Le droit français est régulièrement adapté à la législation de l'Union européenne. L'ordonnance n° 2024-936 du 15 octobre 2024, relative aux marchés de crypto-actifs, est un exemple : elle adapte le droit français au Règlement (UE) 2023/1114 du 31 mai 2023, dit règlement MiCA. Prochainement, de nouvelles adaptations seront introduites si est voté le projet de loi « portant diverses dispositions au droit de l'Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes ». Les adaptations sont, comme l'intitulé du projet de loi le montre, multiples.
Etant observé que le projet ne se contente pas d'en proposer, il prévoit également le recours aux ordonnances pour procéder à d'autres adaptations ou pour transposer des directives. Les textes européens relatifs au point d'accès unique européen fournissant un accès centralisé aux informations financières en sont un exemple (art. 1, II).
Etant encore observé que les dispositions relatives au droit bancaire, monétaire et financier affectent tant le Code monétaire et financier (art. 1, 2, 3, 4, 5, 11) que le Code de commerce (art. 4, 6, 7), le Code des assurances (art. 3, 10), le Code de la consommation (art. 14, 17, 18), le Code de mutualité (art. 8), le Code de l'environnement (art. 9), le Code de justice administrative (art. 15) et le Code de la santé publique (art. 19), sans oublier l'ordonnance n° 2023-1142 du 6 décembre 2023 relative à la publication et à la certification d'informations en matière de durabilité et aux obligations environnementales, sociales et de gouvernement des sociétés commerciales (art. 12), sont notables les nouvelles dispositions relatives aux actions de groupe transfrontières (art. 14). Elles ne retiendront néanmoins pas notre attention, préférant nous concentrer sur certaines modifications affectant le Code monétaire et financier.
Le règlement (UE) 2024/791 du 28 février 2024 a inséré, dans le Règlement 600/2014 du 15 mai 2014, un nouvel article 33 bis qui interdit aux intermédiaires financiers de recevoir un paiement pour le flux d'ordres. Le projet de loi (art. 1, I, 2) tient compte de ce texte en modifiant le V de l'article L. 533-18 du Code monétaire et financier : « dans les limites fixées à l'article 39 bis du règlement (UE) N° 600/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014, les prestataires de services d'investissement autres que les sociétés de gestion de portefeuille ne peuvent percevoir une redevance, une commission ou un avantage non monétaire de la part de tiers pour l'exécution des ordres de leurs clients sur un lieu d'exécution donné ou pour la transmission des ordres de leurs clients à un tiers en vue de leur exécution sur un lieu d'exécution donné. »
Les crypto-actifs, encore dénommés actifs numériques, peuvent être ou non constitutifs de titres financiers. Le projet de loi comporte deux dispositions, l'une relative à la loi applicable aux titres financiers relevant du régime pilote prévu par le Règlement (UE) 2022/858 du 30 mai 2022 (art. 1, IV, 1°), l'autre au nantissement des actifs numériques non constitutifs de titres financiers (art. 1, IV, 2°). Etant rappelé que jusqu'au 1er juillet 2026, les textes se réfèrent au concept d'actifs numériques et que ce concept disparaîtra à compter de cette date au profit du seul concept de crypto-actifs. C'est ce qui explique que le projet de loi se réfère aux actifs numériques, et non aux crypto-actifs, dans le texte visant à régir le nantissement.
Le Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris (HCJP) a publié, le 31 mai 2024, un rapport « sur la détermination de la loi applicable aux actifs inscrits en registres distribués ». Il a fait plusieurs propositions, dont l'une concerne la loi applicable aux titres financiers relevant du régime pilote (Rapport préc., p. 20). Cette proposition est reprise par le futur article L 211-7 du Code monétaire et financier selon lequel « les conditions et effets patrimoniaux des opérations sur des titres financiers inscrits au moyen d'une technologie des registres distribués dans les conditions fixées par le règlement (UE) 2022/858 ... sont déterminés par la loi de l'Etat où est située l'entité autorisée pour opérer le système de règlement DLT ou, le cas échéant, le système de négociation et de règlement DLT. ».
L'ordonnance du 15 octobre 2024, qui comporte des dispositions relatives au transfert de propriété des crypto-actifs, n'a pas régi le nantissement des actifs numériques. Le futur article L. 226-5, que le projet de loi prévoit d'introduire dans le Code monétaire et financier et qui régira le nantissement, doit être rapproché de l'article L. 211-20 du même Code qui régit le nantissement des comptes-titres. Les dispositions sont assez similaires, même s'il est tenu compte de la spécificité des actifs numériques, en particulier lorsqu'il est prévu que la déclaration de nantissement « peut être signée au moyen d'un automate exécuteur de clauses ». On peut toutefois se demander si le futur texte est bien adapté aux actifs numériques. En effet, il prévoit, comme en matière de nantissement de compte-titres, un compte de fruits et produits, mais il n'a aucune disposition pour la constitution du nantissement équivalente à celle selon laquelle « le compte nanti prend la forme d'un compte spécial ».
Afin de lutter contre les prêts non-performants (PNP) et contribuer à l'assainissement du secteur bancaire, l'Union européenne a adopté la directive (UE) 2022/2167 du 24 novembre 2021 qui vise à favoriser la cession des PNP à des tiers et leur gestion par des professionnels agréés. Cette directive a été transposée par l'ordonnance n° 2023-1139 du 6 décembre 2023 qui a introduit, au sein du Code monétaire et financier, les articles L 54-11-1 et suivants. Ces dispositions régissent principalement les gestionnaires de crédit même si elles font référence aux acheteurs de crédit, étant précisé que les textes concernant les gestionnaires de crédit ne s'appliquent notamment pas aux établissements de crédit.
Le projet de loi (art. 2, III) complète le dispositif applicable aux gestionnaires de crédit par de nouvelles dispositions relatives aux modifications des conditions auxquelles l'agrément a été délivré (art. L 54-11-1) et aux opérations de prise, d'extension ou de cession de participation dans les gestionnaires de crédit (art. L 54-11-5-2). Lesdites modifications devront faire l'objet d'une déclaration auprès de l'ACPR ; les opérations concernant les participations seront soumises à autorisation préalable de l'ACPR.
Le règlement (UE) 2023/2631 du 27 novembre 2023 encadre l'émission des obligations vertes européennes. Il s'agit d'un label qui peut être obtenu par les émetteurs si ceux-ci répondent aux exigences posées par ce règlement. Celui-ci prévoit que les émetteurs sont sous la surveillance des autorités nationales. Le projet de loi (art. 1, III, 5°) investit l'AMF de ce pouvoir (art. L 621-20-11), CMF).