31 juillet 2014
Newsletter | France | Juillet 2014
Cette newsletter présente les principales actualités juridiques de ces derniers mois dans les domaines suivants :
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Editorial par Louis Thibierge
Consultant, membre du Conseil Scientifique de Gide et maître de conférences à l’Université Paris Ouest
Notre droit des contrats est en bataille !
Jurisprudence et doctrine semblent s’allier pour bouleverser nos habitudes contractuelles. Tandis que la Cour de cassation neutralise les clauses limitatives de responsabilité et rebat les cartes de la rupture du contrat, la Chancellerie prépare la consécration de la révision pour imprévision.
Clauses limitatives de responsabilité : attention à l’effet boomerang. Il fut un temps où stipuler une clause limitative de responsabilité constituait le moyen le plus sûr de maîtriser le risque d’inexécution. Ce temps est révolu. Depuis un arrêt Faurecia 2 , la Cour de cassation répute non-écrite la clause limitative de responsabilité qui « contredit la portée de l’obligation essentielle ». Ainsi, s’il est licite de limiter sa responsabilité en cas de manquement à l’obligation essentielle, le plafond de dommages-intérêts ne doit pas être dérisoire. A exiger un plafond trop bas, on s’expose à ce que le juge répute la clause non-écrite aux risques de tomber dans le principe de réparation intégrale.
Faut-il continuer de stipuler des clauses résolutoires ? Certes, elles évitent le recours au juge en permettant au créancier de l’obligation inexécutée de mettre fin au contrat. Cependant, elles font double emploi avec la « rupture unilatérale aux risques et périls » dégagée par la jurisprudence Toqueville. Surtout, la Cour de cassation a récemment jugé qu’en présence d’une telle clause − prévoyant en l’espèce le paiement d’une indemnité de rupture −, le créancier ne pouvait plus opter pour la rupture unilatérale du contrat.
La solution n’est pas définitive. Il est probable qu’une chambre mixte soit nécessaire pour unifier la jurisprudence. Dans l’intervalle, il conviendra d’être prudent : insérer une clause résolutoire peut s’avérer in fine contreproductif.
Le canal de Craponne va-t-il céder ? Depuis 150 ans, le juge s’interdit de réviser le contrat lorsque les circonstances économiques ont évolué. L’article 104 du projet de réforme du droit des obligations élaboré par la Chancellerie prévoit une telle révision. Si un changement de circonstances imprévisible rendait l’exécution excessivement onéreuse pour une partie, les parties seraient tenues de renégocier le contrat. En cas d’échec ou de refus de la renégociation, les parties pourraient d’un commun accord demander au juge d’adapter le contrat. A défaut d’accord, l’une d’elle pourrait lui demander d’y mettre fin.
Au final, ces bouleversements du droit des contrats constituent un puissant aiguillon pour le praticien, qu’ils invitent à réinventer, sans cesse, des solutions nouvelles.
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