27 juillet 2022
L'équipe Assurance de Gide revient dans cette nouvelle Newsletter sur les grandes actualités législatives, réglementaires et jurisprudentielles de mars 2022 à juin 2022, et vous propose un panorama de l'essentiel de l'actualité juridique du droit des assurances : entrée en vigueur de la réforme du courtage, rapport d'activité 2021 de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ("ACPR"), modification du traitement de la TVA des opérations d'assurance sont à retrouver dans ce nouveau numéro.
Sommaire
La réforme du courtage, introduite par la loi n° 2021-402 du 8 avril 2021[1], est entrée en vigueur au 1er avril 2022. Elle met en place une obligation pour les courtiers d'assurance ainsi que leurs mandataires d'adhérer à l'une des associations professionnelles agréées par l'ACPR (la liste des associations agréées est consultable sur le site internet de l'ACPR).
L'adhésion à une association professionnelle agréée est désormais obligatoire pour tout professionnel souhaitant s'immatriculer à l'ORIAS en qualité de courtier ou mandataire de courtier. Le choix de l'association professionnelle agréée est libre pour les intermédiaires.
A défaut d'adhésion, les demandes d'immatriculation ou de renouvellement d'immatriculation seront refusées par l'ORIAS. Les professionnels déjà immatriculés ont jusqu'au renouvellement de leur immatriculation en janvier 2023 pour procéder à cette adhésion.
Le décret n° 2022-1552 du 1er décembre 2021 avait notamment défini les missions et le fonctionnement des associations professionnelles agréées[2].
La loi n° 2022-270 du 28 février 2022 dit loi "Lemoine" a modifié en profondeur le régime juridique de l'assurance emprunteur sur plusieurs aspects. La réforme est appliquée de manière différée (28 février 2022, 1er juin 2022, 1e septembre 2022).
Elle vient notamment permettre la résiliation à tout moment de l'assurance emprunteur de prêt immobilier avec une obligation d'information annuelle afférente sur cette faculté (alors qu'auparavant, le consommateur pouvait résilier librement pendant les 12 premiers mois puis tous les ans, à date d'anniversaire du contrat d'assurance - Art. 1 loi Lemoine).
Le décret n°2022-388 du 17 mars 2022 a pour objet de compléter le régime juridique modifié par l'ordonnance n° 2017-734 du 4 mai 2017[3] afin d'adapter et de simplifier le fonctionnement des mutuelles et des unions, des institutions de prévoyance et des sociétés de groupe assurantiel de protection sociale.
Parmi les principales évolutions, il convient notamment de relever :
l'introduction d'un nouvel article R. 114-0 du Code de la mutualité lequel précise les mentions obligatoires du bulletin d'adhésion : le bulletin d'adhésion devra désormais préciser le nom et l’adresse de la mutuelle ou de l'union, et le cas échéant ceux du souscripteur, la nature des risques garantis et les options éventuellement proposées, le montant de la cotisation et les modalités de son versement, la date à partir de laquelle le risque est garanti et la durée de cette garantie et le cas échéant, le droit de dénonciation ou de résiliation prévu à l'article L. 221-10-2 du Code de la mutualité ;
l'évolution de la procédure de résiliation liée à un changement de situation du membre participant : la notification de la résiliation devra être effectuée conformément aux dispositions de l'article L. 221-10-3 du Code de la mutualité lorsque la résiliation est à l'initiative du membre participant, ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception lorsqu'elle est à l'initiative de l'assureur. La notification devra indiquer la nature et la date de l'événement affectant la situation du membre participant ;
l'introduction d'un nouvel article R. 115-10 du Code de la mutualité lequel pérennise la faculté de vote électronique ou par correspondance lors des délibérations d'assemblée générale des unions mutualistes de groupe, même en l'absence de disposition statutaire en ce sens. Un décret n° 2021-1400 du 29 octobre 2021 était, pour rappel, venu simplifier les modes de fonctionnement des instances de gouvernance des sociétés d’assurance mutuelles dans le même sens[4]
L'ACPR a publié son rapport d'activité 2021 dans lequel elle attache une attention particulière (i) au risque cyber ainsi qu'à la qualité (ii) des reportings et des (iii) calculs prudentiels.
Le contexte sanitaire et la digitalisation accrue a confirmé la nécessité de se prémunir face au risque cyber. La supervision de l'ACPR s'est articulée autour du maintien des contrôles sur place dédiés aux sujets cyber, des analyses post-mortem des incidents et attaques subis par le secteur de l'assurance, de la coordination des travaux d'alerte sur une vulnérabilité informatique importante et la collecte d'informations issues du marché montrant l'absence d'incident à date, ainsi que des actions de communication et d'explication de la notice ACPR portant sur la gouvernance et la sécurité des technologies de l'information sous la forme de webinaires.
L'ACPR conclut à une maturité très contrastée du marché de l'assurance en matière de sécurité des systèmes d'information. Les leçons tirées de l'adaptation forcée des organismes au télétravail pendant la pandémie n'ont pas été systématiquement exploitées, notamment concernant les plans de continuité d'activité, le développement de dispositifs d'authentification plus robustes, l'optimisation des processus de gestion des habilitations et le déploiement des correctifs de vulnérabilité.
L'ACPR incite les organismes à appliquer la notice sur la gouvernance et la sécurité des technologies de l'information qui constitue un socle minimal.
La qualité des reportings porte sur la pertinence, l'exhaustivité, l'exactitude et la traçabilité de ceux-ci. L'ACPR porte une attention particulière à cette qualité, qui est appréciée à plusieurs niveaux : au moment de la remise des reportings prudentiels, dans le cadre de leur mission de contrôle permanent grâce à des outils d’analyse ad hoc, et enfin dans le cadre des contrôles sur place. La ponctualité insuffisante concernant la remise des documents prudentiels est soulignée par l'ACPR qui a intensifié et durci ses contrôles en la matière.
L'ACPR développe sa démarche de sensibilisation et de communication auprès des organismes d'assurance. Les autorités de régulation financières internationales font également de la qualité des données un point de vigilance dans la conduite de leurs travaux.
L'ACPR vérifie, dans le cadre de ses contrôles, la qualité des données pour chaque demande d'autorisation d'utiliser un modèle interne ou des paramètres spécifiques pour le calcul du ratio de solvabilité. De nombreux progrès restent encore attendus en matière de gouvernance, de cartographie et d'identification de la criticité des données.
L’assureur est responsable de la fiabilité des calculs prudentiels confiés à un tiers ; il ne peut se dispenser d’un contrôle étroit des opérations externalisées, et de la validation de la méthodologie et des hypothèses utilisées. L’ACPR a communiqué ses attentes en matière d’externalisation via un communiqué de presse du 22 juillet 2021.
Les instances dirigeantes doivent être impliquées dans la bonne gouvernance des calculs prudentiels, alors que celles-ci n'ont pas toujours à leur disposition les informations nécessaires pour prendre des décisions éclairées. La fonction actuarielle doit émettre un avis auprès des instances de gouvernance sur la pertinence des calculs.
L'ACPR a publié dans sa revue un article visant à mettre fin aux pratiques en matière de démarchage téléphonique en assurance[5].
Afin de mettre fin aux mauvaises pratiques de démarchage téléphonique, le législateur a instauré un nouveau dispositif de contrôle au travers de l'article L. 112-2-2 du code des assurances, précisé par le décret n° 2022-34 du 17 janvier 2022.
Ce dispositif s'applique à tous les distributeurs, et leur impose de recueillir l'accord explicite du consommateur pour poursuivre la conversation téléphonique. Le distributeur doit également s'assurer que le consommateur a effectivement été destinataire de la documentation précontractuelle et doit laisser un délai de réflexion de 24 heures au prospect avant que ce dernier ne s'engage, afin qu'il soit en mesure de prendre connaissance des documents précontractuels.
Les modalités de recueil du consentement sont également encadrées, la signature de la proposition d’assurance ne pouvant intervenir au cours d’un appel téléphonique et doit nécessairement prendre la forme d’une signature manuscrite ou électronique émanant du client.
En cas d'absence d'intérêt du consommateur, le distributeur est tenu de mettre fin à l'appel sans délai.
Ce nouveau dispositif de contrôle impose aux distributeurs d'enregistrer et de conserver l'ensemble des appels relatifs à une souscription afin permettre à l'ACPR de contrôler le respect de la réglementation s'appliquant au démarchage téléphonique si besoin.
Les professionnels demeurent également tenus de mettre en place leurs propres dispositifs de contrôle. De fait, les distributeurs doivent intégrer dans leurs dispositifs de suivi des ventes, la réécoute ainsi que l'analyse de certains de ces enregistrements d'appels téléphoniques relatifs aux souscriptions.
Le dispositif mis en place permet néanmoins certaines dérogations à son application. Aux termes de l’article L. 112-2-2 du Code des assurances, le présent dispositif n'est pas applicable lorsque le distributeur est lié au souscripteur ou à l'adhérent éventuel par un contrat en cours ou lorsque le souscripteur ou l'adhérent éventuel a sollicité l'appel ou a consenti à être appelé, en engageant de manière claire, libre et sans équivoque une démarche expresse en ce sens.
Pour se prévaloir de cette dernière exception, les professionnels devront en particulier justifier du fait que le consommateur ait eu un consentement libre et éclairé au travers d'une démarche parfaitement explicite en ce sens, qu'il lui a été communiqué les informations permettant d'identifier le distributeur le contactant, en amont de l'appel. Enfin, une fois l'accord donné, il faudra démontrer que le consommateur a été contacté dans un délai maximal de 30 jours.
A la suite de la jurisprudence européenne (CJUE, 17 mars 2016, Aspiro SA) sur le sujet, les conditions à satisfaire pour bénéficier de l'exonération de TVA pour les intermédiaires d'assurance et de réassurance ont été précisées par la doctrine administrative.
L'arrêt de la CJUE prévoyait deux conditions cumulatives à remplir pour les courtiers et intermédiaires d'assurance et réassurance : ils doivent être en relation avec l'assureur et l'assuré, et réaliser une activité recouvrant des aspects essentiels de la fonction d'intermédiaire d'assurance.
Le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 9 octobre 2019 a tiré les conséquences de cette décision en précisant que « Les prestations de services afférentes à des opérations d'assurance effectuées par les courtiers et les intermédiaires d'assurances doivent être liées à la nature même du métier de courtier ou d'intermédiaire d'assurances, lequel consiste en la recherche de clients et la mise en relation de ceux-ci avec l'assureur, en vue de la conclusion de contrats d'assurance et que s'agissant d'un sous-traitant, il importe que celui-ci participe à la conclusion de contrats d'assurance » pour être exonérées de TVA.
La doctrine fiscale précise donc désormais les différentes conditions à satisfaire pour bénéficier de l'exonération. Elle vient également régler le sort de la définition de courtier et d'intermédiaire en assurance et celui des prestations caractéristiques d'un intermédiaire d'assurance. Des précisions visent la définition de prospection en assurance, et des exemples d'activités propres à caractériser cette notion de prospection sont également apportées.
Les entreprises peuvent se prévaloir, jusqu’au 31 décembre 2022, des commentaires administratifs antérieurs afin de tenir compte des délais d’adaptation des systèmes d’information.
Dans un communiqué de presse du 3 mai 2022, l'ACPR annonce avoir relevé des défaillances en matière de commercialisation de contrats d’assurance vie auprès de clients financièrement fragiles ou en difficulté.
L'ACPR souligne notamment le caractère pénalisant des frais d'entrée et de gestion pour les clients contraints de racheter leurs contrats à court terme par manque de liquidités.
Le superviseur français rappelle également que les distributeurs de contrats d’assurance-vie en unités de compte ont l’obligation de (i) prendre en compte la situation financière des souscripteurs et de (ii) vérifier que le contrat proposé est cohérent avec l’ensemble des exigences et besoins des clients.
Le communiqué souligne que le respect de ces dispositions feront l'objet d'un contrôle particulièrement vigilant.
Le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) a publié un avis sur l’harmonisation des délais de résiliation des contrats d’assurance et l’extension du délai de renonciation des contrats affinitaires en date du 29 avril 2022.
Dans cet avis, le CCSF propose notamment:
d'étendre la faculté de résiliation infra-annuelle, c’est-à-dire à tout moment après la première année de souscription, à l'ensemble des contrats d’assurance individuels ou collectifs à adhésion individuelle, couvrant des assurés personnes physiques en dehors de leurs activités professionnelles ;
d'inclure dans l'avis d’échéance annuelle une mention rappelant la faculté de résiliation infra-annuelle ;
d'étendre délai de renonciation pour les contrats affinitaires de 14 jours à 30 jours.
L'ACPR a publié le 9 mai 2022 la recommandation 2022-R-01 par laquelle elle invite l’ensemble des professionnels des secteurs de la banque et de l’assurance à mettre en place une organisation simple et efficace pour apporter aux réclamants une réponse claire et motivée le plus rapidement possible et, en tout état de cause, dans un délai n’excédant pas deux mois, y compris lorsque le traitement des réclamations a été délégué.
L’objectif de cette recommandation est de diminuer les délais de réponse aux clients des professionnels des secteurs de l’assurance et de la banque. Elle vise également à faciliter la saisine par les clients, améliorer l’identification et le suivi des réclamations ainsi que faire corriger les dysfonctionnements détectés.
La recommandation 2022-R-01 sera effective à compter du 31 décembre 2022 et remplacera à cette date la recommandation 2016-R-02 modifiée (cf. communiqué de presse de l'ACPR du 17 mai 2022).
La Commission des sanctions de l’ACPR a rendu le 12 mai 2022 une décision à l’encontre de la société MGEN Vie, aux termes de laquelle elle prononce un blâme et une sanction pécuniaire de 1 million d’euros.
Il était fait grief à MGEN Vie de (i) manquer à ses obligations d’information des adhérents sur les conséquences et modalités de désignation des bénéficiaires, (ii) de manquer à son obligation de détection des décès, (iii) de manquer à ses obligations en matière de recherche et règlement des bénéficiaires, (iv) de procéder à des prélèvements indus sur des capitaux décès, et (v) de manquer à la mise en place de procédure permettant d’identifier et de prévenir les conflits d’intérêt.
A titre liminaire, il convient de relever que MGEN Vie avait fait valoir l’irrégularité de la procédure de contrôle à son encontre, au motif que le contrôle sur place devait être regardé comme nul (i) en raison des atteintes au droit de la défense subies durant cette phase et (ii) du parti-pris défavorable de la mission de contrôle à son égard qui a notamment introduit un biais dans la sélection des échantillons de dossiers et dans l’analyse des dossiers.
Sur ce point, la Commission des sanctions estime que les circonstances rapportées ne peuvent permettre de regarder la présente procédure comme étant irrégulière mais qu’elles devront être prise en compte pour apprécier la portée des manquements reprochés.
Aussi, la Commission des sanctions de l’ACPR écarte le grief fait à MGEN Vie portant sur de prétendus manquements à la mise en place de procédure permettant d’identifier et de prévenir les conflits d’intérêt (grief 5).
Elle retient cependant que MGEN Vie ne mettait pas en œuvre les garanties spécifiques d’information des adhérents sur les modalités et conséquences de désignation des bénéficiaires (grief 1), ni totalement respecté son obligation de détection des décès pour les contrats dont la gestion était déléguée jusqu’en 2017 (grief 2), qu’elle a manqué dans certains cas à son obligation de recherche des bénéficiaires aux fins de règlement de ceux-ci, bien que le périmètre de ce grief a été réduit (grief 3), et qu’enfin elle procédait à des prélèvements indus (grief 4).
Cour de cassation, 3ème civ, 11 mai 2022, n° 20-17.293
Par un arrêt du 11 mai 2022, la troisième chambre civile de la Cour de cassation est venue apporter des précisions quant à la rédaction d'une attestation d'assurance et ses conséquences, dans le cas où celle-ci pourrait induire le tiers en erreur.
Dans cette affaire les juges de la Haute Cour ont cassé l'arrêt rendu par la cour d'appel, au visa de l'article 1240 du Code civil, estimant que la mauvaise rédaction de l’attestation d’assurance, qui est de nature à induire les tiers en erreur sur la couverture d'assurance de leur cocontractant, engage la responsabilité délictuelle de l’assureur à l’égard des tiers lésés.
Cour de cassation, 3ème civ, 25 mai 2022, n° 21-18.518
En l'espèce, un propriétaire avait souscrit à un contrat d'assurance dommages-ouvrage portant sur la construction d'une maison individuelle. Après la réception de l'ouvrage le 8 février 2004, l'assuré déclare à son assureur un sinistre le 10 janvier 2012, lequel lui oppose un refus de garantie le 12 mars 2012.
L'assuré assigne l'assureur en référé expertise puis au fond après dépôt du rapport de l'expert. La cour d'appel de Paris condamne l'assureur à indemniser l'assuré au titre des travaux de reprise et des frais de maitrise d'œuvre, rejetant l'exception de subrogation invoquée par l'assureur, à raison de son inaction lors de la notification, puisqu'il disposait encore de la possibilité d'invoquer la subrogation à ce moment. L'assureur se pourvoit alors en cassation.
La Cour de cassation casse l'arrêt rendu en appel, aux motifs que l'assureur qui refuserait sa garantie ne peut agir contre les responsables à titre subrogatoire ou les appeler en garantie avant d'avoir été lui-même poursuivi, de sorte que l'assureur n'était pas privé de ses recours par son inaction mais par le fait de l'assuré, auquel il appartenait d'assigner l'assureur dans un délai lui permettant d'appeler les responsables en garantie ou, à défaut, d'assigner lui-même ces responsables pour préserver les recours de l'assureur. De fait, le délai d'assignation repose sur l'assuré, devant permettre à l'assureur de pouvoir agir contre les responsables à titre subrogatoire.