25 novembre 2022
L'équipe Assurance de Gide revient dans cette nouvelle Newsletter sur les grandes actualités législatives, réglementaires et jurisprudentielles de juillet 2022 à octobre 2022, et vous propose un panorama de l'essentiel de l'actualité juridique du droit des assurances : évolution législatives relatives à la faculté de résiliation d'un contrat d'assurance, au démarchage téléphonique, à l'assurance emprunteur ou encore à l'indemnisation de rançons payées suite à une cyber attaque, mais également les communications de l'ACPR et de l'EIOPA ainsi que la jurisprudence judiciaire, européenne et constitutionnelle sont à retrouver dans ce nouveau numéro.
Loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur : l'indemnisation des rançons par les compagnies d'assurance
Aux termes du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, le Sénat a adopté le 18 octobre 2022 un dispositif venant créer un régime légal relatif l’indemnisation par un assureur d’une rançon payée par son assuré en cas de cyberattaque.
L’article 4 du projet de loi insère ainsi au Titre II du Livre I du Code des assurances un nouveau Chapitre X intitulé "L’assurance des risques de cyberattaques".
Le nouvel article L. 112-2 inséré dans ce chapitre dispose que :
"Le versement d’une somme en application d’une clause assurantielle visant à couvrir le paiement d’une rançon par l’assuré dans le cadre d’une extorsion prévue à l’article 312‑1 du code pénal, lorsqu’elle est commise au moyen d’une atteinte à un système de traitement automatisé de données prévue aux articles 323‑1 à 323‑3‑1 du même code, est subordonné à la justification du dépôt d’une pré‑plainte de la victime auprès des autorités compétentes dans les 24 heures suivant l’attaque et avant tout paiement de cette rançon".
Dès lors, le versement d’une indemnité en cas de cyber-rançon, qui serait prévue par un contrat d’assurance cyber, serait ainsi subordonné (i) au dépôt par la victime d’une pré-plainte auprès des autorités compétentes (ii) dans les 24 heures suivant l’attaque.
Le projet de loi, adopté selon la procédure accélérée par le Sénat, a été transmis à l’Assemblée nationale dont la Commission des lois a déjà décidé de modifier le texte en supprimant (i) la condition tenant au dépôt d’une pré‑plainte et (ii) en allongeant le délai prévu pour déposer plainte en le faisant passer de 24 à 48 heures, suivant ainsi les recommandations de la Direction générale du Trésor dans son rapport de septembre 2022.
La version définitive de ces nouvelles dispositions du Code des assurances devrait être adoptée avant la fin de l’année.
Décret n° 2022-1313 du 13 octobre 2022 relatif à l'encadrement des jours, horaires et fréquence des appels téléphoniques à des fins de prospection commerciale non-sollicitée
La réforme du régime du démarchage téléphonique notamment en assurance1 se poursuit avec la publication du décret 2022-1313 du 13 octobre 2022, relatif à l’encadrement des jours, horaires et fréquence des appels téléphoniques à des fins de prospection commerciale non-sollicitée.
Aux termes de ce décret, publié au Journal officiel le 14 octobre 2022, le régime du démarchage téléphonique est encadré de telle sorte que le prospect pourra uniquement être contacté du lundi au vendredi, de 10 heures à 13 heures et de 14 heures à 20 heures, ces heures devant correspondre au fuseau horaire dans lequel se trouve le prospect.
Par ailleurs, la fréquence de contact du prospect est aussi encadrée, ce dernier (i) ne pouvant pas être contacté plus de 4 fois durant une période de 30 jours calendaires et (ii) ne pouvant pas être contacté durant une période de 60 jours calendaires si ce dernier a refusé lors d’une première conversation le démarchage dont il fait l’objet.
Les dispositions du décret, introduites à l’article D. 223-9 du Code de la consommation entreront en vigueur le 1er mars 2023.
Application à l’ensemble des contrats en cours des dispositions de la loi n° 2022-270 du 28 février 2022 pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur
La loi n° 2022-270 du 28 février 2022 2 prévoyait notamment une faculté de résiliation « à tout moment » des polices d’assurance emprunteur accessoires aux emprunts souscrits à compter du 1er juin 2022.
Depuis le 1er septembre 2022, cette faculté de résiliation « à tout moment » des polices d’assurance emprunteur est étendue à l’ensemble des contrats en cours à cette date.
Loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat
La loi 2022-1158 du 16 août 2022, portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat vient modifier le Code des assurances aux termes de ses articles 17 et 18.
Ainsi, l'article 17, I, de la loi modifie l'article L. 113-14 du Code des assurances, permettant aux personnes physiques en dehors de leur activité professionnelle, de résilier un contrat d'assurance par voie électronique (i) lorsque celui-ci a été conclu par ce moyen ou (ii) que l'assureur, au jour de la résiliation, offre au souscripteur la possibilité de conclure des contrats par voie électronique.
Dans cette perspective, une fonctionnalité gratuite permettant d'accomplir, par voie électronique, la notification et les démarches nécessaires à la résiliation du contrat doit être mise à disposition de l’assuré.
Les modalités techniques de cette fonctionnalité et les informations à apporter au souscripteur seront définies par décret.
Ces dispositions entreront en vigueur à une date qui sera fixée par décret et s’appliqueront aux contrats en cours d’exécution à cette date. La parution du décret et l’entrée en vigueur de ces dispositions ne pourra être postérieure au 1er juin 2023.
Par ailleurs, l'article 18 de la loi, en modifiant les dispositions de l’article L. 112-10 du Code des assurances, permet au souscripteur de mettre fin au contrat d’assurance en y renonçant, sans avoir à justifier cette renonciation par le fait d'être déjà couvert par ailleurs au titre de ces mêmes garanties. Le délai de renonciation est en outre allongé, passant de 14 à 30 jours, le point de départ de celui-ci étant fixé à la date de paiement de la première prime. Toutefois, si l'assuré bénéficie d'une ou plusieurs primes gratuites, le point de départ est reporté au jour du premier paiement.
Ces dispositions entreront en vigueur à compter du 1er janvier 2023.
Publication ACPR – La Commission des sanctions précise ses pratiques en matière de publicité des audiences
Dans son communiqué de presse du 20 octobre 2022, l'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution ("ACPR") a indiqué que les audiences de la Commission des sanctions de l'ACPR sont désormais publiques par principe. Néanmoins, l'organisme poursuivi pourra bénéficier d'un huis-clos si elle produit à l'appui de sa demande, la preuve de circonstances particulières justifiant cette mesure.
En outre, les dates des audiences seront rendues publiques sur le site de l’ACPR.
Publication EIOPA – Rapport de suivi de l’examen par les pairs sur l’évaluation de l'honorabilité des membres de l’organe d’administration, de direction et de surveillance et des actionnaires qualifiés
L’EIOPA, dans son rapport du 12 octobre 2022, dresse un bilan des actions de contrôle et d’encadrement, réalisées par les autorités de contrôle européennes, portant sur le respect de la condition d'honorabilité (i) des dirigeants de sociétés d'assurance et (ii) des actionnaires qualifiés3.
Pour mémoire, l’EIOPA avait en 2019 publié des recommandations aux termes desquelles les autorités nationales de contrôle devaient élaborer le cadre réglementaire, les processus d’évaluation prudentielle de gouvernance et les modes de communication inter-autorités nationales afin de créer une base de données de surveillance relative aux dirigeants d’entreprises exerçants dans le secteur bancaire et des assurances.
Dans ce rapport, publié 3 ans après la diffusion de recommandations en la matière, l’EIOPA constate que sur l’ensemble des pays membres de l’Union européenne, seules 16 autorités de contrôle nationales ont pleinement suivi ces dernières, les autres ne les ayant suivi que pour partie.
En France, l'ACPR a obtenu un satisfecit de la part de l'EIOPA, qui reconnait qu'en matière de contrôle, les mesures prises vont au-delà de ses recommandations, dans la mesure où elle met notamment en place des communications continues à destination du marché, afin de veiller aux exigences en matière d'honorabilité.
Publication EIOPA – L’EIOPA appelle à un meilleur rapport qualité-prix dans la bancassurance en avertissant les banques et les assureurs
Dans son communiqué du 4 octobre 2022, l'EIOPA a mis en exergue des pratiques abusives d’assureurs et de banques en matière de distribution des produits d'assurance emprunteur, à la suite de l’examen thématique qu’elle a réalisé sur ce sujet.
Aux termes du communiqué de l’EIOPA, sont notamment mises en cause :
L'EIOPA rappelle les dispositions de la Directive sur la Distribution des produits d'Assurance ("DDA") et indique à cet effet que les assureurs et établissements bancaires doivent s'assurer de proposer aux preneurs d’assurance des produits adéquats à leurs besoins et mettre en place des mesures afin de prévenir tout conflit d'intérêt. L'Autorité appelle ainsi à une meilleur régulation du marché de la part des autorités de contrôle étatiques et à des sanctions en cas de non-respect des préconisations de la DDA.
Publication EIOPA – Recommandations sur le contrôle de l’exposition des assureurs et réassureurs au risque de couverture silencieuse du risque cyber
Aux termes de son rapport du 23 septembre 2022, l’EIOPA émet des recommandations afin de contenir l'exposition des assureurs et réassureurs au risque de couverture silencieuse du risque cyber.
L'objectif de l'EIOPA à travers ce rapport est de promouvoir une convergence des pratiques de surveillance des risques entre les autorités de contrôle nationales compétentes, notamment de :
Le rapport préconise également une clarification des contrats d'assurance, concernant la couverture ou l'exclusion du risque cyber.
Une question préjudicielle a été posée par la Cour fédérale de justice allemande à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), qui, dans un arrêt du 29 septembre 2022, s'est prononcée sur l'activité alléguée de distribution d’assurance exercée par une entreprise sans autorisation.
En l'espèce, il était reproché à une entreprise d'exercer une activité de distribution d'assurance sans habilitation. L'activité litigieuse consistait pour l’entreprise à souscrire un contrat d’assurance de groupe qu’elle proposait à l’adhésion contre rémunération.
L’appréciation de cette activité par la Cour de Justice de l’Union européenne a conduit à qualifier cette dernière de distribution d’assurance. Partant, "une personne morale dont l'activité consiste à proposer à ses clients, d'adhérer sur une base volontaire en contrepartie d'une rémunération qu'elle perçoit de ceux-ci, à une assurance de groupe qu'elle a préalablement souscrite auprès d'une compagnie d'assurance, cette adhésion conférant à ses clients les droits à prestation d'assurance en cas notamment de maladie ou d'accident" peut être considérée comme exerçant une activité de distribution d’assurance.
Dans sa décision du 21 octobre 2022, le Conseil constitutionnel a jugé de la conformité de la réforme du courtage en assurance à la Constitution.
Ainsi, le Conseil constitutionnel a estimé que le principe d’adhésion obligatoire à des associations professionnelles édicté par les articles L. 513-3 II du Code des assurances et L. 519-11 du Code monétaire et financier ne méconnaissait pas (i) le principe de liberté d’entreprendre, estimant notamment que cette adhésion est justifiée par un objectif d’intérêt général de protection des consommateurs, et (ii) le principe d’égalité devant la loi, un traitement différents des courtiers nationaux et étrangers agissant en libre prestation de service sur le territoire national constituant une différence de situation permettant un traitement différent.
Enfin, les dispositions des articles L. 513-5 du Code des assurances et L. 519-13, L. 519-14 du Code monétaire et financier sont aussi jugées conformes à la constitution, estimant que (i) le principe de séparation des pouvoirs n’interdit pas à une autorité administrative de déléguer un pouvoir de sanction tant que sont respectés les principes d’indépendance et d’impartialité, et que par ailleurs (ii) les associations devront faire approuver par l’ACPR les sanctions qu’elles entendent prendre.
Aux termes d'un arrêt rendu le 15 septembre 2022, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rappelle, au visa de l’article 1217 du Code civil, que "toute perte de chance ouvre droit à réparation". Dès lors, l’indemnisation de la perte de chance de l’assuré n’est pas conditionnée par le caractère raisonnable de la chance perdue.
En l’espèce, le questionnaire de souscription de santé complété par l’assuré indiquait le suivi par ce dernier d’un traitement médical depuis 15 ans. Dans ces circonstances, la banque devait s'assurer de l'adéquation du contrat proposé à la situation de l'assuré notamment afin de s’assurer que ce dernier ait été correctement informé lors de la souscription du contrat.
Ainsi, le manquement de l’assureur à son obligation d’information et de conseil constitue une perte de chance indemnisable sans que l’assuré ait à prouver (i) le caractère raisonnable de la chance perdue ou (ii) le fait que mieux informé et conseillé il aurait certainement souscrit un contrat garantissant son risque.
Aux termes d’un arrêt rendu le 12 octobre 2022, la troisième chambre civile de la Cour de cassation vient rappeler, au visa de l’article L. 124-5 du Code des assurances, que la souscription d’une seconde police d’assurance de responsabilité civile en base réclamation vient mettre fin au bénéfice de la garantie subséquente prévue par la première police d’assurance dès lors que l’assuré a connaissance du sinistre postérieurement à la période de garantie de ce premier contrat..
En l'espèce, une entreprise de travaux était assurée au titre de sa responsabilité décennale et de sa responsabilité civile professionnelle auprès d’un premier puis d’un second assureur, le second ayant été déclaré insolvable suite à une procédure de liquidation ouverte à son encontre.
La responsabilité de l’entreprise étant recherchée pour des malfaçons dans les travaux réalisés, après la souscription du second contrat d‘assurance, l’entreprise se tourne vers son premier assureur, le second ayant été déclaré insolvable.
Néanmoins la Cour de cassation a estimé que le premier assureur n’était pas tenu à garantir, une seconde assurance ayant été souscrite avant la connaissance par l’assuré du sinistre.
Aux termes d’un arrêt rendu le 6 juillet 2022, la première chambre civile de la Cour de cassation vient rappeler que seules les clauses contractuelles peuvent faire obstacle à l'indemnisation au titre du contrat d'assurance responsabilité civile.
En l'espèce, une caravane confiée à un garagiste a fait l'objet d'un vol. Le propriétaire ainsi que son assureur, à titre subrogatoire, ont assigné le garagiste en sa qualité de dépositaire, pour la franchise payée et l'indemnité versée au titre du vol. Appelé en garantie, l'assureur du garagiste a refusé d'accorder sa garantie au motif que l'assuré n'avait pas apporté de "bons soins dans la garde de la chose".
La Cour d'appel faisant droit à cette argumentation, les requérants ont formé un pourvoi en cassation.
La Cour de cassation casse et annule l'arrêt de la Cour d'appel au visa des articles L. 113-1 et L. 113-5 du Code des assurances et rappelle en effet que : "les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police".
Aussi, en l'absence de faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré, le comportement fautif de celui-ci ne peut faire l'objet d'une exclusion de garantie que si elle est prévue au contrat.
1 Voir en ce sens la Newsletter novembre 2021 - mars 2022.
2 Pour une présentation complète de la loi n° 2022-270, voir la Newsletter mars 2022 - juillet 2022.
3 Sont définis comme actionnaires qualifiés les actionnaires exerçant une influence significative sur la direction d’une entreprise.