L’entrée en vigueur du Listing Act
L’Union des marchés de capitaux (UMC), bientôt remplacée par l’Union de l’épargne et des investissements, qui a pour objectif d’améliorer le financement de l’économie européenne, nécessite un cadre réglementaire efficient et efficace qui favorise l’accès des entreprises, y compris des PME, aux marchés financiers. Ceux-ci ont été ébranlés par la crise de la COVID 19 et les mesures de relance en leur faveur se sont révélées insuffisantes. D’où le listing act qui comprend trois textes du 23 octobre 2024 – les directives 2024/2810 et 2024/2811, le règlement 2024/2809 – qui ont pour objectif rendre les marchés des capitaux de l’Union plus attractifs pour les entreprises et faciliter l’accès des PME aux marchés de capitaux.
Le règlement est entré en vigueur en décembre 2024. Certaines de ses dispositions ne seront toutefois applicables qu’en mars ou juin 2026. Les directives doivent être transposées par les États membres au plus tard, soit le 5 juin 2026 (directive 2024/2811), soit le 5 décembre 2026 (directive 2028/2010).
Directive 2024/2810
Lever des fonds sur un marché entraîne généralement une dilution du capital, et donc une perte de contrôle. Si l’on souhaite inciter les entreprises, et plus précisément, les actionnaires de contrôle, à faire appel au marché, et donc à demander l’admission des actions de leur société aux négociations, il convient de faire en sorte que ceux-ci puissent conserver leur contrôle. Telle est l’idée qui est à la base de la directive relative aux actions à votes multiples. Dans le même temps, le risque est que les actionnaires titulaires de telles actions retirent des avantages que les autres actionnaires ne pourraient pas obtenir de sorte qu’il convient d’encadrer l’émission et de mettre en place des protections pour les actionnaires ne disposant que d’un seul droit de vote.
L’émission d’actions à vote multiple peut être uniquement décidée par des sociétés qui demandent l’admission de leurs actions aux négociations d’un système multilatéral de négociation, ce qui inclut un marché de croissance des PME. Cette décision est strictement encadrée comme l’est la protection des actionnaires qui ne sont pas porteurs des actions à vote multiple : celle-ci se traduit en particulier par l’exigence d’un ratio entre le nombre de voix attachées aux actions à vote multiples et le nombre de voix attachées aux actions ayant le moins de droits de vote. Des règles de transparence sont également imposées.
Directive 2024/2811
L’un des apports de la directive 2024/2811 est l’abrogation de la directive 2001/34/CE du 28 mai 2001. Celle-ci avait été progressivement vidée de sa substance : la nouvelle directive signe sa disparition complète et l’intégration de certaines des dispositions de la directive de 2001 dans la directive 2014/2811 du 15 mai 2014, dite MIF 2, qui comporte déjà des dispositions concernant la cotation des entreprises. Ce qui réalise une simplification textuelle tout en conservant, selon les auteurs de la nouvelle directive, les « dispositions pertinentes » de la directive de 2001, notamment en ce qui concerne la diffusion minimale des actions dans le public : au moins 10 % du capital souscrit représenté par la catégorie d’actions concernée par la demande d’admission à la négociation. Le seuil retenu est toutefois en baisse car il était de 25% sous l’empire de la directive de 2001.
La nouvelle directive ne se limite pas à intégrer les règles de cotation dans la directive MIF 2. Elle modifie également les dispositions concernant la rémunération des professionnels offrant un service de recherche, plus précisément les règles de dissociation de la recherche. L’objectif est de revitaliser le marché de la recherche en investissements. Ce volet du nouveau texte n’est pas négligeable lorsque l’on souhaite pousser les entreprises à lever des capitaux sur les marchés.
On doit encore noter les modifications apportées aux marchés de croissance des PME. Ceux-ci ont été créés en 2014 comme une catégorie particulière de systèmes multilatéraux de négociation (SMN). Il n’était pas prévu qu’un SMN, relevant de la catégorie générale, ait un segment enregistré comme marché de croissance des PME. C’est cette possibilité qui est reconnue par la directive du 23 octobre 2024, ce qui a conduit à modifier la définition des SMN et à adapter le régime des marchés de croissance des PME.
Règlement 2024/2809
Le règlement du 23 octobre 2024 modifie principalement le règlement prospectus du 14 juin 2017 et le règlement abus de marché du 16 avril 2014. L’objectif, en ce qui concerne le premier, est de lever les obstacles que constituent la longueur, la complexité et le coût élevé de l’établissement du prospectus et, en ce qui concerne le second, de renforcer la clarté juridique, de remédier au caractère disproportionné des exigences imposées aux émetteurs et d’accroître l’attractivité globale des marchés des capitaux de l’Union, tout en garantissant un niveau approprié de protection des investisseurs et d’intégrité des marchés. De nombreuses dispositions de ces textes sont en conséquence modifiées.
Le champ d’application de l’obligation d’établir un prospectus et les dérogations à cette obligation sont modifiés. Le « prospectus de croissance de l’union », qui concerne les PME, devient le « prospectus d’émission de croissance de l’Union ». Le prospectus simplifié pour les émissions secondaires et le prospectus de relance de l’Union sont remplacés par un nouveau document appelé « Prospectus d’émission subséquente de l’Union ». On doit encore noter que le prospectus concernant les actions doit avoir une longueur maximale (300 pages de format A4 lorsqu’il est imprimé), que le régime d’équivalence des prospectus établis conformément à la législation d’un État tiers est révisé afin de le rendre plus fonctionnel, et que le régime linguistique est amendé notamment pour autoriser, à côté de la langue acceptée par l’État membre, l’usage de la « langue usuelle dans la sphère internationale » lorsque l’offre au public de valeurs mobilières ou l’admission aux négociations n’est sollicitée que dans un État membre : seule la langue acceptée par l’État membre était auparavant autorisée.
Les émetteurs doivent rendre publiques les informations privilégiées qui les concernent. Le régime concernant ces publications est modifié afin d’exclure la divulgation d’informations concernant les étapes intermédiaires. Sont également amendés les règles concernant les sondages de marché, les obligations de déclaration imposées en cas de rachat d’actions, et le régime d’échange d’information concernant les autorités nationales. Un mécanisme appelé « cross market order book surveillance » (surveillance croisée du carnet d’ordres sur le marché) ou CMOBS doit être mis en place afin de permettre auxdites autorités une meilleure détection des manipulations de marché sur les marchés ayant une dimension transfrontière significative. Le régime des sanctions est aussi modifié afin de les proportionner à la taille de l’entreprise, l’objectif étant d’éviter de décourager les PME à être cotées sur un marché. Une sanction spécifique, « à titre de solution de substitution », est prévue lorsque la personne morale à sanctionner est une PME.