20 novembre 2024
5 questions à | Gide Africa | Novembre 2024
Pouvez-vous nous expliquer le contexte et l’objectif de ces procédures consultatives de la CIJ sur le changement climatique ?
Le 20 décembre 2022, l'Assemblée Générale des Nations Unies (AGNU) a adopté la résolution A/RES/77/161, demandant à la Cour internationale de Justice (CIJ) de rendre un avis consultatif sur les obligations des États en matière de changement climatique. Plus précisément, la CIJ a été invitée à clarifier les obligations des États en matière de droit international et à examiner les conséquences juridiques de toute violation, qu'elle soit passée, présente ou future.
Le Vanuatu, petite nation insulaire du Pacifique, a joué un rôle clé dans l'initiation de ces procédures en lançant une campagne mondiale pour obtenir un avis consultatif de la CIJ, afin de porter cette question cruciale au premier plan du discours juridique international.
Quelle est la portée de cet avis consultatif de la CIJ par rapport aux affaires contentieuses ?
Contrairement aux affaires contentieuses, qui règlent des différends entre États, les avis consultatifs de la CIJ ne sont pas contraignants. Ils exercent toutefois une influence juridique importante et possèdent une forte autorité morale. Leur objectif est de clarifier des questions juridiques et de fournir des orientations sur des enjeux clés du droit international. À ce jour, la CIJ a rendu environ 30 avis consultatifs.
Dans le contexte du changement climatique, l’avis consultatif de la CIJ apportera une clarté juridique essentielle sur l’étendue des obligations des États pour protéger le système climatique et les conséquences juridiques de leur non-respect. Cet avis orientera probablement les politiques climatiques nationales et internationales et renforcera les efforts globaux pour faire face à la crise climatique mondiale.
En parallèle de la procédure engagée devant la CIJ, des demandes d’avis consultatif sur le changement climatique ont été adressées à deux autres juridictions internationales, à savoir la Cour interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) et le Tribunal international du droit de la mer (TIDM). Ce dernier a rendu son avis le 21 mai 2024 sur les responsabilités des États dans la prévention et l’atténuation des effets du changement climatique sur l’environnement marin. La procédure devant la CIJ se distingue par son champ d'application plus large, portant sur les obligations générales des États en vertu du droit international.
Comment les États africains sont-ils impliqués dans les procédures et quels sont leurs principaux objectifs ?
En réponse à l'invitation de la CIJ, 91 participants ont soumis des déclarations écrites en avril 2024, dont plus de 70 États (parmi lesquels 19 pays africains), plusieurs organisations régionales comme l’Union européenne, l’Union africaine (représentant 55 États africains) et l’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique ainsi que plusieurs organisations non gouvernementales, dont l'Agence des pêches du Forum des îles du Pacifique. Une seconde série de déclarations écrites a eu lieu en août 2024, avant les audiences orales prévues pour décembre 2024. Il y a maintenant 115 parties qui ont participé en soumettant des déclarations écrites et/ou des commentaires et/ou qui sont prévues pour comparaître lors des audiences orales.
Les États africains cherchent à faire reconnaître leur vulnérabilité particulière face au changement climatique et leur faible contribution aux émissions mondiales de GES. Leur participation est essentielle : elle met en lumière l’impact disproportionné du changement climatique en Afrique et renforce les appels en faveur de solutions équitables et de réparations, en accord avec le droit international.
Quelle est la contribution de l’Afrique aux émissions de GES, et comment est-elle impactée par le changement climatique ?
D’après un rapport de 2022 du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) des Nations Unies, l'Afrique n'a contribué qu'à 3 % des émissions cumulées de CO₂ provenant des combustibles fossiles et de l'industrie entre 1850 et 2019. Ce chiffre atteint 7 % lorsqu'on inclut les émissions liées à l'utilisation des terres, aux changements d'affectation des terres et à la foresterie. L'Afrique, avec les émissions de gaz à effet de serre par habitant les plus faibles au monde, porte donc une responsabilité minime dans le changement climatique.
Pourtant, elle en subit les conséquences les plus graves. Malgré son faible niveau d'émissions, l'Afrique est le continent le plus durement touché par les effets du changement climatique. En raison de ses caractéristiques géographiques, socio-économiques et historiques uniques, elle fait face à de nombreux défis : vagues de chaleur accrues, précipitations extrêmes, sécheresses, perte de biodiversité, baisse de la production alimentaire, pénuries d'eau, pertes humaines et ralentissement de la croissance économique.
Quelles initiatives l’Afrique a-t-elle mises en place pour lutter contre le changement climatique, et quels sont ses espoirs dans le cadre de ces procédures ?
L'Afrique a lancé plusieurs initiatives pour combattre le changement climatique. La Grande Muraille Verte vise à freiner la désertification et restaurer les terres dégradées dans la région du Sahel. La Déclaration de Nairobi, adoptée en septembre 2023, souligne l'urgence d'une action collective pour réduire les émissions et les concentrations de gaz à effet de serre. Par ailleurs, la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) encourage le développement durable et la croissance verte à travers le continent. Ces initiatives illustrent l'engagement de l'Afrique à relever les défis climatiques malgré sa contribution limitée aux émissions mondiales. Ces États figurent notamment parmi ceux ayant les CDN les plus ambitieuses.
L'Afrique n'a pas bénéficié équitablement des bénéfices qui découlent de la lutte contre le changement climatique, notamment en ce qui concerne l'accès aux marchés du carbone, le transfert de technologies vertes et les investissements dans les énergies renouvelables. Les experts soulignent que les financements d'adaptation actuels, fournis par les pays développés, restent insuffisants pour couvrir les besoins des pays africains.
Dans le cadre des procédures en cours, les États africains demandent notamment aux pays qui ont le plus contribué au changement climatique de financer leurs efforts pour réduire les émissions et s'adapter aux impacts, ainsi que d’assurer le transfert de technologies et le renforcement des capacités.