15 mai 2020
Alerte Client | France | Droit Public
Cette publication a été mise à jour le 15 mai 2020.
Commentaire de l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif et de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période.
Conformément à l’habilitation donnée par le Parlement, l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif a été publiée le 26 mars 2020. Celle-ci a été complétée et modifiée par l’ordonnance n° 2020-405 du 8 avril 2020 portant diverses adaptations des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, entrant en vigueur le 10 avril 2020 puis par l'ordonnance n°2020-42§7 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délaispour faire face à l'épidémie de covid-19.
Ainsi, une ordonnance est intervenue pour tenir compte de la prolongation de l'état d'urgence sanitaire en même temps que de 'allègement du confinement. En effet, dans la mesure où l'activité économique est appelée à reprendre progressivement, les juridictions, les autorités administratives, les opérateurs économiques et les particuliers pourront plus aisément respecter les formalités et règles procédurales de droit commun. Il n'était donc pas opportun que la durée des adaptations procédurales justifiées par le confinement soit corrélée à 'état d'urgence sanitaire, qui devrait durer jusqu'au 10 juillet 2020 inclus (article 1er de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions) et donc la prolongation pourrait être requise ultérieurement. L'objet de l'ordonnance n° 2020-558 du 13 mai 2020 modifiant l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif répond à cette préoccupation.
Ces ordonnances ont pour effet de déroger aux règles procédurales applicables devant les juridictions administratives en raison de la crise sanitaire. Plusieurs adaptations procédurales ont des incidences sensibles pour les justiciables.
En premier lieu, il est notable que les délais de jugement sont allongés.
D’une part, lorsque les délais impartis au juge pour statuer courent ou ont couru en tout ou partie entre le 12 mars 2020 et le 23 mai 2020 inclus, leur point de départ est reporté au 1er juillet 2020 (sauf exceptions en contentieux des étrangers et des élections municipales).
D’autre part, les mesures de clôture d'instruction dont le terme vient à échéance entre le 12 mars 2020 et le 23 mai 2020 inclus sont prorogées de plein droit jusqu'au 23 juin 2020 inclus, à moins que ce terme ne soit reporté par le juge. Les parties pourront donc compléter leurs argumentaires au moins jusqu'au 23 juin 2020.
Toutefois, lorsque l'urgence ou l'état de l'affaire le justifie, le juge peut fixer la clôture d'instruction à une date antérieure. Cette solution est bienvenue afin d'éviter des reports inopportuns ou trop lointains, alors que l'affaire est en état d'être plaidée ou doit être jugée rapidement. Le juge devra alors mentionner expressément que la règle de report résultant de l'ordonnance commentée n'est pas applicable.
S'agissant des mesures d'instruction (par exemple pour produire une pièce ou régulariser une requête) dont le terme vient à échéance entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020, celles-ci sont prorogées de plein droit jusqu'au 24 août inclus. Toutefois, lorsque l'urgence ou l'état de l'affaire le justifie, le juge peut fixer un délai plus bref. Il précise alors que celui-ci ne s'applique pas à la date ainsi fixée. La rédaction des dispositions correspondantes a été considérablement améliorée par l'ordonnance n°2020-558 du 13 mai 2020, ainsi que nous l'avions souhaité.
En deuxième lieu, jusqu'à la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire, les audiences pourront être tenues hors la présence du public, en présence d’un public en nombre limité, et également par visioconférence. En cas d’impossibilité technique ou matérielle de recourir à ce procédé, la formation de jugement pourra décider d’entendre les parties et leurs avocats par tout moyen de communication électronique, y compris par téléphone. Il sera possible à certains membres de la formation de jugement de participer à l'audience depuis un lieu distinct de la salle d'audience. Il pourra aussi être statué sans audience, par ordonnance motivée, sur les requêtes présentées en référé. Le juge des référés informe les parties de l'absence d'audience et fixe la date à partir de laquelle l'instruction sera close.
Enfin, et en troisième lieu, l’incidence majeure de l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif est la prolongation des délais de recours. L’ordonnance précitée rend, en effet, applicables aux procédures devant les juridictions de l’ordre administratif les dispositions de l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période, notamment telle que modifiée par l'ordonnance n°2020-560 du 13 mai 2020 fixant les délais applicables à diverses procédures pendant la période d'urgence sanitaire, qui a décorrélé ces délais de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire.
Il en résulte une prolongation des délais de recours dont l’échéance intervient entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020. La prorogation sera décomptée à partir de cette dernière date et aura une durée égale à la durée légalement impartie pour agir, sans pouvoir excéder deux mois.
Prenons l’exemple d’un acte administratif régulièrement notifié ou publié le 15 janvier 2020. En application du délai de recours contentieux de droit commun, soit deux mois, la date ultime de dépôt d’un recours formé directement devant le juge administratif aurait dû être le 16 mars 2020. Par l’effet des ordonnances, les recours contentieux devant les juridictions administratives pourront être introduits au plus tard le lundi 24 août inclus.
En revanche, si un acte administratif a été valablement notifié ou publié le 24 avril 2020, le délai de recours à son encontre devrait expirer le 25 juin 2020 et ne pas être prorogé. En effet, l’échéance du délai de recours de droit commun de deux mois, qui est un délai franc, interviendrait postérieurement au 23 juin 2020.
Le même principe de report des échéances est applicable à tout recours, même non juridictionnel, prescrit par les textes à peine d’irrecevabilité et qui aurait dû être accompli entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020. Par conséquent, lorsque la saisine du juge administratif doit être précédée d’un recours administratif, ce recours sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter du 24 juin 2020, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.
Les recours administratifs non obligatoires, bien qu’ils ne soient pas prescrits par les textes, semblent également pouvoir bénéficier de ce report de délai en vertu du principe, codifié à l’article L. 411-2 du code des relations entre le public et l’administration, selon lequel toute décision administrative peut faire l’objet, dans le délai imparti pour l’introduction d’un recours contentieux, d’un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai.
Cette législation d'exception aura donc pour effet paradoxal de permettre de contester jusqu'en août 2020,directement devant le juge administratif, des actes administratifs rendus publics fin janvier 2020 alors que le délai de recours contre des actes publiés en mai 2020 ou fin avril aura déjà expiré.
Cet effet a, dans le secteur de l'immobilier, paru excessif. Il mettait en péril des projets immobiliers, l'engagement des travaux étant conditionné non seulement par la délivrance des autorisations requises mais encore, le plus souvent, par leur caractère définitif. L'ordonnance n°2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l'épidémie de covid-19 a donc prévu des dérogations en matière d'urbanisme et d'aménagement. En résumé, les délais de recours à l'encontre des permis de construire, d'aménager ou de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration préalable qui n'ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont seulement suspendus à compter de cette date. Ils reprendront leur cours dès le 24 mai 2020, pour la durée restant à courir au 12 mars 2020,sans que cette durée puisse être inférieure à 7 jours.
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