Le partage des plus-values de cession de titres avec les salariés de société, introduit par la loi Pacte du 22 mai 2019 et actuellement prévu articles L 23-11-1 à L 23-11-4 du Code de commerce, est un dispositif original. En effet, en cas de cession de titres, les plus-values vont normalement au seul vendeur et donc au seul détenteur des titres vendus. Or, avec ce dispositif, destiné à favoriser la cohésion entre les actionnaires et les salariés et à inciter les seconds à s’impliquer davantage dans l’entreprise dont les performances s’en trouveraient ainsi accrues, on permet aux salariés de bénéficier d'une partie de la plus-value du vendeur. Mais bien sûr l'intérêt du dispositif dépend de la part des plus-values pouvant revenir aux salariés et sa mise en place ne sera effective que si le dispositif est accompagné d'avantages fiscaux et sociaux pour les parties prenantes : le cédant et les salariés bénéficiaires de l'opération.
La part revenant aux salariés représente au maximum 10% du montant de la plus-value, plafonné à 30 % du plafond annuel de la sécurité sociale, soit la somme de 12 340, 80 euros pour 2022 : ce plafond concerne les sommes à répartir entre tous les salariés. Donc tout dépend, pour apprécier l’importance de l’avantage financier accordé, du nombre de salariés bénéficiaires. Étant observé que le partage des plus-values est seulement l'un des outils de partage entre les salariés et les actionnaires. La participation aux bénéfices et l'attribution gratuite d'actions en sont d'autres.
Étant encore observé que le partage des plus-values n'est pas seulement prévu en cas de cession des titres mais également de rachat desdits titres. Le rachat est l'image inversée de la cession. On peut toutefois s’interroger car si on comprend aisément que le vendeur puisse accepter de partager une plus-value, on voit mal comment le partage des plus-values fonctionne lorsqu'il y a rachat. La difficulté est toutefois plus apparente que réelle. Il y a plus-value de cession car le vendeur avait acheté les titres à un prix inférieur à celui de la vente. Il y a plus-value de rachat lorsque l'acheteur avait auparavant vendu ses titres à un prix supérieur à celui du rachat.
Les acteurs impliqués dans le partage des plus-values de cession de titres ne sont pas banaux. Certes, comme en matière d’intéressement, il y a l’entreprise et les salariés. Mais, en cas de partage des plus-values de cession de titres, il y a un acteur qui n’intervient pas en cas d’intéressement : ce sont les actionnaires cédants.
Les salariés sont les bénéficiaires du partage des plus-values. Il s'agit de l'ensemble des salariés, français et étrangers, de la société dont les titres sont couverts par le partage des plus-values ainsi que, en cas de groupe de sociétés, des salariés de la société contrôlant la société dont les titres sont couverts par ledit partage et, en sens inverse, des salariés de la société contrôlée par celle dont les titres sont visés par ce partage. Les salariés doivent, pour faire partie des bénéficiaires, remplir certaines conditions. Ils doivent notamment être adhérents au plan d'épargne d'entreprise au jour de la cession.
L’engagement de partage des plus-values peut être pris par un ou plusieurs actionnaires cédants, ceux-ci pouvant être parties à un même contrat de partage des plus-values ou à plusieurs contrats distincts. Les détenteurs de titres cédants sont les seuls débiteurs du montant versé à la société dont les titres sont couverts par le partage des plus-values.
La société dont les titres sont cédés est seulement obligée de reverser les sommes reçues aux salariés bénéficiaires. Elle a seulement un rôle de relais. Si elle ne reçoit rien, elle n’a aucune obligation vis-à-vis des salariés bénéficiaires, et cela alors même que les actionnaires cédants auraient encaissé une plus-value.
La condition préalable à la signature du contrat de partage des plus-values est que l’entreprise dont les titres sont couverts par ce contrat ait mis en place un plan d’épargne d’entreprise (PEE). On n’insistera pas sur cette condition pour se concentrer sur les concepts d’engagements et de contrat d’une part, de plus-value et de partage d’autre part.
Il y a deux engagements : l’engagement de partage des plus-values pris par les détenteurs de titres et l’engagement de la société à transférer aux salariés bénéficiaires le montant de l’engagement de partage. Ces engagements sont constatés dans un contrat, dit contrat de partage. On peut toutefois s’interroger : n’est-on pas, nonobstant ce contrat, en présence d’engagements unilatéraux de volonté ? On peut le penser car si la société dont les titres sont couverts par le partage des plus-values est le cocontractant des détenteurs de titres, ceux-ci ne contractent pas d’obligation vis-à-vis de cette société, mais uniquement au profit de ses salariés.
Le contrat de partage ne crée pas des droits et obligations réciproques entre la société et les détenteurs de titres. Il n’y a pas de solidarité et les engagements ont un effet relatif : les actionnaires non-cédants ne sont pas obligés. Les engagements pris par les actionnaires cédants le sont en faveur de salariés alors qu’ils ne sont pas parties au contrat de partage. Étant observé que la signature du contrat de partage étant conditionnée à l’existence d’un PEE mis en place par l’entreprise et à l’adhésion des salariés à ce PEE, on peut considérer que le mécanisme de partage bénéficiant aux salariés s’inscrit contractuellement dans le PEE.
La plus-value à partager présente trois traits distinctifs. Elle est plafonnée dans son montant, insaisissable et incessible. Cette plus-value est versée à ceux-ci déduction faite des charges fiscales et sociales. Il convient donc de distinguer la plus-value brute de la plus-value nette, cette dernière désignant la plus-value après déduction des charges.
La plus-value brute est versée par les détenteurs de titres à la société dont les titres sont couverts par leur engagement. La plus-value nette doit être répartie par la société entre les salariés bénéficiaires, les versements consécutifs au partage devant être effectués sur les plans d’épargne des bénéficiaires. Ces plans sont donc le réceptacle des sommes provenant de la plus-value de cession. Le Code de commerce encadre temporellement les versements : un mois à compter de la date de la cession pour les détenteurs des titres vendus ; pour la société dont les titres sont concernés par le partage des plus-values, 90 jours à compter de la réception du versement effectué par les détenteurs de titres.
C’est un dispositif assez complet que le Code de commerce a mis en place. Les textes semblent toutefois envisager plus le partage des plus-values de cession que le partage des plus-values de rachat. La difficulté est cependant plus apparente que réelle car si ce qui est rachat pour l’un est cession pour l’autre. Les textes écrits pour la cession s’appliquent donc sans difficulté particulière au rachat.