7 avril 2020
Alerte Client | France | Banque & Finance
La Commission européenne a publié, le 3 avril 2020, une consultation publique qui vise à alimenter sa prochaine feuille de route stratégique en matière de finance digitale, dont la publication est prévue pour fin 2020 .
Si la finance digitale figurait déjà au rang des thèmes structurants de la stratégie numérique de la nouvelle Commission, elle revêt aujourd’hui une dimension davantage stratégique dans le contexte de pandémie lié au Covid 19 qui ébranle l’Europe et le reste du monde. La situation d’urgence économique, corolaire de la crise sanitaire, a en effet révélé la nécessité de soutenir et d’accélérer intensément la digitalisation des services financiers et, plus largement, l’innovation financière. Ce mouvement sera clé pour assurer la continuité des services financiers en temps de crise et contribuer, de manière pérenne, au fonctionnement et au financement de l’économie européenne.
La consultation de la Commission européenne vise à alimenter un plan d’actions détaillé pour les cinq prochaines années en matière de digitalisation des services financiers. La Commission entend articuler ce plan d’actions autour de quatre axes principaux : (i) mettre en place un cadre réglementaire adapté aux réalités et développements numériques en cours et à venir ; (ii) lutter contre la fragmentation du Marché unique et permettre aux acteurs d’envergure européenne de se développer; (iii) promouvoir un système financier centré sur la donnée au service des consommateurs et des entreprises ; et (iv) renforcer la résilience digitale opérationnelle du système financier européen - ce dernier axe a fait l’objet d’une consultation dédiée, initiée fin décembre 2019, et n’est donc pas traité dans la présente consultation.
S’agissant des ajustements et/ou novations règlementaires à apporter au cadre existant (axe 1), des travaux ont déjà été amorcés. En effet, une consultation ad hoc portant sur la régulation du marché des crypto-actifs s’est clôturée le 19 mars dernier. Dans ce sillage, le thème de la digitalisation des services de paiement offerts aux particuliers a également fait l’objet d’un document de consultation distinct, publié le 3 avril 2020, en vue d’établir une stratégie dédiée en la matière. De manière générale, la Commission souhaite assurer le développement de l’innovation technologique dans le domaine financier via la mise en place d’un cadre juridique adapté. En s'appuyant sur le principe fondateur de neutralité technologique du cadre réglementaire applicable, la Commission ambitionne d’anticiper le développement de nouveaux modèles d’affaires et de nouveaux services (proposés, notamment, par les Big Tech Companies), tout en limitant les risques associés. En toile de fond, ce sont les GAFAM qui sont visés et la question du caractère adapté de la réglementation financière à leurs activités qui est posée. C’est un sujet de préoccupation central, notamment pour les institutions européennes, depuis le lancement du projet Libra par Facebook en 2019.
Souhaitant offrir les meilleures conditions de développement aux futurs « champions européens » du numérique, la Commission européenne interroge également les parties prenantes sur les solutions qui pourraient être envisagées afin de lutter contre la fragmentation du Marché unique en matière de services financiers (axe 2). A ce titre, la Commission aborde en détails le sujet de l’identité numérique financière (digital financial identity) qui, constituant un élément clé de l'entrée en relation d’affaires (on-boarding), doit permettre de faciliter le processus de connaissance client (Know-Your-Customer process, « KYC »). L’objectif ici serait de garantir, au sein de l’Union, l’interopérabilité des solutions technologiques utilisées dans les différents Etats membres (i) en assurant, par exemple, une harmonisation maximale des exigences applicables (notamment en matière d’identification à distance) ; (ii) en développant la mise en place de dispositifs digitaux d’entrée en relation d’affaires harmonisés (digital on-boarding process) ; ou encore, (iii) en facilitant la coopération entre les autorités publiques et les développeurs privés de solutions d’e-identité.
Le sujet de la gestion et du traitement de la donnée occupe également une place centrale dans la réflexion de la Commission européenne (axe 3), ce qui se justifie par le fait que le secteur financier est extrêmement consommateurs de données (qu’il s’agisse de données de marché ou de données clients). Manifestement motivée par l'émergence de l'« open innovation » et l'observation des nouveaux processus et organisations structurés autour du partage et de la collaboration, la Commission s’interroge sur les modalités de mise en œuvre d’une politique en matière d’« open finance ». Une telle politique permettrait de stimuler l’innovation financière, tout en assurant une protection adéquate des données (personnelles et non personnelles) utilisées. Le recours à des outils d’intelligence artificielle par le secteur financier est également abordé et fait écho aux travaux qui ont déjà pu être menés en la matière au niveau national par certaines autorités compétentes. Il s’agit d’identifier les implications spécifiques en termes de risques et les éventuelles lacunes réglementaires. Les réponses à ces questions alimenteront la réflexion que mène par ailleurs la Commission dans le cadre de sa stratégie en matière de données.
Cette consultation constitue une étape clé dans le processus d’élaboration de la feuille de route de la Commission européenne en matière de finance digitale. Elle traduit également l’ambition de la Commission qui souhaite favoriser l'émergence de champions européens. Cette consultation s'inscrit dans une démarche globale d'accompagnement du monde digital et vient en complément d’autres initiatives, parfois plus ciblées, comme celles portant sur les crypto-actifs et sur les moyens de paiement, ou transverses, comme celle visant à définir une stratégie européenne pour les données.
Elle constitue indéniablement un moment de mobilisation pour les acteurs établis et les nouveaux entrants à l’heure où il a été démontré que la digitalisation des services financiers s'accélère et s'oriente vers une nouvelle génération d'outils, de solutions et de technologies.
Cette consultation est ouverte jusqu’au 26 juin 2020.
Cette publication électronique n’a qu’une vocation d’information générale non exhaustive. Elle ne saurait constituer ou être interprétée comme un acte de conseil juridique du cabinet Gide.
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