Analyses & décryptages

Nouveau droit des sûretés et des procédures collectives

En vertu de l’habilitation donnée par l’article 198 de la loi PACTE du 22 mai 2019[1], le Gouvernement a adopté, le 15 septembre 2021, après de longs mois de travail, l’ordonnance n° 2021-1193[2] qui transpose la directive (UE) 2019/1023 du 20 juin 2019 relative aux cadres de restructuration préventive (ci-après, la « Directive ») et modifiant le livre VI du Code de commerce (ci-après l’ « Ordonnance »).

L’Ordonnance est complétée par un décret n°2021-1218 du 23 septembre 2021, qui est venu préciser les conditions d’application de plusieurs dispositions de l’Ordonnance (ci-après le « Décret »).

L’Ordonnance, qui modifie plusieurs dispositions du livre VI, ne vient pas pour autant réformer en profondeur les grands principes des procédures collectives françaises qui demeurent, dans leurs grandes lignes, intactes.

En effet, la Directive, dans son objectif d’uniformisation du droit européen de l’insolvabilité, a largement été inspirée par le droit français des procédures collectives notamment sur les aspects de prévention des difficultés. Un certain nombre d’outils proposés par la Directive existaient donc déjà en droit français.

Toutefois, l’Ordonnance introduit des changements qui, s’ils sont limités dans leur champ, sont substantiels dans un certain nombre de domaines, en particulier l’adoption des plans de remboursement des créanciers, avec notamment la suppression des « comités de créanciers » au profit des nouvelles « classes de parties affectées par la procédure », la possibilité d’imposer un projet de plan initialement rejeté ou encore la pérennisation de mesures expérimentées dans le cadre de l’ordonnance n° 2020-596 prise pour faire face aux conséquences de l’épidémie de Covid-19.

1. Entrée en vigueur des dispositions de l’Ordonnance

Les dispositions de l’Ordonnance entrent en vigueur au 1er octobre 2021 (ci-après « Entrée en Vigueur ») et sont applicables uniquement aux procédures ouvertes à compter de cette date. Ainsi, l’Ordonnance n’est pas applicable aux procédures en cours à la date d’Entrée en Vigueur.

A noter que :

  • l’article 27 de l’Ordonnance relatif aux sommes dues aux producteurs agricoles par leurs acheteurs entrera en vigueur au 1er janvier 2022 ;
  • en cas de modification du plan de sauvegarde ou du plan de redressement arrêté dans une procédure ouverte avant le 22 mai 2020, le privilège accordé aux créanciers ayant apporté de l’argent frais dans le cadre d’un plan (voir point 5.3 ci-après) n’affecte pas les droits des créanciers titulaires de créances postérieures privilégiées impayées, certaines des sommes avancées par les AGS et les droits des créanciers titulaires de créances qui ne sont pas des créances antérieures (9° à 11° de l’article L.643-8 du Code de commerce) ;
  • la date d’Entrée en Vigueur met un terme à l’application de certaines seulement des dispositions de l’ordonnance du 20 mai 2020, prolongées par l’article 124 de la loi du 7 décembre 2020, de sorte qu’un régime transitoire s’applique jusqu’au 31 décembre 2021, date de fin des effets de l’ordonnance du 20 mai 2020.

L’abrogation concerne en particulier (i) l’article 3 relatif aux conséquences de l’échec d’une procédure de sauvegarde accélérée ou financière accélérée, (ii) l’article 5 point IV relatif au privilège accordé aux créanciers ayant apporté de l’argent frais dans le cadre d’un plan (voir point 5.3 ci-après) et (iii) l’article 6 supprimant les conditions de seuil pour accéder à la procédure de liquidation judiciaire simplifiée et de rétablissement professionnel.

2. Modifications des dispositions relatives à la prévention des difficultés des entreprises

2.1 Renforcement de la procédure d’alerte

L’Ordonnance permet d’accélérer la procédure d’alerte et de faciliter la prise en compte des « signaux faibles ».

Ainsi :

  • le Président du Tribunal compétent peut, dès l’envoi de la convocation au dirigeant à un rendez-vous de prévention (cette faculté n’était ouverte que postérieurement à l’entretien ou à défaut de présentation du dirigeant à l’entretien), solliciter la communication de tous documents de nature à l’éclairer sur la situation économique et financière du débiteur (article L. 611-2 du Code de commerce) ;
  • les commissaires aux comptes, dès la première information faite au dirigeant, peuvent (i) aviser le Président du Tribunal compétent de l’insuffisance ou du manque de mesures prises par le dirigeant et (ii) demander à être entendu avec les dirigeants par le Président du Tribunal compétent à tout moment (nouvel article L. 611-2-2 du Code de commerce, venant pérenniser l’article 1 de l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020, la mention relative au fait que le commissaire au compte serait délié de son secret professionnel à l’égard du Président du Tribunal n’est pas reprise).

2.2 Renforcement de l’attractivité de la procédure de conciliation

2.2.1 L’Ordonnance inscrit dans la durée l’une des dispositions phare des conciliations « Covid », à savoir l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020, qui prévoit un gel ciblé des poursuites au cours de la procédure de conciliation et vient préciser la durée maximale de suspension de l’exigibilité selon le caractère échu ou non des créances visées.

Lorsqu’au cours de la procédure de conciliation, un créancier appelé à la conciliation (i) met en demeure le débiteur, (ii) poursuit le débiteur ou (iii) n’accepte pas, dans le délai imparti par le conciliateur, la demande faite par ce dernier de suspendre l’exigibilité de sa créance pendant la durée de la procédure de conciliation, le débiteur peut demander au Président du Tribunal ayant ouvert la procédure de :

  • faire application de l’article 1343-5 du code civil (délais de grâce) et ainsi reporter ou échelonner le paiement des sommes dues dans la limite de deux années ;
  • reporter ou échelonner le règlement des créances non échues dans la limite de la durée de la procédure de conciliation (article L. 611-7 du Code de commerce).

2.2.2 La caducité ou la résolution d’un accord de conciliation ne vient pas priver d’effets les clauses dont l’objet est d’en organiser les conséquences (article L. 611-10-4 du Code de commerce).

Ainsi et dans un contexte jurisprudentiel où la Cour de cassation a pu considérer à deux reprises que les sûretés octroyées dans le cadre de l’accord de conciliation devenaient caduques par l’effet de l’ouverture d’une procédure collective subséquente, l’Ordonnance permettra aux parties de prévoir que les sûretés prises dans le cadre dudit accord survivront à sa caducité ou à sa résolution.

3. Modifications des dispositions relatives aux procédures collectives

3.1 Ajustements relatifs à la procédure de sauvegarde

L’objectif de l’Ordonnance est de raccourcir les délais d’adoption de plan de sauvegarde et ainsi d’inciter les dirigeants à se placer sous la protection du Tribunal le plus tôt possible.

3.1.1 La durée maximale de la période d’observation est réduite à une durée maximale de 12 mois (contre 18 mois au maximum auparavant) avec une durée initiale de 6 mois et un renouvellement possible de 6 mois par décision spécialement motivée, à la demande de l’administrateur, du débiteur ou du ministère public (article L. 621-3 du Code de commerce).

3.1.2 Dans ces circonstances, le passif traité dans le plan pourra être déterminé sur la base d’une attestation de l’expert-comptable ou du commissaire aux comptes, sans attendre le terme de la procédure de vérification des créances (article L. 626-10 du Code de commerce).

3.2 Refonte des dispositions relatives à la procédure de sauvegarde accélérée

L’ordonnance simplifie le régime de la sauvegarde accélérée en fusionnant le régime de la sauvegarde accélérée et celui de la sauvegarde financière accélérée (en supprimant donc celle-ci), pour en faire une procédure beaucoup plus ouverte et flexible qu’auparavant.

3.2.1 Conditions d’ouverture

La philosophie de la sauvegarde accélérée est conservée à savoir, une ouverture à l’initiative du débiteur qui fait l’objet d’une procédure de conciliation et qui justifie : 

  • de l’élaboration d’un projet de plan de nature à assurer la pérennité de l’entreprise ; et
  • du fait que ledit plan est susceptible de recueillir un large assentiment des parties affectées par l’ouverture de la procédure de sauvegarde, permettant son adoption rapide.

A défaut d’arrêté du plan dans ce délai, le Tribunal met fin à la procédure (sans conversion en sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire).

3.2.2 Une procédure plus agile

En revanche, la procédure est désormais plus ouverte et plus souple :

  • les conditions de seuils sont définitivement supprimées (reprise des dispositions de l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020) et seule demeure l’exigence de comptes certifiés par un commissaire aux comptes ou établis par un expert-comptable (article L. 628-1 du Code de commerce) ;
  • le plan de sauvegarde peut être adopté dans un délai plus long de 2 mois maximum prorogeable une fois, soit un délai maximum de 4 mois (contre un délai maximum fixe de 3 mois en sauvegarde accélérée auparavant et d’1 mois renouvelable 1 fois en sauvegarde financière accélérée) (article L. 628-1 du Code de commerce)
  • si la constitution de classes de parties affectées (cf. 4.1 ci-dessous) est obligatoire en toute hypothèse (peu importe le chiffre d’affaires et le nombre de salariés) (article L.628-4 du Code de commerce), les effets de la procédure de sauvegarde accélérée sont limités aux parties affectées par le projet de plan (le cas échéant, aux détenteurs de capital) (article L. 628-6 du Code de commerce).
  • enfin, c’est le débiteur qui sera en charge d’établir la liste des créances de chaque partie affectée ayant participé à la conciliation. La liste devra préciser (i) les éventuels privilèges ou sûretés grevant les créances ainsi que (ii) l’existence d’accords de subordination le cas échéant (article L. 628-7 du Code de commerce).

3.3 Procédure de redressement judiciaire

La durée de la période d’observation reste inchangée (18 mois maximum). Néanmoins, l’ultime renouvellement de la période d’observation ne pourra l’être que sur requête du ministère public et par une décision spécialement motivée du Tribunal (article L. 631-7 du Code de commerce).

A l’instar de ce qui a été prévu pour le plan de sauvegarde, les propositions d’apurement du passif contenues dans un plan de redressement judiciaire pourraient se baser sur une attestation de l’expert-comptable ou du commissaire aux comptes, sans attendre le terme de la procédure de vérification des créances (article L. 631-19 du Code de commerce).

3.4 Procédure de liquidation judiciaire

Les rangs des créanciers sont désormais clairement définis au sein d’un unique article prévoyant un ordre de paiement entre 15 rangs distinctifs, outre les droits de préférence éventuellement applicables (article L. 643-8 du Code de commerce).

4. Instauration de classes de parties affectées pour le vote des plans de sauvegarde et de redressement

L’une des principales innovations de l’Ordonnance est la suppression des « comités de créanciers » au bénéfice des « classes de parties affectées ».

Les modalités de la consultation individuelle des créanciers restent applicables dès lors que les classes de parties affectées ne sont pas constituées (seuils non atteints et absence de demande en ce sens formulée par le débiteur ou l’administrateur judiciaire).

4.1 Champ d’application et composition des classes de parties affectées

4.1.1 Les classes pourront être mises en place dans toutes les procédures ouvertes à compter du 1er octobre 2021, (y compris si une procédure de conciliation préalable a été ouverte avant la date d’Entrée en Vigueur de l’Ordonnance[3]).

4.1.2 La notion de « parties affectées » s’entend (i) des créanciers dont les droits sont directement affectés par le projet de plan et (ii) les détenteurs de capital si leur participation au capital du débiteur, les statuts ou leurs droits sont modifiés par le projet de plan.

Les créanciers titulaires d’une créance résultant d’un contrat de travail, des droits à pension acquis au titre d’un régime de retraite professionnelle et des créances alimentaires ne sont pas considérés comme des parties affectées et ne peuvent être affectés à une classe (article L. 626-30 du Code de commerce).

4.1.3 La constitution des classes s’imposera lorsque le débiteur atteint les seuils suivants (article R. 626-52 du Code de commerce) :

  • 250 salariés et 20 millions d’euros de chiffre d’affaires net ; ou
  • 40 millions d’euros de chiffre d’affaires net.

Comme pour les comités de créanciers, ces seuils sont observés au niveau des sociétés qui détiennent ou contrôlent une autre société, au sens des articles L. 233-1 et L. 233-3 du Code de commerce et sont appréciés à la date de la demande d’ouverture de la procédure.

4.1.4 Il convient de noter que, en deçà des seuils prévus, la constitution de classes peut également être demandée au juge-commissaire (i) par le débiteur en sauvegarde et (ii) par le débiteur ou l’administrateur judiciaire en redressement judiciaire (articles L. 626-29 et L. 631-1 du Code de commerce).

4.1.5 La composition des classes devra être effectuée par l’administrateur judiciaire (i) conformément aux créances et droits nés antérieurement à la date du jugement d’ouverture de la procédure, (ii) sur la base de critères objectifs vérifiables, (iii) en classes représentatives d’une communauté d’intérêt économique suffisante et (iv) devant toutefois respecter les répartitions suivantes :

  • les créanciers titulaires de sûretés réelles portant sur les biens du débiteur, pour leurs créances garanties et les autres créanciers (chirographaires) sont répartis en classes distinctes ;
  • la répartition en classes devra respecter les accords de subordination conclus entre créanciers préalablement à l’ouverture de la procédure ;
  • les détenteurs de capital forment une ou plusieurs classes distinctes des autres classes.

La répartition au sein des classes et le calcul des voix correspondant aux créances ou aux droits affectés (le montant des créances pris en compte est celui indiqué par le débiteur et certifié par le commissaire aux comptes ou, à défaut, établi par son expert-comptable – étant précisé que seule les créances non affectées en fiducie sont prises en compte dans la calcul des droits de vote) sont réalisés par l’administrateur judiciaire.

Ces modalités sont notifiées par l’administrateur judicaire aux parties affectées au moins 21 jours avant le vote et au mandataire judiciaire.

Le juge commissaire sera compétent en cas de contestation et pourra être saisi par chaque partie affectée, le débiteur, le ministère public, le mandataire judiciaire ou l’administrateur dans les 10 jours de la notification susmentionnée (article R. 626-58-1 du Code de commerce).

Ce nouveau régime de constitution de classe laisse présager des évolutions dans la pratique des procédures, à savoir :

  • la quasi exigence pour le débiteur et l’administrateur judiciaire d’être accompagnés par un conseil financier lui permettant d’apprécier au mieux la composition des différentes classes et les majorités de vote, certains choix pouvant se révéler cruciaux dans la suite de la procédure ;
  • la nécessité d’anticiper (à la manière de ce qui est fait en sauvegarde accélérée) dès la procédure amiable les accords de majorité avec les créanciers qui permettront au débiteur d’obtenir un vote favorable de son plan lors du vote des classes.

4.2 Elaboration et vote du projet de plan

Les propositions en vue d’élaborer le plan sont présentées aux classes de parties affectées par le débiteur, avec le concours de l’administrateur judiciaire (article L. 626-30-2 du Code de commerce).

4.2.1 Les détenteurs de capital du débiteur n’atteignant pas les seuils de compétence des tribunaux de commerce spécialisés, qui sont affectés par le projet de plan, peuvent apporter une contribution non monétaire à la restructuration, notamment en mettant à profit leur expérience, leur réputation ou leurs contacts professionnels (article L. 626-30-2, al. 1 du Code de commerce).

4.2.2 Le projet de plan peut prévoir des délais de paiement, des remises et lorsque le débiteur est une société par actions dont tous les actionnaires ne supportent les pertes qu’à concurrence de leurs apports, des conversions de créances en titres donnant ou pouvant donner accès au capital (article L. 626-30-2, al. 2 du Code de commerce).

4.2.3 Les classes sont convoquées dans les conditions définies par l’administrateur, seul compétent pour décider des modalités de convocation des classes (article R. 626-60 du Code de commerce), sous réserve que chaque partie affectée soit informée du projet de plan au plus tard 10 jours avant le vote des classes.

Les différentes modalités de convocation des classes (en ce compris les obligataires et les détenteurs de capital) sont fixées par le Décret (cf. notamment les articles R.626-61 et R. 626-62 du Code de commerce).

Les classes se prononcent ensuite dans un délai de 20 à 30 jours, suivant la transmission du projet de plan. Ce délai, à l’initiative du débiteur ou de l’administrateur judiciaire, adressé au juge-commissaire, peut être augmenté ou réduit sans toutefois être inférieur à 15 jours (article L. 626-30-2, al. 4 du Code de commerce).

Au sein d’une classe, le vote peut être remplacé par un accord ayant recueilli, après consultation de ses membres, l’approbation des deux tiers des voix détenues par ceux-ci (article L. 626-30-2, al. 7 du Code de commerce).

4.2.4 Les règles de majorité sont les suivantes :

  • pour la ou les classes de détenteurs du capital et les titulaires de valeurs mobilières donnant accès au capital : conditions de majorité applicables en droit commun, selon le cas, aux AGE, assemblées spéciales ou aux assemblées générales des masses (les dispositions des articles L. 626-3 al. 1 et 2 du Code de commerce, en cas de modification statutaire ou du capital ou de reconstitution des capitaux propres, et L. 626-18, al.2 du Code de commerce, en cas de conversion de dette en capital, sont inapplicables) ;
  • pour les autres classes : majorité des deux tiers des voix détenues par les membres ayant exprimé un vote (article L. 626-30-2 al. 5 du Code de commerce).

4.3 Décision du Tribunal et possibilité d’une application forcée interclasse du projet de plan

4.3.1 Dans l’hypothèse où le projet de plan a été adopté par chacune des classes selon les règles de majorité rappelées ci-dessus, le Tribunal est tenu de vérifier la réunion des conditions suivantes avant de statuer sur l’arrêté du plan (article L. 626-31 du Code de commerce) :

(a) le plan doit avoir été adopté conformément à l’article L. 626-30 du Code de commerce (cf. 4.2 notamment) ;

(b) les parties affectées, qui partagent une « communauté d’intérêt suffisante » au sein de la même classe, doivent bénéficier d’une égalité de traitement et doivent être traitées de manière proportionnelle à leur créance ou à leur droit ;

(c) la notification du plan doit avoir été régulièrement effectuée à toutes les parties affectées (cf. 4.2 notamment) ;

(d) lorsque des parties affectées ont voté contre le projet de plan au sein de leur classe, aucune de ces parties affectées ne doit se trouver, du fait de l’adoption d’un plan contre lequel elles ont voté, dans une situation moins favorable du fait de l’adoption du plan, que la situation dans laquelle elles se seraient trouvées s’il était fait application :

  • soit du rang inter-créanciers en liquidation judiciaire ou dans la répartition du prix en cas de plan de cession,
  • soit d’une meilleure solution alternative au plan proposé par le débiteur.

(e) le cas échéant, que tout nouveau financement est nécessaire pour mettre en œuvre le plan et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts des parties affectées.

Enfin, le Tribunal a la faculté de refuser d’arrêter le plan lorsque celui-ci n’offre pas une perspective raisonnable d’éviter la cessation des paiements du débiteur ou de garantir la viabilité de l’entreprise ou que les intérêts de toutes les parties affectées ne sont pas suffisamment protégés.

4.3.2 Dans l’hypothèse où le projet de plan a été rejeté par certaines classes, le débiteur ou l’administrateur judiciaire (avec l’accord du débiteur en procédure de sauvegarde) ou d’une partie affectée (uniquement en redressement judiciaire), peuvent demander au Tribunal d’arrêter le plan et de l’imposer aux classes dissidentes.

Il s’agit de la fameuse « application forcée interclasse » (ou « cross class cram down »).

4.3.2.1 Le plan peut alors être arrêté par le Tribunal sous réserve de remplir les conditions suivantes (article L. 626-32 du Code de commerce) :

(a) le plan respecte les conditions posées par les deuxième à septième alinéas de l’article L. 626-31 (respect des dispositions énoncées au point 4.3.1 ci-avant) ;

(b) le plan a été adopté par une majorité de classes affectées autorisées à voter à condition qu’au moins une de ces classes soit :

  • une classe de créanciers titulaires de sûretés réelles ou ayant un rang supérieur aux créanciers chirographaires ou, à défaut ;
  • une des classes de parties affectées autorisées à voter autre que (i) les détenteurs de capital ou autre que (ii) toute autre classe dont on peut raisonnablement supposer, après détermination de la valeur du débiteur en tant qu’entreprise en activité, qu’elle n’aurait droit à aucun paiement, selon le rang des créanciers, en liquidation judiciaire ou en plan de cession (l’idée est de s’assurer que le plan ne place pas les créanciers, selon leur rang, dans une moins bonne situation que la liquidation judiciaire ou le plan de cession – « best interest of creditors test ») ;

(c) les créanciers dissidents doivent pouvoir être intégralement désintéressés par des moyens identiques ou équivalent lorsqu’une classe de rang inférieur a droit à un paiement ou conserve un intéressement dans le cadre du plan (l’idée étant que les rangs des créanciers soient respectés, en particuliers vis-à-vis des créanciers dissident – « règle de priorité absolue ») ;

Enfin, lorsque la classe dissidente est une classe de détenteur de capital, le Tribunal doit s’assurer que :

(d) le débiteur dépasse le seuil de (i) 250 salariés et 20 millions d’euros de chiffre d’affaires net ou (ii) 40 millions d’euros de chiffres d’affaires net ;

(e) en tout état de cause, la classe dissidente de détenteurs du capital n’aurait pas été mieux traitée en cas de liquidation judiciaire ou plan de cession ;

(f) en cas d’augmentation de capital, les actions émises doivent être proposées par préférence aux actionnaires proportionnellement à leur participation au capital ;

(g) le plan ne prévoit pas de cession de tout ou partie des actions de ceux qui ont voté contre ce dernier.

Afin de faciliter l’arrêté des plans (et notamment la levée des conditions suspensives à l’entrée en vigueur du plan), la décision du Tribunal vaut approbation des modifications de la participation au capital ou des droits des détenteurs de capital ou des statuts prévus par le plan.

Etant précisé que le Tribunal pourra désigner un mandataire de justice chargé de passer les actes nécessaires à la réalisation de ces modifications capitalistiques et ou statutaires.

4.3.2.2 Le Tribunal peut, à la demande du débiteur ou de l’administrateur judiciaire avec l’accord du débiteur, déroger à la règle de priorité absolue décrite ci-dessus dès lors que :

(a) cette dérogation est nécessaire afin d’atteindre les objectifs du plan et si le plan ne porte pas une atteinte excessive aux droits ou intérêts de parties affectées ;

(b) les (i) créances des fournisseurs de biens ou de services du débiteur, (ii) détenteurs de capital et (iii) les créances nées de la responsabilité délictuelle du débiteur, peuvent bénéficier d’un traitement particulier ;

(c) aucune classe de parties affectées ne reçoit, dans le cadre du plan, davantage que le montant total de ses créances et intérêts.

4.4 Recours contre la décision du Tribunal arrêtant le plan voté par les classe de parties

Les voies de recours restent régies par les articles L. 661-1 et suivants du Code de commerce.

Cependant, les plans adoptés par le Tribunal, conformément aux articles L. 626-31 et L. 626-32 du Code de commerce (article L. 626-33, II et R. 626-64 du Code de commerce), peuvent également faire l’objet des voies de recours suivantes :

  • recours par (i) le débiteur, (ii) l’administrateur, (iii) le mandataire judiciaire ou (iv) le ministère public, devant la cour d’appel dans un délai de 10 jours à compter de la notification (ou de sa communication pour le ministère public) dudit jugement ;
  • les créanciers dissidents peuvent saisir le Tribunal par requête dans les 10 jours du vote des classes, dès lors qu’ils estiment que la règle du meilleur intérêt des créanciers n’a pas été respectée (attention, il ne s’agit pas ici d’ouvrir un droit d’appel aux créanciers dissidents à l’encontre du jugement arrêtant le plan mais seulement d’ouvrir un recours sur le vote du plan, recours déjà existant pour les comités de créanciers).

5. Modifications tenant aux créanciers et garants

5.1 Nouvelles dispositions tenant aux créanciers titulaires de sûretés et aux garants

Le 15 septembre 2021 a également été promulguée l’ordonnance n° 2021-1192 portant réforme du droit des sûretés[4], aussi l’Ordonnance comporte plusieurs modifications des dispositions du livre VI du Code de commerce relatives aux créanciers titulaires de sûretés et aux garants.

5.1.1 En procédure de conciliation

Dans le cadre d’une procédure de conciliation, les garants (personne physique ou personne morale) du débiteur bénéficient des délais de grâce octroyés par le juge au débiteur (article L.611-10-2 du Code de commerce).

5.1.2 En procédure collective (procédure de sauvegarde ; sauvegarde accélérée ; redressement judiciaire ; liquidation judiciaire ; procédure de traitement de sortie de crise[5])

Au cours de la période d’observation et afin de faciliter le financement de l’entreprise faisant l’objet d’une procédure collective, le juge-commissaire peut désormais autoriser (i) la constitution de toute sûreté réelle conventionnelle (abandon de la liste limitative anciennement prévue par l’article L. 622-7 du Code de commerce) venant garantir une créance postérieure à l’ouverture de la procédure et (ii) autoriser le paiement du transporteur en cas d’action directe de ce dernier au titre de l’article L. 132-8 du Code de commerce.

Le jugement d’ouverture d’une procédure collective entraîne désormais :

  • une interdiction générale (erga omnes, y compris les tiers non créanciers) de toute procédure d’exécution sur les meubles et sur les immeubles du débiteur ainsi que toute procédure de distribution n’ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d’ouverture (interdiction anciennement limitée aux seuls créanciers), ainsi le bénéficiaire d’une sûreté qui n’est pas créancier du débiteur est également concerné par cette interdiction (article L. 622-21 du Code de commerce);
  • en procédure de redressement judiciaire (déjà prévu en procédure de sauvegarde avant l’Ordonnance) le bénéfice pour les personnes physiques coobligés ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie de bénéficier de l’arrêt du cours des intérêts légaux et conventionnels (suppression du dernier alinéa de l’article L.631-14 du Code de commerce) ;
  • une interdiction de plein droit et quelle qu’en soit la modalité, d’accroître l’assiette d’une sûreté réelle conventionnelle ou d’un droit de rétention conventionnel (par exemple, les comptes-titres nantis ne pourront pas voir leur assiette accrue à compter du jugement d’ouverture) (article L. 622-21 du Code de commerce).

Cette interdiction vise également le transfert de biens ou de droits qui ne seraient pas nés dans le patrimoine du débiteur à la date du jour du jugement d’ouverture (cela concerne par exemple la cession de créance future), bien que certaines exceptions très limitées existent, notamment si l’accroissement de l’assiette de la sûreté résulte d’une cession « Dailly » intervenue dans le cadre de l’exécution d’un contrat cadre conclu antérieurement (article L. 622-21 du Code de commerce).

5.1.3 Exécution du plan de sauvegarde et de redressement

L’Ordonnance a supprimé l’article L. 631-20 du Code de commerce de telle sorte que, désormais, à l’exception des personnes morales, les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent se prévaloir des dispositions du plan de sauvegarde et des dispositions du plan de redressement.

5.2 Modifications relatives aux obligations déclaratives (créanciers et titulaires de sûretés)

5.2.1 Les créanciers titulaires de sûretés étaient jusqu’à présent uniquement tenus de déclarer la nature de leur sûretés, avec l’Ordonnance, ils doivent également préciser l’assiette des sûretés dont ils bénéficient.

Innovation de l’Ordonnance, compte tenu de l’opposabilité désormais erga omnes de l’interdiction de toute procédure d’exécution sur les meubles ou immeubles du débiteur postérieure à l’ouverture d’une procédure collective (voir point 5.1.2), les bénéficiaires d’une sûreté réelle conventionnelle portant sur les biens du débiteur en garantie de la dette d’un tiers (dette tierce) sont tenus de déclarer leur sûreté entre les mains du mandataire judiciaire alors même qu’ils ne sont pas nécessairement titulaires d’une créance directe à l’encontre du débiteur (article L. 622-25 du Code de commerce).

Les créances et les sûretés non déclarées régulièrement seront inopposables à la fois (i) au débiteur et (ii) aux garants personnes physiques, pendant l’exécution du plan et après cette exécution lorsque les engagements du plan auront été tenus (anciennement les garants personnes physiques ne bénéficiaient de cette inopposabilité seulement pour la durée de l’exécution du plan) (article L. 622-26 du Code de commerce).

5.2.2 Les garants, personnes coobligés, ayant consenti une sûreté personnelle ou cédé un bien en garantie peuvent, avant même d’avoir payé la dette garantie et afin de préserver leur recours personnel, déclarer leur créance à la procédure du débiteur (article L. 622-34 du Code de commerce).

Enfin, ces mêmes garants et coobligés, lorsqu’ils sont poursuivis, ne peuvent se voir opposer l’état des créances lorsque la décision d’admission de leur créance ne leur a pas été notifiée (article L. 624-3-1 du Code de commerce).

5.3 Création d’un privilège de « post-money »

Ce nouveau privilège prolonge les mesures de l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 en ancrant, dans le droit positif, un privilège de « post money » applicable aux procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire.

Il s’agit d’un dispositif semblable au privilège de « new money », en matière de procédure de conciliation, prévu par l’article L. 611-11 du Code de commerce, ayant pour objet de faciliter le financement des entreprises en difficultés en augmentant les chances pour ces dernières de trouver des sources d’apport en trésorerie.

Le privilège de post-money est applicable aux apports de trésorerie réalisés (articles L. 626-10 et L. 626-26 du Code de commerce) :

(a) dans le cadre de la période d’observation (sauvegarde et redressement judiciaire) afin de financer la poursuite d’activité durant cette période ;

(b) pour l’exécution du plan de sauvegarde ou de redressement, sous réserve que ces apports soient mentionnés distinctement dans le plan ;

(c) pour les apports effectués dans le cadre d’une modification substantielle du plan, pour l’exécution du plan modifié.

Le privilège de post money bénéficie d’un rang particulièrement attractif, à savoir (i) en 3ème rang en procédure de sauvegarde et de redressement judiciaire (article L. 622-17, III 2° du Code de commerce) et (ii) en 8ème rang en procédure de liquidation judiciaire (article L. 643-8, I 8° du Code de commerce), sous réserve d’avoir été autorisé par le juge-commissaire et d’avoir fait l’objet d’une publicité.

Il est précisé que ce privilège ne bénéficie pas (i) aux apports consentis par les actionnaires et les associés du débiteur dans le cadre d’une augmentation de capital et (ii) directement ou indirectement aux créanciers au titre de leurs concours antérieur à l’ouverture de la procédure.

Les créances garantis par ce privilège ne peuvent faire l’objet de remises ou de délais qui n’auraient pas été acceptés par leur titulaire (article L. 626-30, I, 4° du code de commerce).

6. Modification tenant à la responsabilité pour insuffisance d’actif

L’Ordonnance vient clarifier – une nouvelle fois et en doublon avec l’article 1 de la loi n° 2021-874 du 1er juillet 2021 – le champ d’application de l’exonération de responsabilité pour insuffisance d’actif prévue pour les dirigeants auteur d’une simple négligence (article L. 651-2 du Code de commerce) lequel est étendu aux dirigeants de « personnes morales » et non plus uniquement de « sociétés » (afin, notamment, de couvrir les dirigeants d’associations).

Cette modification ne permet donc pas d’espérer réellement une clarification du champ de la responsabilité des dirigeants.

 


[1] LOI n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (1) : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000038496102/

[3] v. Rapport au président de la République : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044044504

[5] Procédure provisoire, applicable jusqu’au 1er juin 2023, instaurée par l’article 13 de la loi du 31 mai 2021 – n°2021-689 et les décrets d’application du 16 octobre 2021 – n°2021-1354 et n°2021-1355

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