Analyses & décryptages

Covid-19 | Adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles à l’urgence sanitaire et modifiant certaines dispositions de procédure pénale

Cette publication a été mise à jour le 27 mai 2020

Conformément à l’habilitation donnée par le Parlement dans la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, le Gouvernement a adopté le 27 mars 2020 l’ordonnance n° 2020-341 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles à l’urgence sanitaire et modifiant certaines dispositions de procédure pénale (l' »Ordonnance n° 1« ) et le 20 mai 2020 l’ordonnancen° 2020-596 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entrerises et des exploitations agricoles aux conséquences de l’épidémie de covid-19 (l' »Ordonnance n°2« ) afin d’adapter certaines dispositions du Livre VI du Code de commerce aux contraintes imposées par l’urgence sanitaire.  

PARTIE I : DISPOSITIONS ISSUES DE L’ORDONNANCE N° 2020-341 DU 27 MARS 2020

Les dispositions de l’Ordonnance n°1 sont applicables aux procédures en cours.

Nous ne traiterons dans cette synthèse que des dispositions relatives aux entreprises en difficulté.

CRITÈRE D’OUVERTURE DES PROCÉDURES AMIABLES ET JUDICIAIRES TENANT À L’ÉTAT DE CESSATION DES PAIEMENTS DU DÉBITEUR (Article 1er, I, 1°)

L’Ordonnance n°1 prévoit que, jusqu’au 23 août 2020 inclus[1], l’état de cessation des paiements du débiteur sera apprécié à la date du 12 mars 2020.

La cristallisation de la date de cessation des paiements, telle que prévue par l’Article 1er, I, 1, conduit à ce que :

  • un débiteur qui, à la date du 12 mars 2020, ne se trouvait pas en état de cessation des paiements ou s’y trouvait depuis moins de 45 jours mais qui se trouverait en état de cessation des paiements depuis plus de 45 jours entre le 12 mars et le 23 aout 2020 inclus pourrait, pendant cette même période, solliciter l’ouverture d’une procédure de conciliation (alors même qu’il ne respecte pas le critère d’ouverture, c’est-à-dire de ne pas être en état de cessation des paiement depuis plus de 45 jours) ;
     
  • un débiteur qui, à la date du 12 mars 2020, ne se trouvait pas en état de cessation des paiements mais qui se trouverait en état de cessation des paiements entre le 12 mars et le 23 août 2020 inclus pourrait, pendant cette même période, solliciter l’ouverture d’une procédure de sauvegarde (alors même qu’il ne respecte pas le critère d’ouverture, c’est-à-dire de ne pas être en état de cessation des paiements).

L’Ordonnance n° 1 précise toutefois que le débiteur pourra néanmoins, s’il se trouve en état de cessation des paiements entre le 12 mars et le 23 août 2020 inclus, solliciter l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, de liquidation judiciaire ou de rétablissement professionnel (l’état de cessation des paiements étant un critère d’ouverture de ces procédures).

Ainsi, puisque l’ouverture de ces procédures n’est pas paralysée par l’Ordonnance n°1, les créances salariales dues au jour de l’ouverture desdites procédures, pourront être prises en charge par l’institution de garantie compétente (AGS), dans les limites fixées par la loi.

L’Ordonnance n°1 précise enfin que l’appréciation de la date de cessation des paiements au 12 mars 2020 ne fera pas obstacle à la possibilité de solliciter le report de cette date, dans les conditions de l’article L. 631-8 du Code de commerce ou encore en cas de fraude.

PROLONGATION DE CERTAINS DÉLAIS DES PROCÉDURES AMIABLES ET JUDICIAIRES

Prolongation de la durée de la procédure de conciliation (Article 1er, II)

L’Ordonnance n° 1 prévoit que la procédure de conciliation, en principe d’une durée maximum de 5 mois, conformément aux dispositions de l’article L. 611-6 du Code de commerce, est prolongée de plein droit pour une durée de 5 mois.

L’Ordonnance n° 1 prévoit par ailleurs que, en cas d’échec de la procédure de conciliation (c’est-à-dire à défaut de conclusion d’un accord dans le délai imparti), les dispositions imposant une période de carence de trois mois pour ouvrir une nouvelle procédure de conciliation ne s’appliquent pas.

Prolongation de certains délais des procédures judicaires (Article 1, IV et Article 2, II)

L’Ordonnance n° 1 prévoit que, jusqu’au 23 juin 2020 inclus[2], les délais suivants sont prolongés de plein droit, pour une durée de 3 mois :

  • les durées relatives à la période d’observation, au plan, à la liquidation judiciaire simplifiée et à la période d’observation fixée par la cour d’appel dans les conditions de l’article L. 661-9 du Code de commerce ;
     
  • les délais de couverture des créances salariales par l’AGS sont prolongés en cohérence avec les prolongations des durées des périodes d’observation, des plans, des périodes de poursuite d’activité en liquidation judiciaire, et des périodes de liquidation judiciaire simplifiée. Ainsi, les périodes de garantie de l’AGS pour les créances résultant de la rupture des contrats de travail et pour les sommes dues aux salariés en cas de prononciation de la liquidation judiciaire (prévues par l’article L. 3253-8 2° b) à d) et 5° du code du travail).

L’Ordonnance n° 1 prévoit par ailleurs que, jusqu’au 23 août 2020 inclus, l’administrateur judiciaire, le mandataire judiciaire, le liquidateur judiciaire ou le commissaire à l’exécution du plan peuvent solliciter du Président du tribunal la prolongation d’une durée de 5 mois de tous les délais qui leur sont imposés par le Livre VI du Code de commerce.

Prolongation des plans de sauvegarde et de redressement (Article 1, III)

L’Ordonnance n° 1 prévoit que la durée des plans de sauvegarde ou de redressement en cours d’exécution peut être prolongée dans les conditions suivantes :

  • Jusqu’au 23 août 2020 inclus, (i) le commissaire à l’exécution du plan peut solliciter du Président du tribunal qu’il ordonne la prolongation du plan dans la limite d’une durée de 5 mois, ou (ii) le Ministère public peut solliciter cette prolongation pour une durée maximale d’un an.
     
  • A compter du 24 août 2020 et pendant un délai de 6 mois, le commissaire à l’exécution du plan ou le Ministère public peut solliciter du tribunal la prolongation de la durée du plan pour une durée maximale d’un an.

Il convient en outre de rappeler que, jusqu’au 23 juin 2020 inclus, les délais du plan sont de plein droit prolongés pour une durée de 3 mois (cf. supra).

RÉDUCTION DES DÉLAIS PERMETTANT LA PRISE EN CHARGE DES CRÉANCES SALARIALES PAR L’AGS (Article 1er, I, 2)

L’Ordonnance n° 1 prévoit que le mandataire judiciaire doit transmettre, sans délai, à l’AGS les relevés des créances salariales afin que la prise en charge de ces créances puisse intervenir le plus rapidement possible.

En effet, jusqu’au 23 août 2020 inclus, le mandataire judiciaire doit transmettre à l’AGS les relevés de créances salariales, « sans délai », c’est-à-dire sans qu’ils soient préalablement soumis au représentant des salariés et visés par le juge-commissaire. Pour autant, ils devront toujours l’être, le cas échéant, ultérieurement.

ADAPTATION DES PROCÉDURES ET COMMUNICATIONS AUX CONTRAINTES LIÉES À LA CRISE SANITAIRE (Article 2, I)

L’Ordonnance n° 1 prévoit que, jusqu’au 23 juin 2020 inclus :

  • l’audience « intermédiaire », prévue deux mois après l’ouverture d’un redressement judiciaire et devant statuer sur le maintien de la période d’observation, est supprimée ;
     
  • les actes de saisine de la juridiction par le débiteur sont remis au greffe par tout moyen ;
     
  • les communications entre le greffe du tribunal, l’administrateur judiciaire et le mandataire judiciaire, ainsi qu’entre les organes de la procédure se font par tous moyens.

DISPOSITIONS RELATIVES AUX EXPLOITATIONS AGRICOLES (Article 3)

L’Ordonnance n° 1 prévoit que, jusqu’au 23 août 2020 inclus, pour les exploitations agricoles, dans le cadre d’une procédure de règlement amiable relevant du Code rural et de la pêche maritime (i)l’aggravation de la situation du débiteur, à compter du 12 mars 2020, ne peut faire obstacle à la désignation d’un conciliateur ; et (ii) l’état de cessation des paiements, auquel l’accord n’a pas mis fin, est apprécié en considération de la situation du débiteur à la date du 12 mars 2020.

PARTIE II : DISPOSITIONS ISSUES DE L’ORDONNANCE N° 2020-596 DU 20 MAI 2020

RENFORCEMENT DE L’INFORMATION DU PRESIDENT DU TRIBUNAL POUR LA DETECTION DES DIFFICULTES DES ENTREPRISES (Article 1) – ces dispositions sont applicables jusqu’au 31 décembre 2020 inclus

Dans le cadre de la procédure d’alerte prévue par les articles L. 234-1, L. 234-2 et L. 612-3 du Code de commerce, les commissaires aux comptes ont la possibilité, dès la première information faite au dirigeant, d’aviser le Président du tribunal compétent de l’insuffisance ou du manque de mesures prises par le dirigeant.

L’objectif de cette mesure est de transmettre au Président du tribunal le plus en amont des difficultés et le plus rapidement possible, les informations relatives aux difficultés rencontrées par une entreprise.

RENFORCEMENT DE L’EFFICACITE DE LA PROCEDURE DE CONCILIATION (Article 2) – ces dispositions sont applicables aux procédures en cours et jusqu’au 31 décembre 2020 inclus

L’Ordonnance n° 2 met en place des mesures visant à renforcer considérablement l’efficacité de la procédure de conciliation.

En effet, le débiteur en conciliation peut demander au Président du tribunal, ayant ouvert la procédure, statuant par ordonnance sur requête :

  • d’interrompre ou d’interdire toute action en justice de la part du créancier récalcitrant visant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ou à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent ;
     
  • d’arrêter ou d’interdire toute procédure d’exécution de la part du créancier récalcitrant tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n’ayant pas produit un effet attributif avant la demande ;
     
  • de reporter ou d’échelonner le paiement des sommes dues.

Ces mesures peuvent se cumuler avec la demande de délais de grâce, telle que déjà prévue par l’article L. 611-7 du code de commerce.

Ces nouvelles dispositions permettent la mise en place d’une procédure de conciliation hybride, proche des effets de la sauvegarde mais sans les inconvénients (étant précisé que la durée de la conciliation est très largement étendue, cf. ci-après).

DISPOSITIONS VISANT A FACILITER LE RECOURS AUX PROCEDURES ACCELEREES (Article 3) – ces dispositions sont applicables aux procédures ouvertes à compter de l’entrée en vigueur de l’Ordonnance n° 2 (le 21 mai 2020) et au plus tard jusqu’au 17 juillet 2021 inclus

L’Ordonnance n° 2 facilite le recours aux procédures de sauvegarde accélérée et sauvegarde financière accélérée, en écartant les conditions de seuils prévues par l’artice L. 628-1 du code de commerce.

Si la procédure de sauvegarde accélérée ou de sauvegarde financière échoue et qu’aucun plan n’est arrêté dans le délai prévu au premier alinéa de l’article L. 628-8 du code de commerce, le tribunal peut immédiatement, à la demande du débiteur, de l’administrateur, du mandataire judiciaire ou du ministère public, ouvrir une procédure, distincte, de redressement judiciaire ou prononcer la liquidation judiciaire.

L’objectif est d’ouvrir ces procédures d’anticipation à un maximum d’entreprises.

DISPOSITIONS VISANT A FACILITER L’ADOPTION DE PLAN DE SAUVEGARDE OU DE REDRESSEMENT (Article 4) – ces dispositions sont applicables aux procédures en cours et jusqu’au 31 décembre 2020 inclus

L’Ordonnance n° 2 facilite et accélère les modalités d’adoption d’un plan de sauvegarde ou de redressement par :

  • un raccourcissement des délais de consultation des créanciers à 15 jours en cas de présentation d’un projet de plan à la demande du mandataire judiciaire ou de l’administrateur judiciaire, sur autorisation du juge-commissaire ;
     
  • un allègement des formalités de consultation des créanciers : les propositions pour le règlement des dettes ainsi que les éventuelles réponses à ces propositions peuvent être communiquées par tout moyen permettant au mandataire judiciaire d’établir avec certitude la date de leur réception ;
     
  • l’arrêt du plan est exceptionnellement basé sur un passif estimé sur la base d’une attestation de l’expert-comptable ou du commissaire aux comptes, sur les créances admises, les créances non contestées et les créances identifiables (celles dont le délai de déclaration n’a pas expiré).

DISPOSITIONS VISANT A FACILITER L’EXECUTION DES PLANS DE SAUVEGARDE ET DE REDRESSEMENT (Article 5) – ces dispositions sont applicables aux procédures en cours et jusqu’au 31 décembre 2020 inclus, à l’exception des dispositions sur le privilège de la sauvegarde applicables à compter de l’entrée en vigueur de l’ordonnance (soit le 21 mai 2020) et au plus tard jusqu’au 17 juillet 2021 inclus

L’Ordonnance n° 2 prévoit des dispositions visant à faciliter l’exécution des plans de sauvegarde et de redressement :

  • augmentation d’une durée maximale de deux ans de la durée d’exécution des plans de sauvegarde ou de redressement (soit une durée maximale de plan de 12 ans et 17 ans en matière agricole) ;
     
  • le défaut de réponse des créanciers consultés pour l’adoption ou la modification du plan vaut acceptation des nouveaux délais de paiement proposés ;
     
  • instauration d’un privilège de post-money (nouveau privilège « de sauvegarde ou de redressement » similaire au privilège de « new money« ), pour les personnes qui consentent un nouvel apport de trésorerie au débiteur soit en période d’observation, soit dans le cadre du plan de sauvegarde ou de redressement (ces nouveaux apports seront mentionnés dans le jugement qui arrête ou modifie le plan).

Les créanciers bénéficiant de ce privilège de sauvegarde ou de redressement sont payés, pour le montant de leur apport, dans l’ordre prévu au III de l’article L. 622-17 et au III de l’article L. 641-13 du code de commerce, soit, après les créances de salaire.

Les apports consentis par les actionnaires et associés du débiteur dans le cadre d’une augmentation de capital sont exclus du privilège de sauvegarde ou de redressement.

TRAITEMENT DES ENTREPRISES EN SITUATION IRREMEDIABLEMENT COMPROMISE (Article 6) – ces dispositions sont applicables aux procédures ouvertes à compter de l’entrée en vigueur de l’Ordonnance n° 2 (le 21 mai 2020) et au plus tard jusqu’au 17 juillet 2021 inclus

Afin de faciliter et accélérer les procédures concernant les personnes physiques en situation irrémédiablement compromise, l’Ordonnance n° 2 prévoit des dispositions afin d’élargir les conditions d’accès aux procédures de liquidation judiciaire simplifiée (plus de conditions de seuils : elle est ouverte à toute personne physique dont le patrimoine ne comprend pas de biens immobiliers notamment) et de rétablissement professionnel (le seuil maximal pour avoir accès à la procédure de rétablissement professionnel passe de 5.000 à 15.000 euros).

DISPOSITIONS VISANT A FACILITER LA CESSION D’ENTREPRISE (Article 7) – ces dispositions sont applicables aux procédures en cours et jusqu’au 31 décembre 2020 inclus

L’Ordonnance n° 2 prévoit des aménagements relatifs à la cession d’entreprise et notamment :

  • un abaissement des délais de convocation des cocontractants prévu à l’article R. 642-7 du code de commerce de 15 à 8 jours en cas de plan de cession (ce délai pouvant toutefois être modifié par décret en application de l’article 10 de l’Ordonnance n° 2) ; et
     
  • une autorisation de cession aux dirigeants de droit ou de fait, parents ou alliés des dirigeants (par dérogation aux interdictions prévues à l’article L. 642-3 du Code de commerce), par un jugement spécialement motivé, après avoir demandé l’avis des contrôleurs et sous réserve que l’offre proposée permette le maintien de l’activité et la préservation de l’emploi.

DISPOSITIONS VISANT A FACILITER LE REBOND DES ENTREPRISES (Article 8) – ces dispositions sont applicables aux procédures en cours et jusqu’à la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance prévue par l’article 196 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, et au plus tard jusqu’au 17 juillet 2021 inclus.

L’Ordonnance n° 2 réduit à un an le délai au terme duquel la mention au RCS d’une procédure collective mentionnée est radiée lorsque le plan est toujours en cours (ce délai pouvant toutefois être modifié par décret en application de l’article 10 de l’Ordonnance n° 2).

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[1] Cette date fixe résulte des modifications apportées par l’ordonnance n° 2020-596 et correspond à la durée initialement prévue par l’ordonnance n° 2020-341 (expiration d’un délai de 3 mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, avant que celle-ci ne soit prorogée jusqu’au 10 juillet).
[2] Cette date fixe résulte des modifications apportées par l’ordonnance n° 2020-596 et correspond à la durée initialement prévue par l’ordonnancen° 2020-341 (expiration d’un délai d’1 mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, avant que celle-ci ne soit prorogée jusqu’au 10 juillet).

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