L'Agence Française Anticorruption (ci-après désignée « l’AFA ») vient de publier une mise à jour de son Guide pratique sur les vérifications anticorruption dans le cadre des fusions-acquisitions (ci-après désigné « le Guide »)¹.

Cette nouvelle version du Guide, qui ne comporte pas d'évolution majeure, prend en compte :

• les conséquences du revirement de jurisprudence opéré par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 25 novembre 2020² sur la responsabilité pénale des sociétés absorbantes (i) et,
• les dernières recommandations de l'AFA publiées le 12 janvier 2021³ qui renforcent l'engagement des instances dirigeantes en matière de lutte contre la corruption (ii).

(i) La nécessité de renforcer les audits sur les risques pénaux notamment de corruption

Le Guide attire l'attention des entreprises sur le fait que, conformément à l'arrêt du 25 novembre 2020 de la Cour de cassation, une société absorbante pourra désormais voir sa responsabilité pénale engagée sur le fondement d'actes commis par la société absorbée antérieurement à la fusion (page 9 du Guide).

L'AFA rappelle que cette décision va avoir des conséquences dans les opérations de M&A. En effet, les entreprises vont devoir considérablement renforcer leurs audits juridiques pré-acquisition pour tenter d'identifier les éventuels risques pénaux qui pourraient exister ou survenir au sein des sociétés cibles. Or, de tels risques sont très difficiles à identifier car les faits sont souvent dissimulés, et les entreprises ne sont informées de l'existence d'enquêtes ou de procédures pénales, qui ne sont pas publiques, que très longtemps après les faits.

(ii) La nécessité d'impliquer davantage les dirigeants et le responsable de la conformité dans les opérations de M&A

De plus, dans la continuité de ses recommandations publiées deux mois plus tôt, l'AFA insiste sur l'importance du rôle de l’instance dirigeante dans le cadre de ces vérifications anticorruption. Selon le Guide, l’instance dirigeante doit exprimer son engagement à ce que les opérations de fusion-acquisition menées par l’entreprise soient dénuées de toute atteinte à la probité, c’est-à-dire à la fois (i) en menant les vérifications adéquates sur la société cible, mais aussi (ii) en s’assurant qu’aucun fait pouvant être qualifié de corruption n’entache l’opération elle-même (page 12 du Guide).

L'engagement de l'instance dirigeante se manifeste notamment par l'allocation de moyens adaptés à la réalisation des opérations de due diligence nécessaires. En ce sens, les instances dirigeantes étaient invitées à désigner un responsable des vérifications anticorruption, doté des moyens humains et financiers nécessaires à l’exercice de ses missions, dans le cadre des opérations de M&A. Il est à présent recommandé que le responsable de la conformité de l’entreprise y soit également associé.

Le Guide rappelle que le responsable de la conformité a vocation à être associé à la mise en œuvre des projets stratégiques de la société et aux prises de décisions structurantes, notamment dans le cadre des opérations de fusion-acquisition. Dès lors, le Guide préconise que le responsable des vérifications anticorruption dans le cadre d'une opération de M&A informe le responsable de la conformité du déroulé et des résultats de ces vérifications (page 12 du Guide).

 Par ailleurs, le Guide s’emploie à être plus didactique en énonçant des exemples de scenarii de risques qui pourraient intervenir aux différents stades de l’opération de fusion-acquisition (négociations préalables, entre le signing et le closing, et après le closing), que ce soit au sein de la société acquéreur et de la société cible ou auprès de tiers tels que des administrations susceptibles d’influer sur l’opération (page 11 du Guide).

Enfin, il convient de rappeler que si ce Guide pratique des vérifications anticorruption complète les recommandations de l'AFA, il  a pour seul but d’éclairer les entreprises en leur proposant des moyens d’actions, et ne revêt aucun caractère obligatoire y compris dans le cadre de contrôles diligentés par l'AFA.

Pour autant, la prise en compte dans les opérations de M&A des risques liés à la corruption, au même titre que des risques émanant d’éventuelles atteintes aux droits de l’homme ou à l’environnement, devient essentielle, notamment au regard des conséquences que pourrait avoir pour l'acquéreur la découverte tardive de tels faits au plan économique et réputationnel.

(1) Le Guide, publié le 12 mars 2021, est disponible au lien suivant : https://www.agence-francaise-anticorruption.gouv.fr/files/files/Guide%20pratique%20fusacq%202021-02%20DEF-2-19.pdf

(2) Cass. Crim., 25 novembre 2020, n° 18-86.955

S. Scemla, J.-G. Flandrois et E. Schlumberger, A compter du 25 novembre 2020, la responsabilité pénale d'une société absorbante pourra être engagée en raison d'actes accomplis par la société absorbée avant la fusion, Gide Expertises, 30 novembre 2020, https://www.gide.com/fr/actualites/a-compter-du-25-novembre-2020-la-responsabilite-penale-dune-societe-absorbante-pourra?destination=views/news/search%3Ffield_news_date_publish%255Bdate%255D%3D%26field_news_date_publish_1%255Bdate%255D%3D%26search_api_views_fulltext%3D%26page%3D6 

(3) S. Scemla et D. Paillot de Montabert, Les nouvelles recommandations de l’AFA publiées le 12 janvier 2021 renforcent les obligations des entreprises et de leurs dirigeants, Gide Expertises, 1 février 2021, https://www.gide.com/fr/actualites/les-nouvelles-recommandations-de-lafa-publiees-le-12-janvier-2021-renforcent-les