18 mai 2020
Présentation de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, de l'ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l'épidémie de Covid-19 et de l'ordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020 fixant les délais applicables à diverses procédures pendant la période d'urgence sanitaire
Cette publication a été mise à jour le 18 mai 2020.
Conformément à l’habilitation donnée par le Parlement dans la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, le Gouvernement a adopté l'ordonnance n° 2020-306 le 25 mars 2020, modifiée par l'ordonnance n°2020-427 du 15 avril 2020 puis par l'ordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020 fixant les délais applicables à diverses procédures pendant la période d'urgence sanitaire (l'"Ordonnance Délais"), laquelle prévoit des dispositions générales en matière de délais, des dispositions spécifiques aux délais en matière administrative, ainsi que des dispositions spécifiques en matière fiscale. Par ailleurs, cette ordonnance comprend, depuis sa modification par l'ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020, un Titre II bis portant dispositions particulières aux enquêtes publiques et aux délais applicables en matière d'urbanisme et d'aménagement. Dans ces matières, les incidences de l'Ordonnance Délais modifiée sont spécifiquement traitées dans le Q&A Urbanisme (voir ici).
Ainsi, une ordonnance est intervenue pour tenir compte de la prolongation de l'état d'urgence sanitaire en même temps que de l'allègement du confinement. En effet, dans la mesure où l'activité économique est appelée à reprendre progressivement, les juridictions, les autorités administratives, les opérateurs économiques et les particuliers pourront plus aisément respecter les formalités et règles procédurales de droit commun. Il n'était donc pas opportun que la durée des adaptations procédurales justifiées par le confinement soit corrélée à l'état d'urgence sanitaire, qui devrait durer jusqu'au 10 juillet 2020 inclus (article 1er de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions) et dont la prolongation pourrait être requise ultérieurement. L'ordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020 fixant les délais applicables à diverses procédures pendant la période d'urgence sanitaire répond à cette préoccupation.
Sous réserve de certaines exceptions, les dispositions analysées ci-après sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus (ci-après, la « Période juridiquement protégée » ou la « Période »). La date d'échéance de cette Période a été définie par référence à la première date d'échéance de l'état d'urgence sanitaire et correspond à celle que Gide avait anticipée (voir ici le débat). La Période juridiquement protégée n'est donc plus corrélée à la durée de l'état d'urgence sanitaire.
Sera réputé avoir été fait à temps, dès lors qu'il aura été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de la Période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois :
Cette disposition très large devrait être applicable dans le plus grand nombre de situations (en ce compris, les introductions d'actions, les voies de recours, les déclarations de créances, les diverses formalités et publicités au greffe, etc.).
Il est précisé que (i) les délais de réflexion, de rétractation ou de renonciation prévus par la loi ou le règlement et (ii) les délais prévus pour le remboursement de sommes d'argent en cas d'exercice de ces droits ne sont pas concernés par cette disposition.
Les mesures suivantes dont le terme vient à échéance au cours de la Période sont prorogées de plein droit jusqu’à l’expiration d’un délai de trois mois (initialement deux) suivant la fin de la Période, à moins qu’elles n’aient été levées ou modifiées par le juge ou l’autorité compétente avant l’expiration de ce délai :
Ces dispositions ne font pas obstacle à l'exercice, par le juge ou l'autorité compétente,de ses compétences pour modifier ces mesures ou y mettre fin, ou, lorsque les intérêts dont il a la charge le justifient, pour prescrire leur application ou en ordonner de nouvelles en fixant un délai qu'il détermine. Dans tous les cas, le juge ou l'autorité compétente tient compte, dans la détermination des prescriptions ou des délais à respecter, des contraintes liées à l'état d'urgence sanitaire.
Le Gouvernement justifie la prorogation de ce délai par l'ordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020 fixant les délais applicables à diverses procédures pendant la période d'urgence sanitaire afin d'éviter à ces mesures d'échoir en août et de permettre aux intéressés d'accomplir les formalités nécessaires dans le courant du mois de septembre.
Dès lors qu'elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, (i) les astreintes, (ii) les clauses pénales, (iii) les clauses résolutoires ainsi que (iv) les clauses de déchéance sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la Période.
Les astreintes et les clauses précitées ne produisent leurs effets qu'à compter de l'expiration d'une durée - calculée après la fin de la Période - égale au temps écoulé entre (i) le 12 mars 2020 (ou si elle est plus tardive, la date à laquelle l'obligation est née) et (ii) la date à laquelle l'obligation aurait dû être exécutée. Par exemple, pour une clause pénale qui aurait pu produire ses effets le 16 mars 2020,la clause ne prendra effet - si l'obligation n'est toujours pas exécutée - que le 5e jour à compter de la fin de la Période - soit le 28 juin 2020).
Par ailleurs, la prise d'effet des astreintes et des clauses précitées ayant pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation autre que de sommes d'argent dans un délai déterminé expirant postérieurement à la Période, est reportée d'une durée égale au temps écoulé entre (i) le 12 mars 2020 (ou si elle est plus tardive, la date à laquelle l'obligation est née) et (ii) la fin de la Période. En d'autres termes, une clause pénale venant sanctionner l'inexécution de travaux à compter du 30 juin 2020 ne pourra prendre effet qu'à compter d'une durée égale à la Période à compter du 30 juin 2020, afin de permettre notamment d'éviter de mettre en difficulté des débiteurs en raison des restrictions imposées par le confinement.
Etant précisé que le cours des astreintes et des clauses pénales qui ont pris effet avant le 12 mars 2020 est suspendu pendant la Période.
Durant la Période juridiquement protégée, les délais à l'issue desquels une décision, un accord ou un avis de l'administration peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement sont suspendus (sous réserve des obligations découlant du droit international ou européen et sauf exceptions qui seront fixées par décret).
Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la Période est reporté jusqu'à l'achèvement de celle-ci.
Ces suspensions s'appliquent (i) aux délais impartis à l'administration pour vérifier le caractère complet d'un dossier ou pour solliciter des pièces complémentaires dans le cadre de l'instruction d'une demande ainsi que (ii) au délai de rétractation fixé au titre de la procédure de rupture conventionnelle dans la fonction publique.
Sous réserve des dispositions de l'Ordonnance Délais relatives aux enquêtes publiques, les délais prévus pour la consultation ou la participation du public sont suspendus jusqu'au 30 mai 2020 inclus.
Les délais imposés par l’administration à toute personne pour réaliser des contrôles et des travaux ou pour se conformer à des prescriptions de toute nature sont également suspendus durant la Période définie par l’Ordonnance Délais (soit entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020), sauf lorsqu’ils résultent d’une décision de justice.
Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la Période est reporté jusqu’à l’achèvement de celle-ci.
Ces dispositions ne font pas obstacle à l'exercice, par l'autorité administrative, de ses compétences pour modifier ces obligations ou y mettre fin, ou, lorsque les intérêts dont elle a la charge le justifient, pour prescrire leur application ou en ordonner de nouvelles, dans le délai qu'elle détermine.
Dans tous les cas, l'autorité administrative doit tenir compte, dans la détermination des obligations ou des délais à respecter, des contraintes liées à l'état d'urgence sanitaire.
Par dérogation, un décret détermine les catégories d’actes, de procédures et d’obligations pour lesquels, pour des motifs de protection des intérêts fondamentaux de la Nation, de sécurité, de protection de la santé, de la salubrité publique, de sauvegarde de l'emploi et de l'activité, de sécurisation des relations de travail et de la négociation collective, de préservation de l’environnement et de protection de l’enfance et de la jeunesse, le cours des délais reprend.
Pour les mêmes motifs, un décret peut, pour un acte, une procédure ou une obligation, fixer une date de reprise du délai, à condition d’en informer les personnes concernées.
Recours contentieux
Les dispositions de l’article 2 de l’Ordonnance Délais ont été expressément rendues applicables devant les juridictions de l'ordre administratif par l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Il en résulte une prolongation des délais de tout recours devant les juridictions administratives dont l’échéance intervient entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020.
Prenons l’exemple d’un acte administratif régulièrement notifié ou publié le 15 janvier 2020. En application du délai de recours contentieux de droit commun, soit deux mois, la date ultime de dépôt d’un recours formé directement devant le juge administratif aurait dû être le 16 mars 2020. Par l’effet des ordonnances, le délai de recours sera allongé. La Période juridiquement protégée s'achevant le 23 juin 2020, les recours contentieux devront donc être introduits au plus tard le lundi 24 août inclus.
En revanche, si un acte administratif a été valablement notifié ou publié le 24 avril 2020, le délai de recours à son encontre devrait expirer le 25 juin 2020 et ne pas être prorogé. En effet, l’échéance du délai de recours de droit commun de deux mois, qui est un délai franc, interviendrait postérieurement au 23 juin 2020.
Cette législation d’exception permettra donc de contester jusqu’en août 2020 des actes administratifs rendus publics fin janvier 2020, alors que le délai de recours contre des actes publiés en mai 2020 ou fin avril aura déjà expiré.
Cet effet a, dans le secteur de l'immobilier, paru excessif. Il mettait en péril des projets immobiliers, l'engagement des travaux étant conditionné non seulement par la délivrance des autorisations requises mais encore, le plus souvent, par leur caractère définitif. L'ordonnance n°2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l'épidémie de covid-19 a donc prévu des dérogations en matière d'urbanisme et d'aménagement. En résumé, les délais de recours à l'encontre des permis de construire, d'aménager ou de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration préalable qui n'ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont seulement suspendus à compter de cette date. Ils reprendront leur cours dès le 24 mai 2020, pour la durée restant à courir au 12 mars 2020, sans que cette durée puisse être inférieure à 7 jours (voir ici pour une analyse détaillée du dispositif en matière d'urbanisme).
Recours administratifs
Le même principe de report des échéances est applicable à tout recours, même non contentieux, prescrit par les textes à peine d’irrecevabilité et qui aurait dû être accompli entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020.
Les recours administratifs non obligatoires, bien qu’ils ne soient pas prescrits par les textes, semblent également bénéficier de ce report, en vertu du principe selon lequel toute décision administrative peut faire l’objet, dans le délai imparti pour l’introduction d’un recours contentieux, d’un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai.
Le Gouvernement a estimé qu'il était nécessaire de prolonger jusqu'au 23 août 2020 la suspension de certains délais en matière fiscale pour permettre aux entreprises de se concentrer sur la reprise de leurs activités permise par l'allègement des restrictions de circulation, voire par leur réouverture lorsqu'une fermeture administrative leur a été appliquée. En effet, une reprise immédiate et indifférenciée de tous les contrôles fiscaux non achevés le 12 mars 2020 pour lesquels des délais impératifs sont susceptibles d'arriver à échéance rapidement après le 23 juin 2020 aurait pu poser des difficultés pratiques à certaines d'entre elles, notamment les bars et restaurants.
Les délais qui suivent sont (i) suspendus à compter du 12 mars 2020 et jusqu’au 23 août inclus et (ii) ne courent qu’à compter de la fin de cette Période pour ceux qui ont commencé à courir pendant la Période :
Ces dispositions ne concernent pas les dispositions relatives aux rescrits : la suspension des procédures de rescrits s'arrêtera ainsi le 23 juin 2020 à minuit. Le nouveau texte de l’ordonnance précise ainsi que : « sont suspendus à compter du 12 mars 2020 et jusqu’au 23 juin 2020 inclus et ne courent qu’à compter de cette dernière date, s’agissant de ceux qui auraient commencé à courir pendant cette même période, les délais prévus aux articles L. 18, L. 64 B, L. 80 B, L. 80 C et L. 80 CB du livre des procédures fiscales et ceux prévus à l’article 345 bis du code des douanes ».
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