13 mai 2020
Alerte Client | Pologne | Propriété intellectuelle
Le 19 février 2020 le Président a signé la loi modifiant le code civil et d'autres lois, qui introduit des modifications importantes sur le traitement des affaires en matière de propriété intellectuelle. Malgré l'état d'épidémie et la suspension des délais de procédure pour cette raison, l'entrée en vigueur de ladite loi n'a pas été reportée, la majorité de dispositions législatives seront alors applicables à partir du 1 juillet 2020.
L'objectif de ces modifications est d'introduire un système judiciaire spécialisé, à l'instar du tribunal des marques de l'UE, qui ( actuellement la division XXII du tribunal régional de Varsovie). À cette fin, la loi confie les affaires de propriété intellectuelle aux tribunaux régionaux (en première instance) et prévoit la possibilité de ne désigner que quelques tribunaux de première et de deuxième instance pour entendre les affaires de propriété intellectuelle appartenant à la compétence territoriale de plusieurs tribunaux, ainsi que l'introduction d'une procédure spéciale pour connaître des affaires de propriété intellectuelle et ainsi que la représentation obligatoire par un avocat dans cette procédure.
L'amendement introduit une nouvelle catégorie d'affaires de propriété intellectuelle, examinées dans le cadre d'une procédure spéciale.
Les affaires de propriété intellectuelle comprennent les affaires concernant la protection du droit d'auteur et des droits voisins, la protection des droits de propriété industrielle et la protection d'autres droits sur les actifs incorporels, ainsi que les affaires concernant la prévention et la lutte contre la concurrence déloyale, la protection des droits de la personne dans la mesure où elle concerne l'utilisation des droits de la personne à des fins d'individualisation, de publicité ou de promotion d'un entrepreneur, de biens ou de services, et la protection des droits de la personne en rapport avec une activité scientifique ou inventive.
Dans tous les cas mentionnés ci-dessus, il est obligatoire que les parties soient représentées par un avocat, tant en première qu'en deuxième instance. Cette exigence ne s'applique pas seulement dans les cas où la valeur du litige (qui n'est pas toujours égale à la somme demandée par le demandeur mais calculée selon les règles spécifiques établies à cet effet) est inférieure à 20 000 PLN. À chaque étape de la procédure, la juridiction peut également dispenser les parties de l'obligation de se faire représenter par un avocat si les circonstances le justifient, notamment en raison du faible degré de complexité de l'affaire.
En outre, des nouvelles compétences ont été données aux conseils en brevets qui désormais peuvent représenter leurs clients dans toutes les affaires de propriété intellectuelle, et pas seulement - comme cela a été le cas jusqu'à présent - dans le domaine de la propriété industrielle.
L'examen des affaires de propriété intellectuelle sera confié en première instance aux tribunaux régionaux. Par ailleurs, le tribunal de district de Varsovie sera seul compétent pour connaître des affaires concernant les programmes informatiques, les inventions, les modèles d'utilité, les topographies de circuits intégrés, les variétés végétales et les secrets commerciaux à caractère technique.
Il est également prévu la possibilité de désigner, tant au niveau des tribunaux régionaux que des cours d'appel, des tribunaux qui connaîtront des affaires de propriété intellectuelle du ressort de plusieurs tribunaux. À cette fin, il est prévu de créer quatre départements spécialisés dans quatre tribunaux régionaux (Varsovie, Gdańsk, Katowice, Poznań) et deux cours d'appel (Katowice, Varsovie), bien que le décret d'application n'ait pas encore été publié.
La loi octroie aux tribunaux le pouvoir d'évaluer, à leur discrétion, le montant de la somme accordée en faveur du demandeur si la preuve du montant de la demande en cas d'atteinte aux droits de propriété intellectuelle est - comme c'est souvent le cas - impossible, difficile ou inopportune. Cette disposition est similaire à l'article 322 du code de procédure civile, qui a jusqu'à présent accordé au tribunal un droit similaire dans certains domaines.
L'amendement introduit également l'unification des procédures d'obtention de preuves et de divulgation d'informations, qui jusqu'à présent étaient dispersées dans de différents actes.
L'amendement introduit des règles spéciales sur la conservation des preuves, qui sera possible tant avant l'ouverture de la procédure qu'en cours d'affaire jusqu'à la clôture de l'audience en première instance.
Si la mesure d'instruction in futurum est accordée avant l'ouverture de la procédure, le Tribunal doit concomitamment fixer un délai allant de deux semaines à un mois pour assigner, à défaut la mesure d'instruction tombera.
Une telle requête doit être examinée lors d'une session à huis clos dans un délai d'une semaine (jusqu'à présent 3 jours dans les affaires de propriété intellectuelle et 7 jours dans les affaires de propriété industrielle), et la condition pour l'octroi de la conservation des preuves est de rendre plausible la demande et l'intérêt juridique à accorder une telle mesure, se manifestant par le fait que l'absence de conservation des preuves rendrait impossible ou sérieusement entravée la preuve de faits importants ou la réalisation des objectifs de la procédure de preuve.
La manière de conserver, d'accéder et de traiter les preuves ainsi obtenues a été clarifiée. La conservation des preuves elle-même peut notamment consister à reprendre les biens, matériaux, outils et documents de leur possesseur ainsi qu'à un constat d'huissier. Dans la décision d'octroi, le Tribunal précise également l'étendue de l'accès aux preuves et les modalités de leur utilisation. En particulier, le Tribunal peut interdire l'enregistrement des preuves. Si, suite à un recours contre la décision, le Tribunal décide de la changer, il peut notamment modifier le mode d'accès aux preuves couvertes par le secret professionnel.
L'ordonnance de conservation des preuves est notifiée au défendeur et à la personne contre qui la décision est exécutée, au moment de sa mise en œuvre. Le demandeur ne participe pas à l'exécution de la décision. les objets collectés et le protocole établi par l'huissier sont ensuite déposés auprès du Tribunal, mais ils ne sont pas versés au dossier de la procédure avant que la décision de la conservation des preuves ne devienne définitive (la décision est susceptible d'un recours auprès du Tribunal de deuxième instance, examiné dans le mois suivant sa réception).
Une autre façon d'obtenir des preuves dans les affaires de propriété est de demander la délivrance ou la divulgation de preuves. Le demandeur peut le demander s'il rend sa demande plausible, et la demande peut notamment porter sur des documents bancaires, financiers et commerciaux. Le demandeur doit démontrer, qu'avec un grand degré de probabilité, la personne contre qui la demande est dirigée est en possession des moyens de preuve demandées. Dans l'ordonnance de délivrance des preuves, comme dans celle sur la conservation des preuves, le Tribunal précise le mode de divulgation ou de délivrance du moyen de preuve et les règles de son utilisation.
La modification législative prévoit également les conséquences de l'évasion de la divulgation ou de la délivrance de preuves et de la destruction de preuves afin d'empêcher l'exécution de la décision. Dans une telle situation, le Tribunal peut considérer comme prouvés les faits qui devaient être établis par cette mesure, sauf si le défendeur prouve le contraire. Par ailleurs, le Tribunal peut condamner le défendeur aux dépens de la procédure quelle que soit l'issue de l'affaire.
L'amendement unifie également la demande d'information, qui était jusqu'à présent réglementée séparément dans le droit de la propriété industrielle et dans la loi sur le droit d'auteur et les droits voisins, suite à la mise en œuvre de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle.
Cette demande permet à l'ayant droit, tant avant l'introduction de l'instance qu'au cours de la procédure, d'obtenir des informations sur l'origine et les réseaux de distribution des biens ou des services, à condition qu'il démontre, de manière fiable, les circonstances indiquant l'atteinte aux droits de propriété intellectuelle.
Ces informations peuvent être demandées au contrevenant, ainsi qu'à d'autres entités qui (a) ont en leur possession la quantité indiquant l'exercice d'une activité commerciale des marchandises dont la conception, la fabrication ou la commercialisation a porté atteinte aux droits de propriété intellectuelle ou dont les caractéristiques esthétiques ou fonctionnelles portent atteinte à ces droits ; (b) fournissent des marchandises à une personne qui porte atteinte aux droits de propriété intellectuelle, (c) fournissent, à l'échelle indiquant l'exercice d'une activité commerciale, des services en portant atteinte aux droits de propriété intellectuelle; ou (d) ont été indiquées par l'une des entités susmentionnées comme étant le fabricant ou un participant à la fabrication de ces marchandises ou le destinataire des services ou l'entité qui les fournit.
La portée des informations qui peuvent être demandées est limitée et concerne principalement les données des opérateurs de la chaîne impliqués dans la distribution des marchandises et les marchandises elles-mêmes, mais il ne s'agit pas d'un catalogue limité; il peut être étendu si les circonstances le justifient
Les informations sont fournies sur l'honneur et une fausse déclaration engage la responsabilité pénale de l'auteur d'une telle déclaration.
En règle générale, les informations sont fournies sous forme écrite ou électronique, mais à la demande du requérant, le Tribunal peut fixer une audience à huis-clos au cours de laquelle les informations précédemment fournies pourront être développées à l'oral.
L'amendement introduit également l'obligation, déjà connue en droit de la propriété industrielle, de réparer le préjudice causé par l'exécution d'une décision de fournir des informations dans les cas où l'instance n'a pas été introduite, la demande en justice a été retirée, renvoyée, jugée irrecevable, si le demandeur a été débuté de sa demande ou si le non-lieu à statuer a été prononcé. Une demande de dommages-intérêts devient caduque si elle n'est pas poursuivie dans un délai d'un an à compter de sa naissance.
L'amendement prévoit également le droit de demander des dommages et intérêts si les informations sont utilisées à des fins autres que celles pour lesquelles elles ont été demandées.
L'amendement introduit la possibilité d'invalider ou de constater la déchéance du droit de protection d'une marque ou le droit d'enregistrement d'un dessin ou modèle industriel, dans le cadre d'une procédure devant un tribunal compétent en matière de propriété intellectuelle, par le biais d'une demande reconventionnelle, qui jusqu'à présent (sauf pour les marques et les dessins et modèles industriels de l'UE) était réservée à la compétence exclusive de l'Office des brevets.
La possibilité d'introduire une demande reconventionnelle en cas de contrefaçon de marque ou de dessin ou modèle est limitée aux situations dans lesquelles la demande reconventionnelle comprend une demande de déclaration de nullité ou de déchéance du droit de protection de la marque ou une demande de déclaration de nullité du droit de protection enregistré du dessin ou modèle en question dans l'action principale.
Toutefois, l'Office des brevets maintient la priorité dans ces procédures - si de telles procédures sont déjà en cours devant l'Office, le tribunal suspendra la procédure de propriété intellectuelle jusqu'à leur conclusion. Un jugement déclarant la nullité ou constatant la déchéance du droit est opposable aux tiers et est suffisant pour inscrire ce fait dans le registre tenu par l'Office des brevets.
La deuxième action en matière de la propriété intellectuelle prévue par l'amendement est celle visant à établir que les actions entreprises ou envisagées ne portent pas atteinte à un brevet ou à un droit de protection supplémentaire accordé à l'invention après l'expiration du brevet, à un droit de protection d'un dessin ou modèle industriel enregistré ou à la marque enregistrée. L'amendement introduit un catalogue fermé de cas dans lesquels le demandeur aura un intérêt juridique à intenter une telle action. En effet la demande de constatation d'absence d'infraction est une demande de type « dire et juger » pure, c'est-à-dire qui n'est pas accompagnée de véritables prétentions, dont l'admissibilité est assez limitée en droit polonais. L'existence d'un intérêt juridique à introduire une telle demande doit être précisément démontré à chaque fois. Un tel intérêt dans le cas de la demande de constatation d'absence d'atteinte aux droit de la propriété intellectuelle existe dans deux situations :