18 mai 2020
Alerte Client | France | Opérations & Financements Immobiliers
Le secteur de la construction, touché par l'épidémie de Covid-19, concentre à lui seul 13,84 % de l'ensemble des demandes d'activité partielle d'après les dernières estimations de la Dares (Ministère du Travail) en date du 14 avril 2020.
Afin de soutenir et encadrer la poursuite des chantiers pendant la période d'état d'urgence sanitaire, le Gouvernement et les organisations professionnelles des entreprises du bâtiment et des travaux publics se sont engagés à encourager la mise en place de mesures pratiques, matérialisées par la publication par l'OPPBTP, le 2 avril 2020, d'un "Guide de préconisations de sécurité sanitaire pour la continuité des activités de la construction en période d'épidémie de Covid-19".
Ce guide prévoit une check-list de préconisations sanitaires (port obligatoire de masques individuels et de lunettes lorsqu'il n'est pas possible de respecter le principe de distanciation entre les personnes, constitution d'un CISSCT pour les chantiers dépassant notamment un volume de 10 000 hommes/ jour, etc.) et exige une formalisation des conditions sanitaires avant toute reprise.
Depuis lors, un nouvel ensemble de préconisations d'ordre général - et donc d'application subsidiaire - a été établi et diffusé par le Ministère du Travail, le 5 mai 2020, via un "Protocole national de déconfinement pour les entreprises pour assurer la santé et la sécurité des salariés".
Ce protocole recommande entre autres la mise en place de mesures de protection collectives, lesquelles comprennent notamment le séquencement des activités et la mise en place d'horaires décalés afin de limiter la concentration des personnels sur site. Il prévoit également l'application d'une "jauge" de 4 m2 d'espace laissé à chaque salarié dans les bureaux (et par capillarité installations de chantier). Enfin, il indique utilement les modalités de prises en charge des salariés présentant des symptômes s'apparentant à ceux du Covid-19 (isolement dans une pièce dédiée, mobilisation du référent Covid-19, alerte de la médecine du travail ou du SAMU selon la gravité des symptômes constatés etc.)
On peut toutefois s'interroger tant sur la portée de ce guide - qui transfère sur le maître d'ouvrage des obligations qui sont légalement celles de professionnels de la construction - qui pourrait être utilisé par certaines entreprises profitant du contexte pour se soustraire à certaines de leurs obligations, que sur la portée de ce protocole dont nombre de dispositions sont plutôt inadaptées à l'exécution de marchés de travaux. Pour autant le caractère juridiquement contraignant du guide et a fortiori du protocole ne sont pas arrêtées.
Poursuivant ce même but, le Gouvernement a également pris différentes mesures permettant de restreindre le jeu des pénalités contractuelles applicables aux marchés de travaux, ceci par l'article 4 de l'ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020, lequel a modifié l'article 4 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 comme l'a utilement précisé après une période de flottement l'article 1 de l'ordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020. Dorénavant, si un contrat de travaux antérieur au 12 mars 2020 prévoit la livraison d'un ouvrage à une date qui échoit après le 23 juin 2020, la clause pénale sanctionnant l'éventuelle inexécution de cette obligation ne prendra effet qu'à une date reportée d'une durée égale à la durée de la période juridiquement protégée (soit entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus).
L'on pourrait penser que la décision de prendre de telles mesures s'explique par le fait qu'aucun empêchement total et objectif ne semble pouvoir être argué par un entrepreneur pour justifier d'un arrêt de chantier ou d'un retard.
En effet, il paraît peu probable que l'épidémie de Covid-19 soit en tant que telle considérée comme un cas de force majeure (article 1218 du Code civil) empêchant la poursuite des chantiers. En effet, les tribunaux français ont, jusqu'à présent, adopté une approche restrictive de la force majeure, en considérant que diverses épidémies n'étaient pas constitutive de tels cas.
On peut pareillement douter que la théorie de l'imprévision (article 1195 du Code civil) - laquelle permet à un contractant de demander la renégociation de son contrat si un changement de circonstance, imprévisible au stade de sa conclusion, a rendu son exécution plus onéreuse - puisse trouver à s'appliquer aux marchés de travaux à forfait (article 1793 du Code civil) - lesquels supposent la fixation d'un prix "invariable" (C.Cass. 3eme chambre civ. 23 novembre 1994, n° 93-11278) et "irrévocable" (C.Cass 3eme civ 23 mai 1978, RDI 1979 obs. Malinvaud et Boubli) convenu à l'avance - qui semblent exclure par principe son application. L'on peut d'ailleurs noter qu'un premier arrêt a pu être récemment rendu en ce sens (Cour d'Appel de Douai, 23 janvier 2020, n° 19/01718).
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