L'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) a 30 ans.
Signé le 17 octobre 1993 à Port-Louis (Île Maurice) et révisé à Québec (Canada) le 17 octobre 2008, le Traité qui l'a instituée a profondément changé la face des échanges entre ce qu'il convient d'appeler "la zone OHADA" et le reste du monde. Cette ambitieuse organisation doit beaucoup à la vision de quelques hommes de bonne volonté, et tout particulièrement de Paul BAYZELON qui en a eu l'intuition géniale et su convaincre de la nécessité de porter ce projet sur les fonts baptismaux.
Or, désormais trentenaire et dotée d'un nouveau secrétaire permanent en la personne du Professeur Mayatta Ndiaye MBAYE, l'OHADA est incontestablement dans la force de l'âge.
Cette force se mesure à une triple aune.
Géographique d'abord. Aujourd'hui, 17 États comptant plus de 275 millions d'habitants sont ainsi membres de l'OHADA : le Bénin, le Burkina-Faso, le Cameroun, la Centrafrique, la Côte d'Ivoire, le Congo, les Comores, le Gabon, la Guinée, la Guinée-Bissau, la Guinée-Equatoriale, le Mali, le Niger, la République Démocratique du Congo, le Sénégal, le Tchad et le Togo. D'autres semblent songer à une éventuelle adhésion (Madagascar).
Normative ensuite. Exceptionnel, le bilan de l'OHADA est pratiquement celui d'une codification des règles matérielles du droit africain des affaires dans toute la zone. Car contrairement à ce que suggère le vocable d'harmonisation, c'est la voie plus ambitieuse d'une unification véritable par "l'élaboration et l'adoption de règles communes simples, modernes et adaptées à la situation de leurs économies" (art. 1er du Traité de Port-Louis). Des pans entiers du droit des affaires ont ainsi fait l'objet d'Actes uniformes pris par le Conseil des Ministres de l'OHADA, directement applicables dans tous les Etats parties et primant les dispositions nationales. Citons les par ordre d'adoption initiale en mentionnant leur date de révision : sûretés (1997, révisé en 2010), sociétés commerciales et GIE (1997, révisé en 2014), droit commercial général (1997, révisé en 2010), recouvrement et voies d'exécution (1998, révisé en octobre 2023), procédures collectives (1998, révisé en 2015), arbitrage (1999, révisé en 2017), comptabilité des sociétés (2000, révisé en 2017), transport routier (2003), sociétés coopératives (2010), médiation (2017), comptabilité des entités non lucratives (2022). Composée de 13 juges, la Cour commune de justice et d'arbitrage d'Abidjan (CCJA) d'Abidjan a constitué un facteur puissant d'unification du droit OHADA. Cette richesse du droit matériel a directement renforcé le rayonnement académique de la zone : on ne compte plus les travaux, publications, monographies et thèses de qualité en la matière.
Economique enfin. Père de l’OHADA, Kéba M’Baye avait coutume de dire que : « l'OHADA a une origine africaine et sa raison d'être est économique, tout simplement » ; le Préambule du Traité ne disait pas autre chose, ses signataires étant à juste titre "persuadés que la réalisation de ces objectifs suppose la mise en place dans leurs Etats d’un Droit des Affaires harmonisé, simple, moderne et adapté, afin de faciliter l’activité des entreprises ; conscients qu’il est essentiel que ce droit soit appliqué avec diligence, dans les conditions propres à garantir la sécurité juridique des activités économiques, afin de favoriser l’essor de celles-ci et d’encourager l’investissement". Le droit OHADA a largement rempli sa fonction d'accompagnement et de sécurisation des investissements. On peut formuler l'hypothèse qu'il aura fait gagner de précieux points de croissance aux économies des Etats parties.
Ce trentenaire permet de mesurer les atouts de la codification du droit des affaires : celle-ci dessine un droit tout à la fois efficient, sûr, accessible et peu coûteux. N'est-il pas temps que l'Union européenne prenne exemple sur l'expérience OHADA pour puiser dans les ressources de la codification que 24 Etats de l'UE sur 27 ont en commun ? Le projet de Code européen des affaires porté par l'Association Henri Capitant se propose, sur ce modèle, de parfaire la construction du droit des affaires dans l'UE.