Précisions de l’AMF sur le régime des activités d’asset management et de property management dans le cadre de la gestion des fonds immobiliers
Pour rappel, les contrôles SPOT ont été initiés par l’AMF en 2018 dans une optique préventive et pédagogique visant à identifier les bonnes et mauvaises pratiques relatives à une thématique donnée.
Les contrôles menés au sein des 6 sociétés de gestion avaient pour thème “les modalités de réalisation des prestations immobilières”. Par prestations immobilières, l’AMF visait les activités d’asset management et de property management, les investigations menées par les contrôleurs s’étant plus spécifiquement intéressées aux conditions dans lesquelles ces activités pouvaient être confiées à des prestataires externes. La mission de contrôle s’est concentrée sur le seul respect de la réglementation financière, à l’exclusion de toute considération tenant à la loi Hoguet.
Le rapport de synthèse présente les constats relevés par les contrôleurs sur les six aspects suivants : l’organisation des sociétés de gestion et l’existence de procédures (1.), la sélection et le suivi des prestataires immobiliers (2.), les modalités de tarification des prestations immobilières (3.), l’information des porteurs (4.), la gestion des conflits d’intérêts (5.), et les dispositifs de contrôle permanent et périodique (6.).
1. ORGANISATION DES SOCIÉTÉS DE GESTION
1.1. Définition des prestations d’AM et de PM
A titre liminaire, le rapport de synthèse définit les notions d’asset management (« AM ») et de property management (« PM »), tout en précisant que ces deux prestations revêtent en pratique des acceptions différentes selon les gestionnaires, selon la nature des actifs immobiliers, voire selon les fonds gérés par une même société de gestion.
« De façon schématique et sauf exception au cas par cas », il ressortirait selon l’AMF que :
- l’AM aurait « pour objet de définir et de mettre en œuvre la stratégie permettant d’optimiser la valorisation de l’actif » et couvrirait notamment la définition de la stratégie locative et des travaux structurants, la supervision de la commercialisation et des brokers, la modélisation des business plans et le suivi de la performance des actifs, la relation avec le PM et les propositions de cession d’actifs ;
- le PM consisterait « en la gestion opérationnelle de l’actif en cours de détention par le fonds », et se composerait de deux prestations : la gestion locative (couvrant schématiquement la facturation, le recouvrement des loyers, ainsi que le suivi des charges et leur refacturation aux locataires) et la gestion technique (englobant les autres prestations et en particulier la gestion et le suivi des travaux de réparation, de remise en état et de maintenance courante, la supervision des prestataires techniques, la gestion des sinistres, etc.)
1.2. Organisation des activités d’AM et de PM
La prestation d’AM est le plus souvent assurée directement par les sociétés de gestion. L’AMF relève la possibilité pour les sociétés de gestion de recourir à un prestataire tiers dans le cadre d’un service de conseil ou de confier l’AM à un prestataire tiers.
L’activité de PM est souvent externalisée dans son intégralité. Seules certaines des sociétés de gestion conservent en interne l’activité de gestion locative.
En particulier, lorsque l’externalisation est réalisée auprès d’une entité du même groupe, la société de gestion doit mettre en place des procédures lui permettant de gérer efficacement les situations potentielles de conflits d’intérêts (cf. sections 2 et 5 infra).
La mission de contrôle SPOT ne formule expressément aucune recommandation s’agissant du cadre juridique régissant le recours à un prestataire tiers. Elle ne relève pas non plus de mauvaises pratiques dans ce domaine. L’AMF ne précise pas si, en dehors du conseil, le recours à un prestataire externe doit nécessairement s’inscrire dans le cadre d’une délégation au sens de la réglementation AIFM. L’AMF n’évoque pas non plus les contrôles que la société de gestion doit se ménager dans le cadre des conventions conclues avec les prestataires externes.
1.3. Corpus procédural des sociétés de gestion
Le corpus procédural de la majorité des acteurs contrôlés ne serait pas suffisamment précis et opérationnel. Certaines prestations essentielles d’AM (fréquence des reportings, modalités de commercialisation des actifs, etc.) ou de PM (procédures de suivi du quittancement, du suivi des impayés, de gestion des charges, de suivi des redditions de charges, etc.), ne seraient en effet pas couvertes par les procédures.
Un constat comparable est formulé s’agissant plus spécifiquement de la procédure de sélection et de suivi des prestataires immobiliers, puisque pour la moitié des sociétés de gestion du panel, plusieurs critères essentiels permettant de sélectionner ou d’évaluer un prestataire externe feraient défaut (nombre minimum de prestataires à interroger, liste des documents attendus en réponse, modalités d’analyse des dossiers des candidats, nature des critères à prendre en compte pour la sélection, indicateurs d’évaluation, etc.).
Bonne pratique : la mission de contrôle SPOT invite les sociétés de gestion à disposer de procédures les plus complètes possibles (i) permettant de couvrir avec précision les différentes prestations qui se rattachent à l’AM et au PM, et (ii) détaillant les modalités de sélection et de suivi des prestataires d’AM et de PM.
2. SÉLECTION ET SUIVI DES PRESTATAIRES IMMOBILIERS
La mission de contrôle SPOT relève l’existence de différentes pratiques s’agissant de la sélection des prestataires (appels d’offres, mises en concurrence, choix du prestataire en accord avec les porteurs notamment). Elle souligne que la traçabilité du processus de sélection est globalement peu satisfaisante. Certaines sociétés de gestion ne sont en effet pas en mesure de justifier les critères de sélection utilisés, de produire la décision actant de leur choix, de documenter le processus ayant conduit à la sélection d’un prestataire, ou n’ont simplement pas respecté leur procédure de sélection.
Bonnes pratiques : sans mettre en avant un mode particulier de sélection, la mission de contrôle SPOT invite les sociétés de gestion à :
- prévoir une liste pondérée de critères (prix, nombre d’ETP, etc.) et à établir un document de synthèse permettant de comparer les offres ;
- formaliser la décision prise par l’organe compétent pour sélectionner le prestataire, dans un procès-verbal, ou à tout le moins par écrit lorsque cette décision relève de la compétence d’un dirigeant et non d’un organe collégial.
Mauvaises pratiques : la mission de contrôle SPOT formule en revanche les contre-indications suivantes :
- ne pas assurer une traçabilité suffisante de la piste d’audit ; et
- procéder au suivi d’un prestataire de façon discrétionnaire, sans avoir pris le soin de définir des critères d’appréciation objectifs et prédéfinis.
3. MODALITÉS DE TARIFICATION DES PRESTATIONS IMMOBILIÈRES
Le rapport de synthèse souligne que les modalités et assiettes de facturation des prestations d’AM et de PM varient en fonction des sociétés de gestion et des fonds. Les pratiques relevées sont résumées au sein d’une annexe dédiée, qui ne présente cependant aucune préconisation expresse sur cette thématique.
Plusieurs points d’attention en matière de rémunération figurent toutefois dans la section 4 qui suit, dédiée à l’information des porteurs.
4. INFORMATIONS DES PORTEURS
Au titre des constats, la mission de contrôle SPOT relève que :
- la documentation réglementaire des SCPI et OPCI/OPPCI ne comprend aucune information permettant aux porteurs d’appréhender correctement :
- la nature des prestations d’AM et de PM qui seraient fournies directement par la société de gestion ou externalisées auprès d’un prestataire tiers ;
- les modalités de calcul et la répartition des frais relatifs aux prestations d’AM et de PM. S’agissant des OPCI/OPPCI, le prospectus comprend uniquement un taux maximum pour les frais de gestion et de fonctionnement et un taux moyen pour les frais d’exploitation immobilière. S’agissant des SCPI, la note d’information prévoit une commission de gestion forfaitaire assise sur les loyers et les revenus financiers, ainsi qu’une liste énumérative des autres frais directement supportés par le fonds, ne permettant pas aux porteurs de disposer d’une information précise sur les frais afférents aux prestations d’AM et de PM ;
- au sein des rapports annuels ou périodiques, l’information mise à la disposition des porteurs a posteriori ne permet généralement pas de distinguer quels sont les coûts qui relèvent des prestations d’AM ou de PM. De plus, l’identité des prestataires n’est pas indiquée.
Bonnes pratiques : le rapport de synthèse préconise pour la bonne information des porteurs que :
- la documentation réglementaire remise avant toute souscription aux investisseurs présente les éléments suivants, sans que cette liste soit limitative :
- les missions d’AM et de PM réalisées en interne ou externalisées ;
- les modalités de sélection des prestataires, et le cas échéant la possibilité de désigner un prestataire du groupe ;
- l’existence de potentiels conflits d’intérêts ;
- s’agissant des SCPI, la note d’information doit préciser si les frais d’AM et de PM, lorsque ces prestations ont été déléguées à un tiers, sont compris dans la commission de gestion ;
- les documents d’information a posteriori détaillent de la manière la plus précise possible les différentes catégories de frais afin de pouvoir identifier les frais afférents aux prestations d’AM et de PM, et les frais résultant d’une prestation fournie par la société de gestion ou un prestataire externe. Ces différents frais devraient apparaitre en montant et en pourcentage des actifs sous gestion.
Mauvaises pratiques : le rapport de synthèse met en exergue le point d’attention suivant : le fait de recourir pour un fonds à un prestataire unique pour la fourniture des prestations d’AM et/ou de PM, sans que l’identité de celui-ci ne soit communiquée aux porteurs.
5. GESTION DES CONFLITS D’INTÉRÊTS
La principale source de conflits d’intérêts relevée par la mission de contrôle SPOT concerne la sélection d’un prestataire qui appartient au même groupe que la société de gestion. A ce titre, les appels d’offres et/ou consultations constituent la mesure d’encadrement des conflits d’intérêts. Cette thématique s’inscrit dans le prolongement des constats présentés en Section 2 ci-dessus.
Le rapport de synthèse souligne spécifiquement que, lorsqu’une entité du groupe a été sélectionnée, la pertinence du choix de ce prestataire immobilier n’apparait pas toujours suffisamment justifiée. De plus, il apparait que les porteurs ne sont pas informés de l’identité de ce prestataire.
Si les sociétés de gestion de l’échantillon disposent d’un dispositif de gestion de conflits d’intérêts, l’insuffisante formalisation du processus de sélection des prestataires ne permettrait pas de garantir une gestion appropriée du potentiel conflit.
Mauvaise pratique : le rapport de synthèse met en lumière un point d’attention : le fait de ne pas formaliser les critères permettant de justifier de la sélection d’un prestataire immobilier, et tout particulièrement lorsque celui-ci fait partie du même groupe que la société de gestion.
6. DISPOSITIF DE CONTRÔLE DES PRESTATIONS IMMOBILIÈRES
S’agissant des contrôles permanents, la synthèse souligne que les sociétés de gestion contrôlées ont mis en place des contrôles de second niveau relatifs à la sélection des prestataires, aux frais et à la gestion des conflits d’intérêts. Ces contrôles ne portaient toutefois pas en pratique sur l’ensemble des frais d’AM et de PM supportés par les fonds. En outre, la traçabilité des contrôles réalisés était souvent lacunaire.
S’agissant des contrôles périodiques, la plupart des sociétés de gestion n’avait réalisé aucun contrôle périodique sur les thématiques rappelées au paragraphe ci-dessus depuis 2016, et dans les rares cas où des contrôles périodiques avaient été réalisés, ils ne comportaient aucune recommandation sur ces thématiques et étaient insuffisamment formalisés.
Mauvaise pratique : le rapport de synthèse souligne que le fait de ne réaliser aucun contrôle précis et formalisé sur les frais constitue une mauvaise pratique.
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Si le rapport de synthèse apporte aux sociétés de gestion des précisions utiles s’agissant des attentes de l’AMF notamment en matière d’information due aux porteurs, il laisse toutefois un certain nombre de questions ouvertes au premier rang desquelles se trouve la qualification du contrat liant la société de gestion à l’AM et au PM.
Cette publication électronique n’a qu’une vocation d’information générale non exhaustive. Elle ne saurait constituer ou être interprétée comme un acte de conseil juridique du cabinet Gide.