L’imposition différenciée des dividendes touchés par les sociétés mères d’un groupe fiscal intégré en fonction du lieu d’établissement des filiales est contraire au droit de l’Union.
La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a rendu le 2 septembre 2015 dans l’affaire Stéria une décision qui va avoir des conséquences sur le régime fiscal des groupes intégrés.
Cette décision a une portée tant pour le passé que pour l’avenir.
La CJUE juge que constitue une discrimination contraire à la liberté d’établissement la différence de traitement qui résulte de la neutralisation de la quote-part de frais et charges applicable aux distributions de dividendes entre sociétés membres d’un groupe d’intégration fiscale alors que celle-ci n’est pas applicable aux distributions de dividendes reçues de filiales résidentes dans un autre Etat membre de l’Union européenne ou de l’Espace Economique Européen.
Alors que les dividendes distribués au sein d’un groupe intégré à compter du 2ème exercice d'intégration de la société distributrice sont complètement exonérés d’impôt sur les sociétés, les distributions de filiales qui pourraient être membres du groupe d’intégration fiscale si elles n’étaient pas établies dans un autre Etat membre de l’Union européenne ou de l’Espace Economique Européen ne sont exonérées qu’à hauteur de 95 %. La CJUE considère que le désavantage qui en résulte pour les sociétés mères françaises qui détiennent des filiales dans d’autres Etats membres de l’Union européenne ou de l’Espace Economique Européen constitue une entrave à la liberté d’établissement.
Quelles sont les conséquences de cette décision ?
Cette décision confirme la possibilité pour les sociétés mères françaises de réclamer l’impôt sur les sociétés afférent à la quote-part de frais et charges (5 %) réintégrée au titre des dividendes reçus de filiales résidentes d’autres Etats membres de l’Union européenne ou de l’Espace Economique Européen, dans la mesure où ces dernières rempliraient les conditions pour être membre de l’intégration fiscale si elles étaient françaises. Ces réclamations doivent être présentées dans les deux ans du versement de l’impôt (soit avant le 15 septembre 2015 au titre de l’impôt sur les sociétés payé en 2013 pour les sociétés ayant clôturé un exercice au 31 mai 2012 (LPF, art. L190 al 3).
Le Parlement devrait tirer les conséquences de cette décision, en modifiant le régime fiscal des distributions au sein des groupes. Ces modifications seront certainement intégrées dans les lois de finances de fin d’année. Elles doivent être anticipées dans la mesure où les conséquences peuvent être significatives. En effet, la neutralisation de la quote-part de frais et charges devrait être soit étendue aux dividendes de source européenne soit supprimée au sein des groupes intégrés. Si le gouvernement opte pour la suppression de l'exonération des dividendes des filiales françaises dans un groupe intégré, le coût des distributions dans les groupes sera significativement augmenté, conduisant à réfléchir sur l’organisation des groupes.
Enfin, cette décision conforte les doutes sur la compatibilité avec le droit de l’Union européenne de la contribution de 3 % sur les montants distribués (CGI, Art. 235 ter ZCA) lorsqu’elle est appliquée à des distributions qui en seraient exonérées si elles intervenaient au sein d’un groupe intégré. C’est notamment le cas lorsque la société mère est résidente d’un Etat de l’Union européenne ou de l’Espace Economique Européen et remplirait les conditions pour être tête de groupe d’intégration fiscale si elle était française.
Notre équipe fiscale reste à votre disposition pour toute information complémentaire sur ces questions.