7 novembre 2014
Publications | France - IP & M&A | Capital Finance n° 1170
Article rédigé par Grégoire Triet, Raphaëlle Dequiré-Portier, Jean-Hyacinthe de Mitry et Bruno Laffont, publié dans Capital Finance, n° 1170, le 3 novembre 2014.
Entre 2010 et 2014, plus de trente médicaments générant chacun plus d'un milliard de dollars de chiffre d'affaires (Plavix®, Remicade®, Lipitor®, etc.) ont vu les brevets qui les protégeaient tomber dans le domaine public. Ces blockbusters ont alors immédiatement subi la concurrence d'équivalents génériques moins chers, entraînant une chute brutale de leurs ventes. Ce phénomène a été baptisé "mur des brevets" ou, en anglais, "patent cliff".
A première vue, le fait qu'un brevet tombe dans le domaine public paraiît dans l'ordre des choses. Délivré pour 20 ans, avec la possibilité de le prolonger en matière de médicaments au moyen d'un certificat complémentaire de protection destiné à compenser le temps passé à obtenir une autorisation de mise sur le marché, le brevet est en effet par essence à durée déterminée. Tous les jours des brevets expirent, permettant à des concurrents d'investir des marchés jusqu'alors réservés.
Pourquoi donc s'alarmer et conférer des surnoms dramatiques à un phénomène somme toute normal ? D'abord, en raison de son ampleur inédite : les médicaments concernés génèrent un chiffre d'affaires cumulé supérieur à 100 milliards de dollars. Ensuite, les particularités du marché pharmaceutique qui mêle les impératifs de santé publique, les contraintes budgétaires des Etats et la préservation de la bonne santé financière des laboratoires, garante de nouveaux médicaments, le placent régulièrement sous les feux de l'actualité. Une dernière réponse tient enfin dans l'impression d'être à un croisement majeur : une fois ces blockbusters dupliqués et ces milliards envolés, alors qu'il est de plus en plus difficile de trouver de nouvelles molécules, que va-t-il se passer ?
L'objet de ce propos est de se pencher sur les stratégies d'anticipation du mur des brevets engagées par les laboratoires.