15 mai 2019
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ÉDITORIAL
La procédure définissant les pouvoirs conférés aux inspecteurs et aux contrôleurs du travail, afin de relever les infractions entrant dans le champ de leur compétence a évolué ces dernières années pour se soumettre plus complètement aux principes de la procédure pénale. Pour autant, des spécificités demeurent.
Ce souci de modernisation procédurale a franchi une étape décisive avec la loi du 3 juin 2016 n° 2016-731 qui a modifié l'article 28 du Code de procédure pénale en permettant, qu'en matière de travail illégal, l'inspecteur (ou le contrôleur) du travail mène lui-même ce qu'il est convenu d'appeler "l'audition libre" (C. trav. Art. L 8271-6-1 al. 2).
On rappellera synthétiquement que "l'audition libre" d'une personne, qui sera dans notre domaine le plus souvent en première analyse, le chef d'entreprise lui-même, peut avoir lieu à l'initiative de l'agent de contrôle concerné lorsqu'il existe "des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction" (art. 28 du Code de procédure pénale précité).
L'intéressé est alors convoqué par écrit, cette convocation devant indiquer les éléments caractéristiques de l'infraction pour laquelle il est mis en cause, son droit d'être assisté par un avocat au cours de l'audition, si l'infraction est punie d'une peine d'emprisonnement, ce qui sera le cas par exemple en matière de travail dissimulé. En dépit de son caractère non contraignant, cette convocation n'a rien d'anodin et il ne peut qu'être conseillé d'y déférer, d'autant que son destinataire conservera le droit de garder le silence face aux questions posées et qu'il pourra toujours mettre fin à l'audition sans qu'aucune mesure coercitive ne puisse être exercée à son encontre.
Ce sont les droits de la défense qui se trouvent directement concernés par l'extension de cette procédure d'audition libre au cours de laquelle beaucoup d'éléments de fait auront déjà pu être recueillis par le ou les enquêteurs, éléments de fait qui serviront ensuite à étayer des poursuites pénales dès lors que l'auteur du contrôle aura décidé de transmettre au parquet compétent le procès-verbal constatant l'infraction lequel, on le rappellera, fait foi jusqu'à preuve du contraire, ce qui lui donne une redoutable force probante au bénéfice de la partie poursuivante (voir infra, la partie Jurisprudence Constatation des infractions).
Du moins en ira-t-il ainsi dès lors que le fonctionnaire en charge de la procédure l'aura décidé. En effet, la réserve s'impose car une telle transmission peut parfaitement ne pas intervenir ce, à raison de la présence parallèle d'une règle propre aux inspecteurs du travail qui leur permet, contrairement aux officiers de police judiciaire, de ne pas relever sur le champ l'infraction pour laquelle ils ont enquêté.
Si bien qu'on découvre ici une sorte de paradoxe. Alors qu'un rapprochement s'est effectué avec le droit commun de l'enquête de police, l'agent de contrôle de l'inspection du travail dispose toujours, au moins en théorie, de la faculté d'apprécier l'opportunité de transmettre son procès-verbal au Procureur de la République. Cette faculté, qui fut longtemps formulée par le seul droit international (article 17 de la Convention n° 81 de l'OIT portant sur les caractères de toute inspection du travail à l'échelle universelle) est désormais relayée par le Code du travail français, à l'article L 8112-1, selon lequel : "les agents de contrôle de l'inspection du travail… disposent d'une garantie d'indépendance dans l'exercice de leur mission au sens des conventions internationales concernant l'inspection du travail". L'agent de contrôle qui, a priori, a mené la procédure, y compris en recourant à "l'audition libre", peut donc à tout moment se détourner de la voie pénale et se borner à adresser une mise en garde pour l'avenir à la personne qui a été auditionnée. C'est là une importante survivance d'un principe ancien dont la conciliation avec les règles plus récentes ci-avant évoquées n'est pas des plus aisées. Elle souligne en tout cas l'intérêt d'accorder toute l'attention nécessaire au dialogue qui s'est instauré avec le fonctionnaire en charge de l'instruction du dossier pénal. Il sera extrêmement difficile pour les personnes auditionnées de modifier la teneur de ce qui aura été dit lors des auditions.
SOMMAIRE
I - LES INFRACTIONS
A - Accidents du travail (approche pénale)
1 - Homicide ou blessures involontaires
2 - Homicide par imprudence imputé à la personne morale
3 - Mise en danger : une incrimination transversale
B - Délit de harcèlement moral
C - Délit d'entrave au droit syndical
D - Travail dissimulé : retour sur l'élément intentionnel du délit
II - RÉPRESSION
A - Personnes responsables
1 - Le système jurisprudentiel d'imputation alternative du délit de violation des règles de santé et de sécurité du travail
2 - Qui, exactement, engage par ses actes/abstentions la responsabilité pénale de la personne morale ?
B - Les peines applicables
1 - Peines encourues par les personnes morales en cas de violation des règles de santé
2 - Multiplication des amendes
C - Constatation des infractions
D - Conséquences civiles de l'infraction
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