7 mai 2020
Application internationale du gel des astreintes, clauses pénales, clauses résolutoires et clauses de déchéance pendant l'état d'urgence sanitaire.
L'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, modifiée et complétée par une ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 a remanié certaines règles applicables en matière contractuelle, notamment s’agissant des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire. En particulier, son article 4 prévoit un aménagement des délais qui sont attachés aux astreintes et aux clauses ayant pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation. Cet article gèle certaines sanctions en cas de retard dans l’exécution des obligations, en particulier celles qui résultent des clauses pénales, des clauses résolutoires et des clauses de déchéance ainsi que les astreintes.
Cette disposition, technique, ne va pas sans soulever de délicates questions d’interprétation[1] auxquelles sont proposés quelques débuts de réponse par les rapports au Président de la République et les circulaires de présentation qui accompagnent ces deux ordonnances.
Parmi les difficultés soulevées se trouve celle de l’impérativité de l’article 4 et celle notamment de son impérativité internationale. A ce sujet, nous disposons d’indices contradictoires (1.) que nous pouvons tenter de concilier (2.).
Le point de vue de la circulaire. C’est sans détour que la circulaire de présentation des dispositions du titre I de l’ordonnance n° 2020-427 prend position sur la question de l’impérativité internationale de l’article 4, puisqu’elle affirme que « s’agissant […] de l’application territoriale de ces dispositions, il peut être considéré […] que les dispositions de l’article 4 sont une loi de police au sens de l’article 9 du Règlement n°593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, dit « Rome I » ».
Si la circulaire réserve fort opportunément « l’appréciation souveraine des juridictions », elle prend soin de justifier sa position, estimant que la qualification de loi de police « semble pouvoir être retenue au regard de l’objet poursuivi par le dispositif […] qui vise à atténuer les conséquences économiques des mesures prises pour lutter contre l’épidémie de Covid-19, aux fins plus globalement d’assurer la sauvegarde de l’organisation économique du pays ».
Quelle est la portée d’une telle affirmation ? Quelle analyse faire du champ d’application international de l’article 4 ?
Contrats internationaux soumis au droit français. L’application du nouvel article 4 aux contrats internationaux soumis au droit français ne pose pas de réelle difficulté, dès lors qu’il s’agit de dispositions du droit français, normalement applicables, qu’il s’agisse ou non d’une loi de police.
Tout au plus s’est-on demandé, comme pour les contrats internes, quelle était l’application dans le temps des dispositions de l’ordonnance et en particulier si elles concernaient autant les contrats conclus antérieurement au 12 mars 2020, ceux conclus antérieurement à sa date d’entrée en vigueur et ceux conclus postérieurement. Sur ce point, la nouvelle rédaction issue de l’ordonnance 2020-427 apporte un éclairage puisqu’elle suppose que les nouvelles dispositions s’appliquent aux contrats dont les obligations sont nées pendant la période juridiquement protégée. Elle est du reste confortée par la circulaire de présentation, selon laquelle « Ces dispositions sont applicables aux contrats conclus antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance […] » ; « Elles sont également applicables aux contrats conclus ou renouvelés postérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance, ainsi qu’aux avenants postérieurs à cette entrée en vigueur ».
Contrats internationaux soumis à un droit étranger. S’agissant des contrats soumis à un droit étranger, l’analyse est en revanche à la fois plus complexe et lourde d’enjeux.
Dans cette hypothèse, la méthode des lois de police permettrait à ces dispositions de s’appliquer immédiatement à la situation, sans égard à la loi désignée par la règle de conflit de lois, c’est-à-dire, en matière contractuelle, sans égard pour l’éventuel choix de loi des parties. Ainsi, si l’article 4 de l’ordonnance 2020-306 modifié devait effectivement être considéré comme une loi de police, les prorogations de délai seraient susceptibles de s’appliquer quelle que soit la loi applicable au contrat.
Pour cela, deux conditions doivent être réunies : il faut tout d’abord que la règle soit qualifiée de loi de police et il faut ensuite qu’elle cherche à s’appliquer à la situation, au regard notamment de la localisation géographique de cette dernière, en corrélation avec l’objectif qu’elle poursuit. On distingue ainsi assez classiquement une étape d’identification de la loi de police et une étape concernant son application.
Intention de l’auteur de la règle. De façon générale, l’identification d’une loi de police est un exercice périlleux. Il est rare que la qualification soit le fait exprès de l’auteur de la règle.
Cela se vérifie pour l’article 4 qui ne définit pas lui-même son champ d’application dans l’espace. L’indication d’une éventuelle qualification de loi de police émane de la circulaire d’application, dont on sait qu’elle n’a pas de valeur normative et qui se présente elle-même comme une simple suggestion. Le rapport au Président de la République est quant à lui muet sur ce point.
Finalité de la règle. En l’absence d’indication de l’auteur de la règle, il appartient normalement à la jurisprudence de se prononcer. Elle procède à la recherche d’indices et, en particulier, prend en considération la finalité de la règle.
A cet égard, l’argument avancé par la circulaire est de nature à peser sur le raisonnement des juges. Le contexte de l’adoption de l’article 4 en application de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 « d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 », ainsi que sa finalité qui est notamment d’« atténuer les conséquences économiques des mesures prises pour lutter contre l’épidémie » pourraient militer en faveur d’une telle qualification.
La circulaire va jusqu’à rattacher ces dispositions à l’objectif global de « sauvegarde de l’organisation économique du pays ». En cela, elle inscrit l’article 4 dans un dispositif qui répond à la définition traditionnelle des lois de police, celle qui résulte de la célèbre formule de Francescakis visant « les lois dont l’observation est nécessaire pour la sauvegarde de l’organisation politique, sociale ou économique du pays »[2]. D’origine doctrinale, cette définition a inspiré l’article 9 du Règlement « Rome I »[3] qui prévoit quant à lui qu’une loi de police est « une disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique, au point d'en exiger l'application à toute situation entrant dans son champ d'application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat d'après le présent règlement ».
Reste à savoir si les juges considéreront, comme le souffle la circulaire, que l’application de ces dispositions est bien nécessaire à la sauvegarde de l’organisation économique française ou s’ils jugeront qu’il y a là une forme d’exagération.
Incidence du caractère supplétif de la règle. Indépendamment de cette interrogation, la qualification de l’article 4 au titre des lois de police, dont l’effet serait d’évincer la loi choisie par les parties, surprend au regard de l’une des caractéristiques de cet article, à savoir le fait que les parties semblent pouvoir y renoncer ou écarter son application.
Cette possibilité ne résulte pas directement de l’ordonnance, mais elle est exprimée dans le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2020-427 qui précise que « Les parties au contrat restent libres d'écarter l'application de cet article par des clauses expresses notamment si elles décident de prendre en compte différemment l'impact de la crise sanitaire sur les conditions d'exécution du contrat. Elles peuvent également décider de renoncer à se prévaloir des dispositions de cet article ».
Elle est réitérée dans la circulaire, laquelle, après avoir rappelé que les dispositions sont applicables aux contrats en cours, précise que « les parties demeurent toutefois libres de décider de renoncer à se prévaloir de ce dispositif protecteur », au moyen d’une « manifestation univoque de volonté ». Quant aux « contrats conclus ou renouvelés postérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance » et aux « avenants postérieurs à cette entrée en vigueur », auxquels l’article 4 est également applicable, la circulaire offre aux parties la liberté « d’écarter contractuellement l’application de ces dispositions ».
L’auteur de la circulaire prend soin de livrer des justifications de cette faculté : dès lors qu’au moment de la conclusion du contrat, les parties avaient connaissance de la situation sanitaire et des dispositions adoptées en réaction elles sont « en mesure de les intégrer à l’économie du contrat et de s’organiser contractuellement en conséquence. Elles demeurent donc libres d’aménager contractuellement les délais d’exécution et les conséquences d’une éventuelle inexécution imputable ou non aux mesures prises par les autorités pour lutter contre l’épidémie de Covid-19 ».
Le fait que les parties puissent ainsi déroger aux aménagements de délais fixés par l’article 4, ce qui manifeste leur caractère supplétif, semble s’opposer à ce qu’ils puissent être revêtus de l’impérativité suffisante pour être qualifiés de lois de police. Il est en effet courant de considérer que ce qui est impératif au niveau international l’est nécessairement au niveau interne. Tout comme pour la distinction entre ordre public interne et ordre public international, la différence serait davantage une différence de degré que de nature : on parle alors de règle « simplement impérative » pour l’impérativité interne et de règle « internationalement impérative » ou encore « super-impérative », avec l’idée d’une hiérarchie[4]. L’idée est assez logique pour ceux qui voient dans le mécanisme des lois de police une manifestation du rôle de l’Etat, notamment sur les relations contractuelles et une limite à la volonté des parties d’échapper à cette loi en désignant une loi étrangère. Elle est du reste communément répandue.
Ainsi, instinctivement, on imagine mal que les parties puissent écarter l’application d’une loi de police, dès lors qu’une telle qualification implique que la règle soit revêtue d’une « impérativité particulière »[5] lui permettant de s’imposer dans les contrats internationaux. La référence est d’ailleurs expresse à l’article 9 du Règlement « Rome I » qui définit précisément la loi de police comme « une disposition impérative dont le respect est jugé crucial […] ».
Au vu de ce qui précède, il serait légitime de douter du caractère de loi de police de l’article 4, malgré l’affirmation de la circulaire. Un tel doute pourrait profiter à l’application du droit choisi par les parties, dès lors que le mécanisme des lois de police n’est finalement qu’un mécanisme d’exception, dérogatoire, à celui de la règle de conflit de lois[6].
*
* *
Cela signifie-t-il qu’il soit impossible que cette règle soit qualifiée de loi de police ? On oscille entre, d’une part, l’apparente antinomie qui oppose les mécanismes de loi de police et de règle supplétive et, d’autre part, la difficulté qu’il y a à ignorer l’affirmation expresse de la circulaire, doublée d’une justification théorique au demeurant intellectuellement recevable au regard de la finalité de la règle.
Une clarification de ces questions, par l’auteur de la règle ou par la jurisprudence, serait bienvenue. Elle risque cependant de se faire attendre. Dans l’intervalle, la prudence est donc de mise.
Est-il néanmoins possible de dépasser la contradiction ? Pour être complet, ne faut-il pas rechercher une voie permettant de concilier les deux caractères de l’article 4 tels qu’ils ont été présentés par la circulaire ?
On se permettra d’hasarder deux pistes de réflexion qui, en l’état, ne peuvent être qu’embryonnaires.
Impérativité interne et lois de police. La première voie, théorique, reposerait d’abord sur une approche subtile des différences entre des notions généralement considérées comme équivalentes, en particulier celle d’ordre public et d’impérativité, mais dont il a été parfois rappelé qu’elles n’étaient pas nécessairement assimilables[7].
Elle s’appuierait aussi sur ce qui distingue les mécanismes ici à l’œuvre. Si l’impérativité interne et le jeu des lois de police se présentent tous deux comme des mécanismes d’éviction, la norme évincée n’est pas la même. S’agissant des règles dites « simplement » impératives, la règle évincée est la clause contraire du contrat ; s’agissant des lois de police, c’est en réalité la règle de conflit de lois qui est court-circuitée – et dans un second temps la loi étrangère normalement applicable.
A partir de ces distinctions, l’idée, instinctive, selon laquelle une loi de police serait nécessairement une règle impérative en droit interne pourrait être revisitée.
C’est ainsi qu’elle est d’ailleurs réfutée par une partie de la doctrine qui considère que la qualification de loi de police ne doit dépendre que de l’objectif qu’elle poursuit[8] et non de ses caractéristiques, en ce compris son impérativité interne. Il serait « concevable qu’une loi de police soit supplétive, dès lors que c’est la technique que le législateur a estimée comme étant, dans le contexte particulier où il intervenait, la plus appropriée pour réaliser l’objectif sociétal fixé »[9]. L’hypothèse devrait demeurer rare, mais la Cour de cassation a eu l’occasion d’en donner une illustration[10].
L’interprétation de l’article 4 telle que suggérée par la circulaire pourrait ainsi se prévaloir de cette différence d’objet de l’impérativité des règles « simplement » impératives et des lois de police.
Application limitée à ce qui est nécessaire pour atteindre la finalité de la règle. La seconde piste de réflexion reposerait sur la finalité du texte. Son objectif, rappelé par la circulaire, est d’atténuer l’impact économique des mesures de lutte contre l’épidémie, dans un but de sauvegarde de l’économie. Or, ce qui préserve l’économie ici, ce n’est pas tant l’application aveugle et systématique des nouveaux délais à tous les contrats, mais le fait que cette possibilité existe pour les contractants qui en auraient besoin. C’est d’ailleurs ce qui justifie la faculté de renonciation et de clause contraire. Les parties, en connaissance de cause peuvent choisir une organisation différente et en tirer les conséquences contractuelles. L’objectif général de sauvegarde de l’économie française passe ainsi par un mécanisme de protection individuelle[11].
Le texte qui vise à protéger l’économie, en protégeant les contractants en situation difficile pourrait n’avoir vocation à s’appliquer que dans les cas où il est nécessaire à cette protection individuelle. Ce ne serait pas le cas des hypothèses dans lesquelles les parties se sont organisées autrement, en connaissance de cause. Un simple choix de loi étrangère – qui plus est avant le début de la crise sanitaire – devrait être insuffisant à caractériser une renonciation au dispositif de protection et notamment une renonciation qui, aux dires de la circulaire, devrait « faire l’objet d’une manifestation univoque de volonté ».
Cette analyse pourrait être la manifestation des conditions de mise en œuvre d’une loi de police dont nous avons vu que la première était son identification au sein de la catégorie des lois de police et la seconde, sa « volonté » de s’appliquer à la situation concrètement envisagée[12]. Cette « volonté d’application » repose sur la question de savoir si le recours à la règle est légitime et nécessaire, dans un contexte particulier, au regard de la finalité supérieure qui lui a précisément permis d’accéder à la qualification de loi de police. Habituellement, lorsqu’elle est spécifiée, cette « volonté » résulte d’un rattachement géographique de la situation au territoire du for (par exemple, les règles applicables en matière de sous-traitance qualifiées de lois de police s’appliquent uniquement lorsque le sous-traitant est établi en France). Certains auteurs envisagent également qu’une loi de police puisse être autolimitée, c’est-à-dire qu’elle refuse de s’appliquer en dehors de certaines limites, qu’elle définit.
En d’autres termes, la loi de police n’a pas toujours besoin de s’appliquer « immédiatement », au sens d’ « internationalement », si l’objectif qu’elle poursuit n’est pas menacé. Une loi de police qui subordonnerait son application à l’absence d’une organisation alternative des parties pour faire face à la crise serait certes inédite, mais elle répondrait à la raison même de son élévation au rang de loi de police.
Ces justifications peuvent peiner à convaincre, tant est ancrée l’idée que ce qui est impératif au plan international l’est nécessairement au niveau interne. Pourquoi alors s’acharner à chercher à concilier ce qui paraît inconciliable ? D’abord, parce qu’en la matière, les notions sont subtilement entremêlées ; ensuite, parce qu’il serait imprudent de négliger l’impact que peut avoir sur le juge la suggestion circonstanciée de la circulaire de la Garde des sceaux ; enfin, parce qu’il faut se souvenir de ces cas, où le caractère d’application nécessaire d’une règle a été « imposé arbitrairement par le législateur »[13].
* * *
En tout état de cause, l’application de telles lois de police, si elles devaient être ainsi considérées, dépendra de la juridiction saisie : presque automatique devant le juge français, leur mise en œuvre sera plus aléatoire devant un tribunal ou devant un juge étranger où elles seraient considérées comme des lois de police étrangères. Par ailleurs, il faudra prendre en considération la possibilité d’un éventuel conflit au cas où les législateurs étrangers adopteraient des dispositions comparables.
Notons enfin que l’objectif de protection de l’économie pourrait éventuellement réapparaître au titre de l’exception d’ordre public international et motiver un refus de reconnaissance des décisions étrangères ou des sentences arbitrales qui heurteraient concrètement l’objectif de protection ainsi envisagé par l’ordonnance.
Sur ce sujet, le doute - et donc la prudence - sont ainsi de mise.
______
[1] Sur lesquelles, v. l’intéressante analyse de O. Deshayes, « La prorogation des délais en période de Covid-19 : quels effets sur les contrats ? », D., 2020.831.
[2] Rep. Dalloz International, 1re éd., v° Conflit de lois, n° 137.
[3] Règlement n° 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I).
[4] V. not. la définition retenue par L. d’Avout, « Le sort des règles impératives dans le règlement Rome I », D. 2008, p. 2165, spéc. n° 9 : les lois de police présente « un degré plus élevé d’impérativité : ce sont des règles internes dont l’impérativité résiste à l’internationalité authentique du contrat ».
[5] Dans ce sens, D. Bureau et H. Muir Watt, Droit international privé, t. 1, 4e éd. 2017, n° 552.
[6] Dans ce sens, D. Bureau et H. Muir Watt, Droit international privé, t. 1, 4e éd. 2017, n° 552.
[7] Il est en effet parfois distingué entre, d’une part, la notion d’ordre public et, d’autre part, le caractère impératif d’une norme, par opposition à son caractère supplétif, la première étant présentée par certains comme visant la protection de l’intérêt général et la seconde étant susceptible d’accueillir en outre la protection d’intérêts individuels.
[8] En ce sens, A. Jeauneau, L’ordre public en droit national et en droit de l’Union européenne. Essai de systématisation, LGDJ, 2018, spéc. n° 188 et s. ; B. Rémy, Exception d'ordre public et mécanisme des lois de police en droit international privé, Dalloz, 2008, n° 509-511 : « Il est […] tout à fait possible qu'un objectif sociétal soit susceptible d'être réalisé de différentes manières, de telle sorte que l'État préfère laisser le choix aux individus de s'accorder sur les moyens permettant la réalisation de cet objectif. Le contrat devient alors un « instrument de régulation politique » et l'État se mue d'un État providence, social et propulsif en un État stratège, réflexif et négociateur. Tel est le cas notamment s'agissant de certaines attributions préférentielles dont l'objectif sociétal est la préservation du tissu économique français et qui peuvent être écartées par des manifestations non équivoques de volonté ». V. également Dennis Solomon, « The Private International Law of Contracts in Europe : Advances and Retreats », Tul. L. Rev. 2008, p. 1709-1740, spéc. p. 1736-1737, qui distingue le fait de limiter l’autonomie de la volonté des parties, qui ne serait pas à l’œuvre dans le mécanisme des lois de police, du fait de « rendre justice à des considérations de politique législative non prise en compte adéquatement au moyen de la règle de conflit en matière contractuelle », qui serait au contraire de l’essence des lois de police (notre traduction).
[9] A. Jeauneau, L’ordre public en droit national et en droit de l’Union européenne. Essai de systématisation, LGDJ, 2018, spéc. n° 189.
[10] V. Cass. civ. 1re, 10 octobre 2012, n° 11-18.345 : les règles relatives à l’attribution préférentielle en matière de succession y sont qualifiées de lois de police, « en raison de leur destination économique et sociale », alors même que dans le même temps, en droit interne, il est admis que ces règles « ne revêtent pas un caractère d’ordre public » (F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet, Droit civil, Les successions, Les libéralités, spéc. nº 1113, p. 988). A cet égard, v. not. les développements de D. Bureau, in « Juger le présent, prévoir l’avenir », Droit et Patrimoine, nº 236, 1er mai 2014, p. 78-84.
[11] La circulaire évoque d’ailleurs un dispositif de protection.
[12] L’article 9 du Règlement « Rome I » se réfère expressément à cette condition lorsqu’il définit la loi de police comme « une disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un pays […] au point d'en exiger l'application à toute situation entrant dans son champ d'application » (nous soulignons).
[13] P. Mayer, V. Heuzé et B. Rémy, Droit international privé, 12e éd., 2019, n° 123.
Claire Debourg est membre du Conseil Scientifique de Gide, aux côtés d'associés, de senior counsels, scientifiques et personnalités dotés d'une grande autorité doctrinale, qui travaillent en étroite collaboration avec les avocats du cabinet. Professeur agrégée des Facultés de Droit, elle est spécialisée en arbitrage commercial et règlement des litiges internationaux.
Cette publication électronique n’a qu’une vocation d’information générale non exhaustive. Elle ne saurait constituer ou être interprétée comme un acte de conseil juridique du cabinet Gide.
>> Cliquez ici pour plus d'informations sur le groupe de travail pluridisciplinaire de Gide mis en place pour répondre à toutes vos questions juridiques dans le contexte du Covid-19.