22 octobre 2020
L'écosystème des crypto-actifs continue de se structurer et se développer, sous l'effet notamment de la réglementation dont les acteurs qui le composent font l'objet, et des réformes susceptibles de la faire évoluer. A cet égard, la loi PACTE a introduit un régime inédit pour ce marché, pour partie obligatoire et pour partie optionnelle, dans le double objectif d'en encadrer les risques mais aussi d'en soutenir la croissance. Le projet de loi de finance pour 2021 complète ce dispositif en proposant d'introduire des nouvelles contributions pour les "acteurs cryptos" nouvellement régulés. Au-delà de la reconnaissance d’acteurs désormais placés sous la supervision du régulateur, il est intéressant d’anticiper l'impact que pourraient avoir les contributions auxquelles il seraient soumis, sur la structuration du marché en France et l'atteinte des objectifs de la loi PACTE.
Depuis 2008, le marché des crypto-actifs, ou actifs numériques enregistrés sur une blockchain, s'est significativement développé et s'est largement structuré. Sont ainsi apparues les offres au public de jetons (ou initial coin offerings pour "ICO"), pensées comme un nouveau mode de financement de projet aux cotés des méthodes de financement plus traditionnelles (financements bancaire ou financiers). En lien direct avec l'intérêt croissant que ce nouveau marché a suscité au fil des années, différents intermédiaires ont aussi développé une gamme croissante de services, allant du conseil, à la conservation de crypto-actifs pour compte de tiers, en passant par la gestion de plateforme d'échanges.
La France a souhaité très tôt se positionner pour soutenir le développement de cet écosystème sur son territoire et devenir une juridiction de référence pour ce marché. Pour atteindre cet objectif, elle a notamment veillé à apporter du confort juridique aux acteurs souhaitant proposer de nouvelles activités en la matière. Avec la loi PACTE[1], le droit français s'est doté d'un régime inédit destiné à répondre à de nombreuses interrogations que les crypto-actifs pouvaient soulever.
Pour rappel, ce régime introduit par la loi PACTE prévoit :
En octobre 2020, soit moins d'un an après l'entrée en vigueur de ce régime inédit, on dénombrait quatre ICO pour lesquelles un visa avait été octroyé par l'AMF et cinq PSAN enregistrés après de cette même autorité[5]. Aucun agrément de PSAN n'a été accordé à ce jour.
Si la loi PACTE a introduit un cadre nouveau et global pour ce marché, elle n'aborde pas le sujet des contributions que devraient ces acteurs nouvellement régulés à l'autorité qui les supervise. Le projet de loi de finances pour l'année 2021[6] (le "PLF 2021") pourrait venir combler ce vide.
Dans un contexte où ce marché continue de se structurer notamment via la réglementation, on peut anticiper l'impact qu'aura l'introduction de nouvelles implications financières pour des acteurs nouvellement assujettis comme les PSAN ou les émetteurs d'ICO (que ce soit de façon obligatoire ou volontaire).
Pour mieux apprécier cet impact, il convient de rappeler le régime de contributions proposé dans le PLF 2021 (1.) avant d'en anticiper la possible portée (2.).
A l'instar du régime introduit dans la loi PACTE, le PLF 2021 prévoit un régime de contributions dues à l'AMF selon le statut réglementaire de l'acteur crypto assujettis.
Une contribution serait tout d'abord prévue pour les émetteurs d’ICO. Son montant serait fixé à 5.000 euros par décret. Cette contribution, dont le fait générateur serait le visa, serait due pour chaque opération.
Une contribution à la charge des PSAN serait également créée par le PLF 2021, en distinguant deux situations :
Concernant les PSAN, notons que la contribution propre aux PSAN enregistrés serait exigible une seule fois, au moment de l’enregistrement. En revanche, s’agissant des PSAN agréés, la contribution serait annuelle, exigible une première fois lors de l’agrément puis à nouveau les années suivantes. Cette différence trouverait sa justification dans l’intervention de l’AMF, plus poussée dans le cadre de l’agrément que dans le cadre de l’enregistrement. Dans l’hypothèse où un PSAN solliciterait à la fois un agrément et un enregistrement, il serait uniquement redevable de la contribution relative à l’agrément.
Le fait de s’acquitter auprès de l’AMF d’une contribution au titre d’un autre statut réglementé n’exonèrerait pas un PSAN de cette nouvelle contribution : le PLF 2021 considère en effet que la fourniture de services sur actifs numériques est une activité distincte des statuts existants.
Comme le précise l'exposé des motifs du PLF 2021, l'introduction de contributions pour les émetteurs d'ICO ayant obtenu un visa et les PSAN enregistrés ou agréés relève, selon le projet de texte, de l'équité avec les autres acteurs supervisés par l'AMF.
En effet, dans l'univers financier traditionnel, les acteurs exerçant des activités réglementées et relevant de la compétence de l'AMF sont également soumis au paiement de contributions au profit de cette autorité.
Il n'est donc pas étonnant que les émetteurs d'ICO et les PSAN soumis à la supervision et au contrôle de l'AMF soient également soumis au paiement d'une telle contribution.
Celle-ci représente cependant une charge nouvelle pour les acteurs. Cette charge s'impose à eux dans le cas des PSAN enregistrés. Pour les émetteurs d'ICO ou les PSAN devant faire le choix entre un visa ou un agrément optionnel, il s'agit d'un élément supplémentaire que ceux-ci peuvent prendre en compte pour décider d'opter pour ce label.
Compte tenu de l'objectif d'attractivité de la réforme introduite par la loi PACTE, la question mérite également d’être posée au regard des pratiques dans d’autres juridictions.
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[1] Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.
[2] Ces services incluent la conservation d'actifs numériques pour compte de tiers et la conversion d'actifs numériques en monnaie légale.
[3] Cette obligation d'enregistrement implique essentiellement une appréciation de l'honorabilité et des compétences de l'équipe dirigeante, ainsi qu'une vérification des procédures de lutte anti-blanchiment et contre le financement du terrorisme.
[4] L'obtention de cet agrément élargit principalement les possibilités de commercialisation des services et les modes de publicités possibles.
[5] Données issues du site internet de l'AMF en date du 15 octobre 2020.
[6] Projet de loi de finances nº 3360 pour 2021.
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