2 septembre 2013
La Directive relative aux gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs - Une nouvelle ère
La directive relative aux gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs (la Directive)1 a pour objet de réguler le domaine de la gestion des investissements en Europe et dans le monde. L’impact de cette Directive s’étend bien au-delà de la conformité règlementaire, affectant aussi la distribution, la stratégie commerciale et l’organisation du marché.
Aucune certitude n’est encore possible quant à l’état du marché européen dans six ans, lorsque les dispositions transitoires concernant les régimes nationaux de placement privés (RNPP) devraient prendre fin. La stratégie et la compétitivité des gestionnaires dépendront de leur capacité à relever ce défi dans la nouvelle ère.
Cet article explore les choix de commercialisation et autres choix stratégiques qui devront être pris par les gestionnaires, ainsi que la manière dont ces décisions pourraient influencer le développement futur du secteur.
Au vu des implications règlementaires étendues qui caractérisent l’accès au marché européen, les entreprises évaluent si elles sont, ou doivent, être implantées dans l’Union Européenne (UE) et s’il est opportun d’investir activement dans la commercialisation au sein du marché européen. Les entreprises doivent ainsi mettre en balance les avantages procurés par le fait d’avoir accès aux investisseurs européens par rapport aux exigences règlementaires supplémentaires auxquelles elles seront soumises. Les gestionnaires hors Union Européenne souhaitant accéder aux investisseurs européens seront en effet tenus d’identifier leurs passerelles d’accès à l’Union Européenne.
La Directive définit la commercialisation comme une offre ou un placement, direct ou indirect, à l’initiative du gestionnaire de fond d’investissement alternatif (Gestionnaire), ou pour son compte, de parts ou d’actions d’un fond d’investissement alternatif (FIA) qu’il gère, à destination d’investisseurs domiciliés ou ayant leur siège statutaire dans l’Union.
Par conséquent, toute commercialisation passive par laquelle un investisseur initie la transaction n’entre pas dans le champ d’application de la Directive. La commercialisation passive peut donc sembler offrir une solution attrayante aux gestionnaires pour qui les exigences supplémentaires imposées par la Directive et les RNPPs présentent un défi important. Les gestionnaires devront cependant accorder une attention toute particulière aux règlementations et exigences de preuve propres à chaque juridiction de l’UE quant à la commercialisation passive. Les gestionnaires devraient aussi prendre des mesures pour limiter le risque contentieux et le risque de non-conformité à la réglementation liés à la commercialisation passive, notamment en raison d’investisseurs mécontents qui pourraient un jour prétendre, à tort ou à raison, qu’une commercialisation active a été effectuée.
Avec l’entrée en vigueur de la Directive en juillet 2013, le passeport de commercialisation représente désormais le seul moyen pour les Gestionnaires de l’UE de commercialiser leurs FIAs auprès d’investisseurs professionnels de l’UE puisque les RNPPs ne seront plus disponibles.
En juillet 2015 (au plus tôt), le passeport de commercialisation sera aussi mis à disposition des Gestionnaires de l’UE commercialisant des FIAs hors-UE, ainsi qu’aux Gestionnaires hors-UE commercialisant des FIAs de l’UE et hors-UE.
Les gestionnaires hors-UE ainsi que les gestionnaires de l’UE en charge de fonds hors-UE disposeront d’une option leur permettant de maintenir des placements privés aussi longtemps que permis. Dans certains cas, le déplacement des fonds, voir même de l’ensemble des opérations, hors-UE pourrait être envisagé afin d’atteindre cet objectif.
Les RNPPs existants seront maintenus parallèlement au régime des passeports de commercialisation au moins jusqu’en juillet 2018. Ainsi, grâce aux RNPPs, la commercialisation auprès d’investisseurs de l’UE ayant investi dans des FIAs hors-UE et gérés par des Gestionnaires UE, ainsi que les FIAs de l’UE et hors-UE gérés par des Gestionnaires hors-EU, restera autorisée sous réserve du respect de certaines dispositions de la Directive .
Cependant, il résulte de cette conformité plus ou moins limitée que les RNPPs visés par la Directive ne peuvent être perçus comme une continuation du statu quo qui existait avant la Directive. De surcroît, la Directive permet à chaque Etat-membre de l’UE d’imposer un régime plus strict que celui de la Directive. Quand bien même les RNPPs étaient disponibles avant la Directive, certaines juridictions sont en voie de modifier ou même de supprimer leurs RNPPs. Les gestionnaires qui sont soumis à ces régimes devront par conséquent surveiller de manière continue la position adoptée dans chaque juridiction concernée.
En outre, les RNPPs risquent de n’offrir qu’un sursis temporaire aux gestionnaires qui commercialisaient auprès des investisseurs de l’UE avant la mise en œuvre de la Directive car la Commission Européenne pourrait y mettre un terme en 2018 (sous réserve des conclusions de l’AEMF (ESMA) quant au succès du régime des passeports de commercialisation). Cela signifierait que seuls les FIAs gérés par un Gestionnaire qui se conforme pleinement aux dispositions de la Directive pourraient être commercialisés en Europe, où qu’ils soient implantés.
L’impact de la Directive dépendra de la réaction des gestionnaires face aux nouvelles exigences qu’elle impose, tout en ayant à l’esprit le besoin d’agir de manière aussi efficace et commerciale que possible. Chaque gestionnaire adoptera une approche différente, reflétant la diversité d’un secteur qui englobe tous types de fonds: des fonds de détail non-OPCVM aux fonds de gestion alternative offshore, en passant par les fonds de private equity et les fonds de gestion immobilière. La localisation des gestionnaires de l’UE et hors-UE, des fonds et des investisseurs, sera le facteur principal pour déterminer la manière dont la Directive s’appliquera à chaque entreprise, ainsi que les options stratégiques qui s’offriront à elle.
Positionnement
Bien qu’un FIA ne puisse avoir qu’un seul Gestionnaire, certains gestionnaires, typiquement les plus grands, peuvent avoir plusieurs entités pouvant assumer le rôle de Gestionnaire (tout en tenant compte du fait que, pour toute délégation de la gestion du risque et/ou de portefeuille, une attention particulière est nécessaire afin de s’assurer que le Gestionnaire, et non le délégué, soit considéré par le régulateur comme le « véritable » Gestionnaire).
Ces gestionnaires pourraient bénéficier du choix d’un Gestionnaire domicilié hors-UE, réduisant ainsi l’impact initial de la Directive, ou dans l'UE, sous-réserve d’une totale conformité avec la Directive dès l’origine. Cependant, pour plusieurs des gestionnaires de l’UE, le Gestionnaire sera vraisemblablement un gestionnaire d’investissements MiFID de l’UE existant.
Pour certains gestionnaires, une totale conformité avec la Directive dès 2013 offrirait un avantage de précurseur qui permettrait de compenser des coûts de conformité plus élevés. A l’autre extrémité, si les gestionnaires n’ont que peu ou pas de fonds ou d’investisseurs dans l’UE, ils risquent de se retirer complètement du champ d’application des exigences de la Directive.
A terme, les gestionnaires devront choisir s’ils souhaitent rester dans l’Union Européenne ou se délocaliser entièrement et s’ils préfèrent continuer à effectuer des placements privés aussi longtemps que possible, ou opérer entièrement sous le passeport Européen afin d’être assuré d’avoir accès aux investisseurs Européens.
La Directive donne aux gestionnaires de l’UE la possibilité de mettre en place et de gérer les FIAs dans d’autres Etats Membres de l’Union Européenne. Cette option peut être mise en œuvre soit par la création d’une succursale dans un autre Etat Membre de l’Union Européenne, soit en offrant des prestations de services transfrontalières. Le passeport de gestion de la Directive prévoit ainsi une opportunité stratégique en consolidant les opérations à travers l’UE sur la base de celles offertes aux sociétés de gestion d’OPCVM aux termes de la directive OPCVM IV . La Directive permet en effet à une société de gestion d’OPCVM de gérer les FIAs en leur permettant d’obtenir une autorisation à double usage en vertu à la fois du régime OPCVM et du régime de la Directive.
La question de l’opportunité de centraliser la société de gestion dépendra largement de son organisation structurelle, de ses activités et de ses opérations transfrontalières. Certains Gestionnaires, notamment les sociétés de gestion plus petites et structurées de manière plus simple que les sociétés de gestion d’OPCVM traditionnelles, n’auront simplement pas besoin de rationaliser leurs opérations d’une juridiction à l’autre. De même que pour le passeport de société de gestion de la directive OPCVM IV, les questions fiscales transfrontalières devront être soigneusement prises en considération.
Pour la première fois, la Directive permettra à toute une gamme de fonds non-OPCVM d’être gérés et commercialisés auprès d’investisseurs professionnels sur une base transfrontalière. Certains gestionnaires de fonds OPCVM, ou du moins de fonds OPCVM ayant une stratégie proche de celle de fonds spéculatifs, pourraient en conséquence se demander s’ils devraient opter pour des FIAs. En effet, la Directive pourrait offrir une plus grande flexibilité que l’OPCVM, tout en leur permettant de continuer à bénéficier des avantages du passporting. Cette option pourrait être plus attractive si la règlementation des OPCVM dits « complexes » devient plus restrictive (comme soulevé à la fois par la proposition de la Commission européenne de remplacer la directive MIF par une nouvelle règlementation/directive et également par la consultation de juillet 2012, connue sous le nom d’OPCVM VI, proposant d’améliorer le cadre juridique des OPCVMs).
Ceci étant dit, la Directive ne traite pas de la commercialisation auprès d’investisseurs de détail et restera soumise aux régimes individuels de chaque état membre de l’Union Européenne en matière de fonds de détail non-OPCVM, qui n’offrent aucune perspective de standardisation de produits de détail non-OPCVM. Le passeport de commercialisation de la Directive ne peut être utilisé que pour la commercialisation auprès d’investisseurs professionnels, un marché plus petit que le marché de détail.
A terme, ce seront les investisseurs qui décideront si la Directive atteindra un statut de rang mondial, à l’instar de la Directive OPCVM. Bien que la Directive en ait le potentiel, les FIAs ont encore beaucoup de chemin à faire avant d’acquérir un statut comparable aux yeux des investisseurs. Une mise en conformité avec la Directive pourrait cependant aider à renforcer leur confiance. Au vu des milliers de fonds non-OPCVM appartenant à cette catégorie, la force potentielle de la Directive ne doit pas être sous-estimée.
Certains gestionnaires de l’UE, typiquement les plus grands, peuvent traiter la Directive comme une opportunité commerciale leur permettant de distribuer leurs fonds non-OPCVM de l’UE, et à partir de 2015, leurs fonds hors-UE, tout en consolidant leurs activités par le biais des nouveaux passeports Européens de commercialisation et de gestion. Ces gestionnaires pourraient en effet envisager de rapatrier leurs fonds onshore. Les gestionnaires les plus importants seront mieux équipés pour absorber les coûts qui y sont associés et seront plus enclins à envisager un remaniement opérationnel comme un moindre défi. La dimension d’un fonds sera clairement un avantage lorsqu’il s’agira de faire face à ces enjeux et d’exploiter les opportunités qu’offre la Directive.
Les fonds moins conséquents ne disposeront néanmoins pas de telles ressources internes pour faire face aux exigences de mise en conformité initiales et continues. De tels fonds auront donc une volonté et/ou une capacité plus limitées pour exploiter les avantages liés au passporting dans l’UE. Une telle tendance pourrait entraîner une baisse des gestionnaires hors-UE effectuant des opérations commerciales en Europe, donnant aux gestionnaires Européens plus importants un avantage concurrentiel.
Les choix de commercialisation opérés par les gestionnaires détermineront leur compétitivité et leur stratégie dans le cadre de la nouvelle Directive. Chaque gestionnaire procédera à ses propres choix en fonction de ses stratégies commerciale et de distribution ainsi que de son portefeuille d’investisseurs.
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