévenir, détecter et combattre le blanchiment d’argent, la nomination d’autorités en charge de la supervision en matière de blanchiment, et donc notamment de la mise en œuvre du pouvoir de sanction en cas de manquement, et la coopération entre les autorités des États membres.
L’information concernant les transferts de fonds et de crypto-actifs
Le règlement 2015/847 du 20 mai 2015 établissait les règles relatives aux informations sur les donneurs d'ordre et les bénéficiaires accompagnant les transferts de fonds, dans quelque monnaie que ce soit, aux fins de la prévention et de la détection du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et des enquêtes en la matière, lorsqu'au moins un des prestataires de services de paiement intervenant dans le transfert des fonds est établi dans l'Union. La proposition de règlement publié en juillet 2021 étend les obligations imposées par ce texte aux transferts de crypto-actifs. Un chapitre spécifique est consacré aux obligations des prestataires de services sur crypto-actifs. De plus, un chapitre spécifique est consacré aux obligations des prestataires de services sur crypto-actifs, ce qui permettra à l’Union européenne de faire évoluer son dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme en conformité avec les dernières recommandations du GAFI. Cette évolution devrait ainsi permettre de favoriser au sein de l’Union européenne un certain level playing field dans le cadre, notamment, du recours de ces prestataires au passeport européen, tel qu’il est envisagé dans la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les marchés de crypto-actifs (Règlement « MiCA »).