18 mai 2020
Alerte Client | France | Droit des Sociétés
La loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions a été adoptée le 9 mai 2020 par la commission mixte paritaire et a été validée par le conseil constitutionnel le 11 mai (voir ici), avec les réserves et censures indiquées ci-après.
Cette loi a d'abord pour objet de proroger l'état d'urgence sanitaire et de le faire évoluer afin de répondre aux enjeux du déconfinement. Elle envisage également de nouveaux outils informatiques pour lutter contre la propagation du Covid-19.
Prorogation de l'état d'urgence sanitaire : La loi du 11 mai proroge l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 10 juillet 2020 inclus. Il peut toutefois être mis fin de manière anticipée audit état d'urgence par décret en conseil des ministres après avis du comité de scientifiques.
Aménagements en matière de responsabilité pénale des décideurs : La loi prévoit l'insertion d'un nouvel article L. 3136-2 relatif aux conditions d'engagement de la responsabilité pénale en cas de catastrophe sanitaire dans le code de la santé publique qui dispose que pour l'application de l’article 121-3 du code pénal relatif aux conditions de mise en jeu de la responsabilité pénale non intentionnelle il convient de tenir compte "des compétences, du pouvoir et des moyens dont disposait l’auteur des faits dans la situation de crise ayant justifié l’état d’urgence sanitaire, ainsi que de la nature de ses missions ou de ses fonctions, notamment en tant qu’autorité locale ou employeur".
Retour progressif au droit commun de la détention provisoire : L’article 16 de l’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020, prise en application de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 prévoyait la prolongation des délais de détention provisoire ou d’assignation à résidence avec surveillance électronique. La loi du 11 mai fixe désormais le principe d'un retour progressif au droit commun de la détention provisoire dès la date de reprise de l’activité des juridictions : à compter du 11 mai 2020, la détention provisoire ne pourra plus être prolongée sans décision de la juridiction compétente prise après débat contradictoire. La loi du 11 mai fixe également les modalités nécessaires à ce retour progressif au droit commun.
Déplacements, transports, ouverture des établissements recevant du public et des lieux de regroupement de personnes : La loi du 11 mai précise et complète les dispositions de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique relatif aux mesures pouvant être prises par le Premier ministre lors de l’état d’urgence sanitaire. Le Premier ministre pourra désormais également réglementer par décret les déplacements, l’accès et l’usage des transports et l’ouverture des établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion et non plus seulement les limiter ou les interdire. Elle clarifie et complète également l'alinéa 7° de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique relatif à la faculté du Premier ministre d'ordonner la réquisition de toute personne et de tous biens et services nécessaires à la lutte contre la catastrophe sanitaire.
Mesures de mise en quarantaine et mesures de placement et de maintien en isolement : L’article 5 de la loi prévoit l'insertion à l'article L. 3131-15 du code de la santé publique d'un alinéa II, qui précisera les régimes des mesures de quarantaine et des mesures de placement et de maintien en isolement. Ces mesures ne pourront concerner que les personnes ayant séjourné dans une des zones de circulation du Covid-19, dont la liste sera rendue publique, arrivant depuis l'étranger en France ou circulant entre la métropole et les territoires d'outre-mer ainsi que la Corse. Le cadre général applicable à ces mesures (durée, lieux, suivi sanitaire, restrictions de sortie) sera défini par décret en Conseil d'Etat, après avis du comité de scientifiques, "en fonction de la nature et des modes de propagation" du virus.
Les mesures individuelles seront prononcées par le préfet, sur proposition du directeur général de l'agence régionale de santé et la décision du préfet devra faire mention des voies et délais de recours, ainsi que des modalités de saisine du juge des libertés et de la détention. En effet ces mesures individuelles pourront faire l'objet d'un recours par les personnes qui en font l'objet devant le juge des libertés et de la détention qui aura 72 heures pour statuer. Le placement et le maintien en isolement ne pourront être décidés qu’au vu d’un certificat médical. Ces mesures auront une durée initiale de 14 jours et cette durée ne pourra être renouvelée que sous certaines conditions sans toutefois dépasser la durée totale d'un mois.
Le Conseil constitutionnel a validé ce régime mais avec une réserve d’interprétation (pas de prolongation des mesures de mise en quarantaine ou de placement en isolement imposant à l’intéressé de demeurer à son domicile ou dans son lieu d’hébergement pendant une plage horaire de plus de douze heures par jour sans l’autorisation du juge judiciaire.)
La loi interdit que les personnes et enfants victimes des violences soient mis en quarantaine, placés et maintenus en isolement dans le même logement ou lieu d’hébergement que l’auteur des violences, même alléguées. Elle prévoit également une information régulière des personnes faisant l’objet de mesures de quarantaine, de placement ou de maintien en isolement. L'article 6 de la loi du 11 mai modifie également certaines dispositions du code du travail afin de les adapter aux périodes de mise en quarantaine.
Le Conseil constitutionnel a censuré la disposition de loi qui avait pour effet, à compter de son entrée en vigueur, de laisser subsister, au plus tard jusqu'au 1er juin 2020, le régime juridique actuellement en vigueur des mesures de mise en quarantaine et de placement et maintien à l'isolement en cas d'état d'urgence sanitaire. L'article 13 de la loi dispose désormais que celle-ci entrera en vigueur immédiatement.
Extension des catégories de personnes habilitées à constater la violation des dispositions prises sur le fondement de l’état d’urgence sanitaire : La loi du 11 mai élargit la liste des personnes habilitées à constater par procès-verbal les violations aux dispositions prises sur le fondement de l’état d’urgence sanitaire. Ce sera notamment le cas des agents assermentés des services de transport, comme ceux de la SNCF et de la RATP lorsque la contravention a lieu dans des transports publics ou encore des agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes pour les seules contraventions consistant en la violation des mesures prises en matière de contrôle des prix ou de limitation à la liberté d'entreprendre.
Expulsions locatives et suspension des coupures d'accès de la fourniture d'électricité ou de gaz : La loi du 11 mai repousse au 10 juillet 2020 inclus la fin de la trêve hivernale pour les expulsions locatives ainsi que l'interdiction des coupures d’accès, pour non-paiement des factures, de "la fourniture d’électricité, de chaleur ou de gaz".
L'article 11 de la loi autorise expressément, sous certaines conditions, que le partage de données traitées dans le cadre des systèmes d'information déployés en appui à la lutte contre la propagation de l'épidémie de Covid-19 déroge au secret médical et à la nécessité de recueillir le consentement des intéressés mais uniquement pour une durée de six mois au plus, à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire.
Par ailleurs les dispositions de cet article fixent un cadre juridique général pour ces systèmes d'information. Ces dispositions identifient les catégories de responsables de traitement pour les dispositifs envisagés ; autorisent la collecte de « données de santé et d'identification » et énumèrent les finalités poursuivies ; énumèrent les catégories de personnes pouvant avoir accès à ces informations et renvoient les modalités de mise en œuvre du dispositif à un décret en Conseil d'État après un avis public de la CNIL. Le Conseil constitutionnel a censuré la disposition qui prévoyait qu'un avis conforme de la CNIL était nécessaire. Notons que les données récoltées ne le seront pas aux fins de l’application numérique StopCovid, qui ne devrait pas être disponible avant le 2 juin 2020.
Ces dispositions prévoient que les données à caractère personnel collectées par ces systèmes d’information ne peuvent être conservées à l’issue d’une durée de trois mois après leur collecte. Elles limitent strictement la nature des données de santé pouvant figurer dans les fichiers envisagés et la liste des catégories de personnes pouvant avoir accès aux informations qu'ils contiennent. Enfin elles instaurent un « comité de liaison sociétale » chargé notamment de s'assurer de la nécessité effective des traitements de données personnelles et du respect concret des garanties prévues par la loi.
La loi prévoit également les modalités de rémunération des professionnels qui effectueront le travail de collecte ; l'anonymisation des informations collectées lorsque celles-ci sont utilisées pour la surveillance épidémiologique aux niveaux national et local, ou pour la recherche sur le virus et les moyens de lutter contre sa propagation ; l'interdiction de communication des données d’identification des personnes infectées, sauf accord exprès de celles-ci, à des personnes ayant été en contact avec elles et enfin les modalités d’exercice du contrôle parlementaire renforcé sur le traitement de ces données à caractère personnel (information sans délai du Parlement s’agissant des mesures mises en œuvre pour l’application de ces dispositions ; remise par le Gouvernement d’un rapport trimestriel sur l’application de ces mesures). Ces rapports sont complétés par un avis public de la CNIL.
Le Conseil constitutionnel a également censuré la disposition de l'article 11 de la loi qui incluait dans le champ des personnes susceptibles d'avoir accès à ces données à caractère personnel sans le consentement de l'intéressé, les organismes qui assurent l'accompagnement social des intéressés.
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