4 mai 2015
Publication | France | Contentieux
Interview et article de Bruno Quentin, avocat associé de Gide et expert du Club des juristes, paru dans La Semaine Juridique, édition générale du 4 mai 2015.
L’arrêt rendu par la chambre criminelle le 13 janvier 2015 dans l’affaire AZF a retenu l’attention à double titre : d’abord parce qu’il a constitué un rebondissement judiciaire, plus de 13 ans après le terrible accident de Toulouse, mais surtout du fait de sa motivation. L’un des deux moyens de cassation retenus repose en effet sur l’existence d’un doute objectif sur l’impartialité d’un des magistrats qui avait statué en appel. Rare, ce moyen mérite que l’on s’y attarde, pas tant pour le sens de la décision en elle-même, qui s’imposait en l’espèce, que pour les questions qu’elle suscite pour l’avenir (n° 12-87.059 : JurisData n° 2015-000068 ; V. JCP G 2015, 221, note H. Matsopoulou ; JCP G 2015, 222, note J. Van Compernolle).
Le droit à être jugé par un tribunal impartial émane de l’article 6, § 1 de la CESDH. Depuis une décision du 1er octobre 1982 (n° 8692/79, aff. Piersack c/ Belgique), la Cour de Strasbourg a introduit une distinction entre l’impartialité subjective (le juge n’a pas d’a priori en son for intérieur) et l’impartialité objective (sa situation offre des garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime). Elle a en outre souligné que les apparences peuvent revêtir une certaine importance dans la mesure où « il y va de la confiance que les tribunaux se doivent d’inspirer dans une société démocratique ».
C’est sur le double fondement de ce principe et de l’article préliminaire du Code de procédure pénale, que la chambre criminelle a pris sa décision, alors qu’un des trois conseillers de la cour d’appel de Toulouse était par ailleurs vice-président d’une association d’aide aux victimes, qui avait conclu, lorsque les débats en appel étaient encore pendants, une convention avec une autre association d’aide aux victimes, elle-même partie civile au procès.
Peut-on dégager des principes simples de cette décision ? Difficilement, tant la Cour de cassation, dans sa motivation, a voulu coller aux faits de l’espèce, évitant ainsi de prendre une position de principe trop engageante pour l’avenir, sur un sujet sensible dans la psychologie du monde judiciaire.
La règle doit pourtant être intelligible et prévisible, et plus encore aujourd’hui, à une époque où les juges n’échappent pas à la tentation médiatique ni à celle des réseaux sociaux, de telle sorte que leurs engagements personnels, notamment politiques, syndicaux et associatifs, peuvent facilement être connus des justiciables et sont dès lors susceptibles de faire naître un doute objectif dans l’esprit de ces derniers, quand ils identifient ou croient identifier une corrélation entre les actes publics de la personne privée et ceux du magistrat.
Or, non seulement l’image de la justice, mais aussi son efficacité requièrent que ce type de difficulté soit traité en amont plutôt qu’a posteriori, comme ce fut le cas dans le dossier AZF.
Deux réponses existent aujourd’hui face à cette attente légitime.
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